Publié le 6 septembre 2018 par : M. Barrot.
I. – À l'alinéa 7, après le mot :
« vote , »,
insérer les mots :
« lorsque la personne ayant déposé le projet d'offre, agissant seule ou de concert au sens de l'article L. 233‑10 du code de commerce, détenait alors, directement ou indirectement, moins de 50 % du capital et des droits de vote, ou dès lors que ces titres ne représentent pas plus de 5 % du capital et des droits de vote dans les autres cas, ».
II. – En conséquence, à l'alinéa 11, substituer aux mots :
« représentent moins de 10 % »
les mots :
« , ne représentent pas plus de 10 % ou de 5 %, selon les cas, ».
Le « retrait obligatoire » ou squeeze out, est une procédure qui permet aux actionnaires majoritaires d'obtenir un transfert de propriété à leur profit des titres détenus par les actionnaires minoritaires. Il peut être mis en œuvre à l'issue de toute offre au public de titres financiers, sur un marché réglementé ou organisé.
S'agissant du ou des actionnaires majoritaires qui peuvent mettre en œuvre la procédure, le droit européen laisse aux États une marge de manœuvre : ils peuvent fixer un seuil entre 90 et 95 % du capital ou des droits de vote.
Le seuil historique en droit français, depuis l'instauration de cette procédure, est fixé à 95 %. Ainsi, il n'est pas possible d'exproprier plus de 5 % des minoritaires. Le projet de loi propose d'abaisser ce seuil à 90 %. Le Gouvernement souhaite, à juste titre, renforcer l'attractivité du droit français en facilitant la sortie de cote et donc la mise en œuvre de cette procédure.
Cet objectif est louable. Toutefois, une telle expropriation n'est acceptable que dans la mesure où le prix proposé est objectivement incontestable, ce qui n'est le cas que lorsqu'il a été plébiscité par le marché. L'évaluation dite « multicritères » permet en principe de garantir un prix qui tient compte de paramètres objectifs en matière de cession d'actifs. Cependant, il est possible que, notamment dans le cas d'un retrait obligatoire qui suit une offre publique de retrait, ces éléments ne soient pas favorables aux actionnaires minoritaires selon le moment où est mis en œuvre le retrait obligatoire.
C'est pour cette raison que je vous propose de réserver l'abaissement du seuil à 90 % aux seuls cas où le prix est celui du marché, c'est-à-dire lorsque le retrait fait suite à une prise de contrôle de la société concernée. Ainsi, les minoritaires seront justement indemnisés. La rédaction que je vous propose est inspirée par le Haut Comité Juridique de Place qui a formulé cette recommandation.
Le Gouvernement invoque en outre le souci, pour élever la proportion des minoritaires qui peuvent être expropriés, le souci de parer aux tentatives des fonds vautours qui veulent obtenir une prime en bloquant le retrait obligatoire. Mais les minoritaires peuvent aussi être tentés de faire obstacle au retrait justement parce qu'ils craignent que l'évaluation du prix leur soit défavorable.
Enfin, on pourrait opposer à cet amendement que la plupart des retraits obligatoires sont enclenchés sans prise de contrôle, et qu'il aurait donc pour objet de réduire largement la portée de la réforme proposée.
Toutefois, il convient de signaler que cette procédure demeure de manière générale relativement exceptionnelle. Ainsi, sur la période 2015‑2017, c'est en tout et pour tout, selon l'étude d'impact, « 42 % de 12 offres publiques » qui n'avaient pas pu atteindre 95 % mais qui avaient atteint 90 % et auraient pu ainsi permettre le retrait obligatoire si le seuil légal était plus bas.
Enfin, dans tous les cas, la procédure de radiation de cote, prévue par les règles de marché d'Euronext, et qui permet la sortie de cote sans expropriation, prévoit quant à elle un seuil à 90 %.
Au vu de ces éléments et des ordres de grandeur en jeu, cet amendement n'entraînerait donc aucun bouleversement économique.Garantir les intérêts des actionnaires minoritaires et des investisseurs serait même susceptible de les encourager à acquérir des actions cotées, et donc de développer la Place financière de Paris, ce qui est l'objectif du projet de loi.
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