Publié le 14 novembre 2018 par : M. François-Michel Lambert.
Après l'article L. 541‑10‑10 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 541‑10‑10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 541‑10‑10-1. – En application du premier alinéa du II de l'article L. 541‑10, tout producteur, importateur ou distributeur de produits de tabac est tenu de pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets issus desdits produits.
« Les coûts de collecte spécifique des déchets de produits de tabac supportés par les collectivités territoriales sont compensés par un organisme coordonnateur agréé qui leur reverse la fraction équivalente de la contribution financière qu'il reçoit des personnes mentionnées au premier alinéa.
« Le traitement des déchets de produits de tabac issus des collectes séparées est assuré par des systèmes auxquels les personnes mentionnées au premier alinéa contribuent financièrement de manière proportionnée et qui sont agréés ou approuvés par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie, de l'industrie, de l'écologie et des collectivités territoriales.
« Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent article et les sanctions applicables en cas d'infraction. »
L'objet de cet amendement est de créer une « contribution environnementale sur les mégots à la seule charge des cigarettiers », création d'une contribution environnementale prélevée à la source, c'est-à-dire payée par les seuls fabricants de tabac pour financer le traitement des mégots de cigarettes.
L'interdiction de fumer dans les lieux publics, mise en œuvre en France en deux temps, le 1er février 2007 dans les lieux fermés ou couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail et le 1er janvier 2008 dans les lieux de convivialité a été une excellente mesure pour la santé publique. Elle a permis de protéger du tabagisme passif les non-fumeurs, et notamment les mineurs, les enfants, les salariés des lieux de convivialité, mais également, on l'oublie trop souvent, les fumeurs eux-mêmes.
Cette réforme a été cependant accompagnée de deux nuisances importantes : les nuisances sonores engendrées par les consommateurs qui sortent dans la rue pour fumer, ce qui peut entrainer de réelles crispations avec le voisinage, et la prolifération des mégots, jetés à terre sans que cela provoque le moindre sentiment de culpabilité chez le fumeur. Jeter son mégot par terre est malheureusement devenue une habitude.
Il ne s'agit pas uniquement d'une pollution visuelle qui nuit à l'attractivité de nos villes et campagnes, mais d'un véritable enjeu environnemental. La fumée de cigarette contient quelque 4 000 substances chimiques, qu'on retrouve pour une part importante dans les mégots, qui mettent près de douze ans pour se dégrader totalement. Un seul mégot peut polluer, à lui seul, plus de 500 litres d'eau, ou 1 m3 de neige.
Il convient de prendre conscience des chiffres : près de 45 milliards de cigarettes sont vendues chaque année en France dans le réseau officiel des buralistes, et 18 milliards de cigarettes environ sont achetées à l'étranger mais consommées en France. Il y a donc potentiellement 63 milliards de mégots qui peuvent être jetés chaque année dans la nature en France. Dans le monde, ce sont 6 000 milliards de cigarettes qui sont fumées chaque année, et donc autant de mégots qui se retrouvent dans l'environnement. Les dégâts sont immenses.
Cela fait longtemps que les associations environnementales alertent sur ce sujet. Les mairies commencent à le faire aujourd'hui, notamment sur le surcoût qu'entraine cette pollution nouvelle.
Au nom du principe « pollueur-payeur », il semble normal de proposer de créer une contribution environnementale pour financer le traitement des mégots, une contribution environnementale prélevée à la source, c'est-à-dire payée par les seuls fabricants de tabac. Une contribution environnementale de 0,15 centime par cigarette, soit 3 centimes par paquet de 20 cigarettes, redevable annuellement sur la base des volumes vendus. Cette contribution environnementale serait maintenue chaque année, tant que la pollution générée par les mégots subsiste. Il est en effet de la seule responsabilité des fabricants de tabac de proposer des solutions alternatives prouvées scientifiquement, et contrôlées par les pouvoirs publics.
Au total cette « contribution environnementale sur les mégots à la seule charge des cigarettiers » rapporterait quelque 75 millions d'euros par an, une somme dérisoire par rapport au milliard d'euros de bénéfice que les cigarettiers font en France chaque année, dans le cadre de l'optimisation fiscale, c'est-à-dire sans payer ni impôts ni taxes, et alors que le coût social du tabac, à la charge des fumeurs et des non-fumeurs est estimé à 120 milliards d'euros chaque année. Tout ou partie de ces 75 millions d'euros pourrait être reversé aux collectivités locales au travers de la dotation générale de fonctionnement. Contrairement à ce qu'affirment les fabricants de tabac, dans leur réflexe de type pavlovien habituel, cette contribution environnementale ne pourrait en aucun cas être répercutée sur le prix de vente des paquets de cigarettes. Tout d'abord parce que les buralistes n'accepteraient pas de vendre des produits avec un rendu de monnaie si compliqué, et, plus grave encore, parce que si les centaines de références de cigarettes vendues aujourd'hui, commercialisées par plusieurs cigarettiers différents, devaient augmenter toutes le même jour du même exact montant, à savoir 3 centimes d'euros, cela renforcerait les soupçons d'entente illicite sur les prix du tabac en France.
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