Intervention de Patrick Bloche

Séance en hémicycle du 8 mars 2016 à 15h00
Liberté indépendance et pluralisme des médias — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation :

Ne minimisez pas votre rôle, ne jouez pas aux faux modestes, au moins au moment où nous discutons du renvoi en commission.

À l’article 1er, qui est tout de même l’article fondateur de la proposition de loi, l’article qui étend à tous les journalistes des dispositions qui ne concernent actuellement que les seuls journalistes de l’audiovisuel public et crée un droit d’opposition interdisant de contraindre un journaliste à accomplir un acte contraire à son intime conviction professionnelle, vous avez souhaité que l’intime conviction professionnelle soit adossée aux chartes d’éthique, allant même jusqu’à exprimer l’intention, et nous vous avons suivis, que ces chartes soient généralisées dans tous les médias de la presse écrite et audiovisuelle avant la fin de cette année.

Ne minimisez donc pas votre apport, qui a permis de dépasser ce qui était, à mon avis, un faux débat et de préciser utilement l’intention du législateur.

Je parle volontairement de chartes d’éthique et je rappelle, s’il le fallait, que cette intime conviction professionnelle a effectivement des fondements déontologiques.

Ce sont des débats qui nous occupent depuis déjà quelques années, monsieur Riester. Les pouvoirs du CSA, dont vous contestez le renforcement, pouvoirs inévitablement ex post, nous l’avons précisé en commission lorsque nous avons réécrit à mon initiative l’article 2, ne s’exercent pas dans le champ de la déontologie. Nous laissons la déontologie, l’éthique à la négociation entre les sociétés de journalistes et les directions ou les rédactions des médias. Le champ de ses pouvoirs est classique. Il a d’ailleurs déjà quelques pouvoirs liés au respect du pluralisme, de l’indépendance et de l’honnêteté de l’information, des pouvoirs assez complets en ce qui concerne le pluralisme mais beaucoup plus limités en ce qui concerne l’indépendance et l’honnêteté de l’information.

Je voulais apporter cette précision pour vous montrer qu’il n’y a aucun intérêt à revenir en commission sur ce point qui m’apparaît assez clair.

Nous n’allons pas refaire le match de novembre 2013 sur l’indépendance de l’audiovisuel public. Je vous propose de rester sur l’objet même de cette proposition de loi, dont, certes, j’ai contesté qu’on puisse l’appeler aussi abruptement loi anti-Bolloré à partir du moment où la loi s’appliquera à tous les médias de la presse écrite audiovisuelle et en ligne.

Si, je vous le concède, il subsiste une différence entre les journalistes, c’est parce que, historiquement, nous avons deux modes de régulation. Pour la presse écrite et la presse en ligne, il y a des lois et un juge pour les appliquer. En 1982, pour des raisons objectives liées à l’époque à la libéralisation des ondes par François Mitterrand et son ministre de la communication d’alors, Georges Fillioud, a été créée une autorité indépendante de régulation, qui s’appelle aujourd’hui le CSA.

De ce fait, le renvoi en commission ne servirait pas à clarifier utilement nos débats. Je veux bien qu’on regarde ailleurs, mais on ignore alors la particularité française qui subsiste, et qui s’est peut-être même accentuée ces deux dernières années, à savoir que la quasi-totalité des principaux médias appartiennent à des grands groupes industriels et financiers dont ce n’est pas le coeur de métier. Nous n’avons pas, comme dans les pays anglo-saxons, de grands groupes multimédias qui ne se consacrent qu’à cette mission.

Pour toutes ces raisons, parce que le groupe socialiste a été, je pense, généreux en votant des amendements que vous aviez présentés, et nous en avons quelques-uns sous le coude pour la séance, parce que des amendements d’autres groupes que Les Républicains et évidemment du groupe socialiste ont été adoptés en commission, je pense que le renvoi en commission n’est pas justifié et qu’il est plus que jamais urgent d’assurer ici et maintenant une meilleure indépendance et une meilleure transparence des médias dans notre pays.

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