Publié le 4 octobre 2019 par : Mme Ménard.
Supprimer cet article.
Il s’agit d’un amendement d’appel car, contrairement à ce que dit l’exposé des motifs du projet de loi, très peu de précisions sont données quant aux finalités du recours aux techniques d’enregistrement de l’activité cérébrale humaine.
Or, la neuroscience emporte avec un certain nombre de question que l’ancien député m. Alain Claeys posait en ces termes déjà en 2008 ! lors d’une audition devant le Parlement :
« Après avoir ouvert le débat sur l’évaluation de la loi de bioéthique par une première audition publique consacrée à un état des lieux liminaire des relations entre les sciences du vivant et la société, nous avons décidé d’organiser une série d’auditions publiques plus ciblées. Plusieurs membres du Conseil scientifique de l’Office avaient appelé notre attention sur la nécessité de cerner l’impact juridique et social des recherches sur le cerveau à la lumière des nouvelles technologies. L’audition publique du 29 novembre dernier nous a convaincus qu’il faudrait prendre en compte ces recherches lors de la révision de la loi de bioéthique, car c’est le cerveau en fonctionnement qui est aujourd’hui scruté par des machines.
L’accélération des recherches en sciences du vivant, dans les domaines des nanotechnologies, des technologies de l’information et des neurosciences induit en même temps une accélération des convergences de ces technologies. Ce double phénomène d’extension du champ des sciences du vivant et d’accélération entraîne, pour la société comme pour le législateur, des interrogations qui rendent plus difficiles les réponses législatives. Cette extension nourrit des espoirs pour le traitement des maladies et la prévention.
Aujourd’hui, un continent se révèle, il concerne l’exploration des mécanismes cérébraux qui sous-tendent la mémoire, les pensées, les émotions, les comportements. Or, les possibilités d’intervention sur le système nerveux sont maintenant multiples, que ce soit avec des molécules chimiques ou des procédés plus ou moins invasifs tels que l’imagerie cérébrale, la stimulation magnétique trans-crânienne, les implants ou les neuroprothèses.
Des questions se posent : que lit-on, que dépiste-t-on, que soigne-t-on ? Peut-on attribuer un sens ou un contenu aux nouvelles techniques d’imagerie, déduire les causes biologiques d’un comportement ou d’une maladie mentale ? Quels sont les diagnostics actuels et à venir de troubles psychiatriques, tels que l’autisme, la schizophrénie ou la dépression ? Quel est leur intérêt médical et social ? Qu’apportent les neurosciences et la génétique au diagnostic des pathologies mentales ? Quel est leur pouvoir prédictif et comment les diagnostics prédictifs pour certains troubles sont-ils reçus par les patients et leurs familles alors qu’aucun traitement n’existe ? Quels sont les effets du dépistage précoce quand il n’y a pas de remède et qu’un risque de stigmatisation existe ?
Doit-on au nom d’impératifs de performance médicaliser certaines conduites et comportements « anormaux » en les désignant comme des pathologies, telle l’hyperactivité chez l’enfant ? Doit-on au contraire « démédicaliser » les pathologies mentales, pour que les patients puissent être insérés dans la société ? Les moyens se multiplient pour aider à la performance physique, intellectuelle, soutenir la mémoire (ou l’oubli), intervenir par neurochirurgie, neurostimulation, neuroappareillage, greffes de cellules ou de nano dispositifs. Risque-t-on de modifier l’humain ? Ces innovations seront-elles accessibles à tous ? Ces recherches suscitent espoirs de guérison mais aussi craintes de manipulation, d’atteintes à l’autonomie de la volonté, à l’intimité de la vie privée.
De surcroît, les neurosciences permettent de caractériser des associations de plus en plus pertinentes et précises entre des cartes fonctionnelles d’activité cérébrale et des comportements individuels comme l’agressivité, l’impulsivité et la violence. Ainsi, dans les pays anglo-saxons, les neurosciences sont déjà sollicitées pour caractériser la responsabilité pénale. La demande sécuritaire de plus en plus forte incite d’ailleurs les gouvernements à rechercher des indicateurs biologiques de dangerosité de l’individu, ce qui pourrait conduire à des dérives inquiétantes.
Aux États-Unis, une réflexion trans-humaniste est menée. Ses visées n’ont rien de thérapeutique puisqu’il s’agit d’accroître les performances, de promouvoir un « humain augmenté ». Si c’est sérieux, comme cela semble être le cas, c’est grave, car il s’agit là d’un dévoiement de la science et de la technique ! C’est un nouveau champ d’investigation éthique que nous ouvrons donc aujourd’hui. »
Avons-nous répondu à ces questions ? Il ne semble pas.
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