Publié le 14 décembre 2018 par : M. Giraud.
Rédiger ainsi cet article :
« I. – Après l'article 119bis du code général des impôts, il est inséré un article 119bisA ainsi rédigé :
« «Art. 119 bisA(nouveau). – 1. Sans préjudice du 2 de l'article 119bis et des articles 119ter, 145 et 216, les versements mentionnés au 2 du présent article sont soumis à une retenue à la source dont le taux est fixé par le 1 de l'article 187 lorsqu'ils sont effectués, sous quelque forme que ce soit, par une personne qui est établie ou à sa résidence en France, que leurs bénéficiaires soient établis ou aient leur résidence en France ou à l'étranger.
« « Par dérogation au premier alinéa du présent 1, le taux de la retenue à la source est de 75 % lorsque le bénéficiaire du versement est établi ou a sa résidence dans un État ou territoire non coopératif au sens de l'article 238‑0 A autre que ceux mentionnés au 2° du 2bis du même article 238‑0 A, sauf si la personne ayant effectué le versement apporte la preuve que ce dernier n'a ni pour objet, ni pour effet de permettre, dans un but de fraude fiscale, la localisation des sommes versées dans un tel État ou territoire.
« « 2. La retenue à la source prévue au 1 s'applique aux versements répondant aux conditions prévues aux 1° et 2° du présent 2 ou aux versements visés au 3° du même 2.
« « 1° Le versement est conditionné, directement ou indirectement, à la distribution de produits d'actions, de parts sociales ou de revenus assimilés mentionnés aux articles 108 à 117bis, ou son montant est établi en tenant compte de ladite distribution ;
« « 2° Le versement est lié, directement ou indirectement :
« «a) À une cession temporaire desdites parts ou actions d'une durée inférieure à une durée fixée par décret réalisée par le bénéficiaire du versement au profit, directement ou indirectement, de la personne qui effectue ce dernier ;
« «b)Ou à une opération donnant le droit ou faisant obligation à la personne qui effectue le versement de revendre ou de restituer, directement ou indirectement, lesdites parts ou actions au bénéficiaire du versement ;
« «c)Ou à un accord ou instrument financier ayant, directement ou indirectement, pour le bénéficiaire du versement, un effet économique similaire à la possession desdites parts ou actions ;
« « 3° Le versement consiste en la distribution de produits d'actions ou parts sociales ou de produits assimilés visés aux articles 108 à 117bis qui ne respecte pas la condition prévue à l'article L. 232‑12‑1 du code de commerce.
« « 3. La retenue à la source est appliquée par l'établissement payeur lors de la mise en paiement des versements mentionnés au 2 du présent article.
« « 4. La retenue à la source ne s'applique pas aux versements.
« « Le bénéficiaire des versements mentionnés au 2 peut obtenir le remboursement de la retenue à la source s'il apporte la preuve qu'il en est le bénéficiaire effectif, que ceux‑ci ne constituent pas indirectement des produits d'actions et de parts sociales ou des produits assimilés mentionnés aux articles 108 à 117bis du code général des impôts et qu'ils correspondent à des opérations qui ont principalement un objet ou un effet autres que d'éviter l'application d'une retenue à la source ou d'obtenir l'octroi d'un avantage fiscal.
« « Lorsque les versements mentionnés au 2 du présent article constituent indirectement des produits d'actions et de parts sociales ou des produits assimilés mentionnés aux articles 108 à 117bis, le bénéficiaire de ces versements peut obtenir le remboursement de la retenue à la source s'il apporte la preuve qu'il en est le bénéficiaire effectif et que ceux-ci correspondent à des opérations qui ont principalement un objet ou un effet autres que d'éviter l'application d'une retenue à la source ou d'obtenir l'octroi d'un avantage fiscal. Le remboursement est minoré du montant qui résulte de l'application à ces versements de la retenue à la source dans les conditions prévues au 2 de l'article 119bis ou, le cas échéant, par les stipulations de la convention d'élimination des doubles impositions signée entre la France et l'État ou territoire où le bénéficiaire est établi ou a sa résidence.
« « Les documents permettant d'apporter les preuves mentionnées au présent 4 et les modalités selon lesquelles ils sont fournis par le bénéficiaire à l'établissement payeur mentionné au 3 sont fixées par décret.
« « 5. L'établissement payeur des versements mentionnés au 2 du présent article adresse chaque année à l'administration fiscale, par voie électronique et au plus tard le 31 janvier de l'année suivant celle au titre de laquelle les versements ont été effectués, une déclaration mentionnant le montant, la date, l'émetteur et le destinataire de chacun des versements, ainsi que les documents fournis par le bénéficiaire mentionnés au dernier alinéa du 4. »
« II. – Après l'article L. 232‑12 du code de commerce, il est inséré un article L. 232‑12‑1 ainsi rédigé :
« «Art. L. 232‑12‑1 (nouveau). – La distribution de dividendes ou de revenus assimilés suppose de la part de la personne qui en bénéficie de détenir les actions, droits ou parts ouvrant droit à cette distribution pendant au moins quarante‑cinq jours au cours des trois mois précédant la mise en paiement prévue à l'article L. 232‑13.
« « Le non-respect de la condition prévue au premier alinéa entraîne l'application de la retenue à la source prévue à l'article 119bisA du code général des impôts. »
« II. Les articles 119bisA du code général des impôts et L. 232‑12‑1 du code de commerce, dans leur rédaction résultant du I, s'applique aux versements et distributions réalisés à compter du 1er janvier 2019. »
Les révélations de l'affaire des «CumEx Files » ont mis à jour un scandale de fraude et d'évasion fiscales reposant sur l'arbitrage de dividendes, technique qui consiste à transférer artificiellement la propriété d'actions autour de la date du versement des dividendes afin d'échapper aux retenues à la source prévues ou, dans le cas de certains pays, de bénéficier indument de crédits d'impôt.
Le Sénat, à l'unanimité et à l'initiative de la quasi-totalité des groupes politiques le composant, a introduit dans le présent texte un article 13bis qui apporte une réponse à ce scandale.
Il est rappelé, à toutes fins utiles, que la France dispose déjà de très nombreux outils permettant de requalifier et sanctionner les versements abusifs résultat d'arbitrages de dividendes frauduleux ou dommageables, et que le présent projet de loi de finances, à l'initiative du Gouvernement et de sa majorité parlementaire à l'Assemblée, enrichit substantiellement cet arsenal. La difficulté réside plus dans la connaissance des flux que peut avoir l'administration.
– d'une part, au droit européen ;
– d'autre part, aux conventions fiscales qui pourraient le neutraliser.
Le présent amendement vise donc à apporter des éléments de correction de ces difficultés, tout en conservant l'économie générale du dispositif initial :
– il étend le champ d'application de la retenue à la source pour désormais viser les versements de source française faits à des bénéficiaires français ou étrangers, pour éviter toute différence de traitement reposant sur la résidence fiscale qui pourrait se révéler contraire au droit européen, ce dernier censurant les dispositifs mettant en place des présomptions générales de fraude et d'évasion fiscales conduisant à un traitement différencié selon le lieu d'établissement ;
– il exclut de façon expresse du champ du dispositif les distributions à des organismes de placement collectif de valeurs mobilières bénéficiant de l'exonération prévue au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts et celles relevant du régime mère-fille ;
– il complète l'information que l'établissement payeur doit fournir à l'administration ;
– il encadre les versements de dividendes en prévoyant une durée minimale de détention, s'inspirant d'une initiative allemande. Le non-respect de cette durée conduit à l'application de la retenue à la source ;
– il supprime le dispositif propre aux dividendes distribués à des personnes établies dans des pays liés à la France par une convention exonérant de telles distributions, en raison des forts risques de neutralisation par ces conventions et de contrariété avec le droit européen ;
– il prévoit l'application d'un taux majoré de 75 % lorsque le bénéficiaire du versement est dans un État ou territoire non coopératif, sauf démonstration de l'absence d'objectif de fraude.
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