Publié le 28 janvier 2019 par : M. Le Bohec, Mme Rilhac, Mme Cazarian, M. Damien Adam, Mme Charrière, Mme Jacqueline Dubois, M. Giraud, Mme Muschotti, M. Taquet.
Rédiger ainsi cet article :
« Au premier alinéa de l'article L. 131‑1 du code de l'éducation, le mot : « six » est remplacé par le mot : « trois ». »
Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 131-1 du code de l'éducation prévoit, à son 1er alinéa que« l'instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six ans et seize ans ».
Le présent amendement vise à consacrer l'instruction de tous les enfants dès l'âge de trois ans tout en conservant les avancées législatives que notre pays a obtenu au fil des siècles, que ce soit l'instruction pour les enfants des deux sexes ou pour les enfants français ou étrangers.
De fait, écarter la mention« des deux sexes » constitue un recul en matière d'égalité des droits. En effet, même si l'instruction des enfants des deux sexes apparaît de nos jours comme une évidence dans notre pays, cela n'a pas toujours été le cas. Il est d'ailleurs à noter que les filles et les garçons ne bénéficient d'une instruction réellement équivalente que depuis les années 1960, car effectivement accueillis au sein d'établissements mixtes Or, les dispositions concernant la mixité des établissements scolaires sont d'ordre réglementaire (article R. 321-11 du code de l'éducation) et donc aisément modifiables au gré de la volonté du pouvoir exécutif. Enfin, l'éducation des filles demeure un combat dans plusieurs pays et la législation française en la matière ne saurait affaiblir la position de la France sur la scène internationale.
Concernant la suppression, par le présent projet de loi, de la mention« français et étrangers », celle-ci constitue également une véritable régression de notre législation. Il s'agit d'une remise en cause du principe d'instruction obligatoire pour les enfants, quelle que soit leur nationalité, et donc du devoir de la France d'assurer aux enfants, y compris lorsqu'ils sont étrangers, une instruction du fait de leur seul statut d'enfant.
Certes, plusieurs textes ont été adoptés par la France et consacrent le droit à l'éducation, sur le sol français, pour les enfants des deux sexes, français et étrangers.
En revanche, tous n'ont pas de portée coercitive. Ainsi, l'article 28 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, adoptée par l'Organisation des Nations Unies le 20 novembre 1989 et ratifiée par la France, prévoit que« les États reconnaissent le droit de l'enfant à l'éducation », sans pour autant que cette formulation ait une quelconque portée contraignante en droit français.
A contrario, plusieurs autres textes sont bien opposables à un éventuel non-respect de scolarisation d'enfants étrangers ou des deux sexes. Toutefois, cette opposabilité requiert un recours devant les tribunaux, une démarche bien évidemment à la fois onéreuse, longue, et difficilement envisageables pour des familles en attente de régularisation notamment.
Certes, plusieurs textes peuvent être invoqués en cas de manquement de la France concernant l'éducation d'enfants étrangers et des deux sexes. Il en est ainsi de l'article 2 du premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme, qui a consacré un droit individuel général à l'instruction :« Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction. »
De même, l'article 14 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne consacre le principe selon lequel :« Toute personne a droit à l'éducation. »
Enfin, le préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie de notre bloc de constitutionnalité, stipule :« La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État. »
Cela étant, qu'il s'agisse des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, de la Convention européenne des droits de l'homme, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ou du préambule de la Constitution de 1946, aucun de ces textes ne mentionne expressément la notion de « français et étrangers ».
Certes, la circulaire n° 2002‑063 du 20 mars 2002 dispose qu' « aucune distinction ne peut être faite entre élèves de nationalité française et élèves de nationalité étrangère pour l'accès au service public de l'éducation ». Le texte de la circulaire de 2002 se réfère d'ailleurs à l'article L. 131-1 du code de l'éducation :« Rappelons, en effet, que l'instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, âgés entre six et seize ans, qu'ils soient français ou étrangers, dès l'instant où ils résident sur le territoire français. Les personnes responsables, au sens de l'article L.131-4 du code de l'éducation, d'un enfant de nationalité étrangère soumis à l'obligation scolaire, sont donc tenues de prendre les dispositions prévues par la loi pour assurer cette instruction. » Cela étant, la valeur juridique de la circulaire est aléatoire. Elle peut en effet être rendue caduque du fait de la publication,a posteriori, par le pouvoir exécutif, d'une circulaire qui lui serait contraire.
En somme, le code de l'éducation est la seule et unique référence législative qui mentionne de façon explicite l'obligation de l'instruction« pour les enfants des deux sexes, français et étrangers ». Une disposition d'ordre législatif répond à une exigence de stabilité juridique pour protéger cette obligation. Il paraît par conséquent périlleux d'affaiblir l'état du droit français en retirant de l'article 131‑1 du code de l'éducation les termes« des deux sexes, français et étrangers ».
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.