Projet de loi de finances pour 2019 — Texte n° 1255

Amendement N° 1007A (Rejeté)

Publié le 16 octobre 2018 par : M. Cesarini, M. Gaillard, Mme Tuffnell, M. Vignal, M. Blanchet, Mme Pascale Boyer, M. Baichère, Mme Wonner, Mme Valérie Petit, M. Zulesi, M. Mendes, M. Arend, Mme Krimi, Mme Pitollat.

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Le deuxième alinéa du VII de l'article 199terdecies-0 A du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : « Des plafonds spécifiques fixés par décret s'appliquent aux conseillers en investissements participatifs relevant de l'article L. 547‑1 du code monétaire et financier et aux prestataires de services d'investissement relevant de l'article L. 533‑22‑3 du même code réalisant des offres de titres financiers au moyen d'un site internet. »

Exposé sommaire :

L'arrêté du 11 juin 2018 pris en application du deuxième alinéa du VII de l'article 199terdecies-0 1 du code général des impôts fragilise radicalement le modèle économique des plateformes de finance participative ainsi que l'équilibre construit par le législateur et les régulateurs pour en accompagner le développement. En effet, cet arrêté prévoit un plafonnement à 30 % des frais et commissions imputés dans le cadre du versement (notamment, mais pas exclusivement : frais de gestion, de distribution, de conseil, etc.).

Les objectifs visés par cette mesure sont évidemment légitimes : lutter contre les rémunérations abusives pratiquées par certains intermédiaires et conseil en gestion de titres financiers, favoriser la transparence des tarifs pratiqués, maximiser l'efficacité des réductions d'impôts dont l'objectif doit rester le renforcement des fonds propres des entreprises non cotées et pas le « paiement déguisé » d'intermédiaires.

Cependant, les frais facturés aux entreprises faisant l'objet d'investissement sont soumis à un sous-plafond de 5 % du versement et les 25 % restants sont des frais qui peuvent être imputés aux investisseurs. Ce modèle est en contradiction avec le modèle économique des plateformes de financement participatif.

En effet, le modèle économique des plateformes de financement participatif est représentatif du caractère bicéphale de leurs activités avec des prestations rendues à deux types de clients : un nombre très important d'investisseurs particuliers (le nombre moyen de souscripteurs peut aller jusqu'à plus de 1000 personnes par projet) et des entreprises non cotées de petite taille pas toujours familières avec des levées de fonds en capital. De plus, les plateformes, si elles commencent à prendre des commissions sur les investisseurs, le font dans des proportions minimes : le but étant bien de permettre aux particuliers, à hauteur d'un montant minimum de 100 € de financer l'économie réelle. Il serait contre-productif de prendre 25 € de frais à investisseur sur un investissement de 100 €.

Par ailleurs, les plateformes de financement participatif assurent des prestations spécifiques, liées à leur mode d'intervention sur Internet. Ces prestations sont à destination des émetteurs qui sont ainsi accompagnés pendant tout le processus de levée de fonds, y compris après que les fonds ont été versés. Elles justifient la facturation de frais que ne supportent pas les gestionnaires d'actifs traditionnels qui :

· S'adressent à des investisseurs professionnels et institutionnels, par nature très peu nombreux à souscrire aux produits proposés mais pour des montants largement plus élevés ;

· Financent, en nombre, moins de projets par an que les plateformes de financement participatif ;

· Facturent des frais élevés à leurs investisseurs de façon récurrente sur la durée de vie des fonds qu'ils gèrent.

En conséquence, les rémunérations pratiquées par les plateformes de finance participative présentent les caractéristiques suivantes :

· Elles sont quasi exclusivement facturées en une fois, lors de la levée de fonds.

· Elles sont facturées pour partie aux investisseurs et pour partie aux entreprises en recherche de fonds

o De l'ordre de 2 à 5 % facturés aux investisseurs

o De l'ordre de 5 à 10 % facturés aux entreprises non cotées

Ces prestations peuvent être regroupées en 3 catégories :

1. Organisation et animation d'une campagne de levée de fonds sur internet :

· Les actions essentielles de communication pendant et après la campagne de collecte : accompagnement dans la réalisation de supports de communication, conseils sur l'animation de leur campagne, campagnes de communication sur le web et les réseaux sociaux, recours à des agences de relations presse, etc. Ces actions font appel à des compétences que n'ont pas souvent les porteurs de projet. Elles mobilisent fréquemment plusieurs équivalent temps-plein au sein des plateformes.

· La mise à disposition de fonctionnalités avancées pour les émetteurs afin de leur permettre de réussir leur campagne de levée de fonds : forum d'échanges avec les particuliers financeurs, outils de diffusion et de communication, outils de présentation de leur projet aux souscripteurs éventuels etc.

2. Gestion du processus dématérialisé de souscription :

· La gestion complète du processus de souscription et de gestion des flux financiers pour une masse souvent conséquente de souscriptions : ouverture de compte, de portemonnaies électroniques, etc.

· La gestion déléguée de tous les services fournis par un prestataire de services de paiement (PSP) qui permet une gestion sécurisée des flux de paiement : contrôles anti-blanchiment et lutte contre le financement du terrorisme, transfert des fonds, gestion des remboursements. La réglementation interdit aux plateformes de gérer elles-mêmes les flux financiers de leurs clients. Ces frais sont facturés par les PSP aux plateformes et sont proportionnels au volume des montant collectés.

3. Prise en charge des obligations réglementaires et juridiques liées à toute levée de fonds sur internet :

· La mise en œuvre, pour chaque souscripteur et chaque émetteur, des contrôles de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCBFT) via l'administration d'un questionnaire (pour chaque souscripteur) dit de connaissance client (KYC) ;

· La rédaction et la gestion de la documentation juridique mise à disposition des souscripteurs : document d'information réglementaire simplifié (DIRS), Document d'Information Client (DIC), le cas échéant en cas de souscription de titres complexes (obligation convertibles par exemple), bulletins de souscription, formulaires fiscaux pour la déclaration au titre de l'IR-PME, signature des pactes d'actionnaires, documentation imposée par les établissements bancaires en cas de souscription via un PEA-PME ;

· La gestion de la relation actionnariale avec une multitude de souscripteurs après la levée de fonds : reporting régulier, tenue des assemblées générales lorsque l'investissement se réalise via une holding interposée, suivi de participations, etc.

Il serait donc pertinent que les plateformes se soumettent au même plafond que les autres intermédiaires financiers pour ce qui concerne les services qu'elles ont en commun avec eux, mais qu'elles puissent facturer en plus les services spécifiques au financement participatif, qui impliquent des coûts non négligeables.

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