Bioéthique — Texte n° 2243

Amendement N° 1701 (Non soutenu)

Publié le 30 septembre 2019 par : Mme Valérie Boyer.

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Le Gouvernement remet un rapport au Parlement, avant le 31 décembre 2020, sur le respect en France de l’indisponibilité du corps humain et sur le marché de la procréation.

Exposé sommaire :

L’élargissement de la PMA consacre un véritable droit à l’enfant et laisse notamment le champ libre à une légalisation de la GPA dans un futur proche. Cette PMA élargie pose donc de nombreuses difficultés éthiques que nous ne devons ignorer. Rappelons-le, la PMA est un ensemble de techniques médicales à disposition de tous les couples souffrant d’une pathologie de la stérilité ou ayant un risque de transmettre une maladie d’une particulière gravité. Il n’existe pas de discrimination en ce qui concerne la PMA : tous les couples ayant un problème médical constaté y ont accès. En l’occurrence, si des femmes, seules ou les couples de femmes, ne peuvent avoir un enfant, ce n’est pas en raison d’un problème médical. Le désir d’enfant serait un abus : il s’agirait d’un détournement de la médecine au profit de revendications sociétales.

Son financement implique une incompatibilité majeure envers notre sécurité sociale qui fonde son action sur le principe de solidarité, sur l’aide aux plus fragiles, ne permettant le remboursement d’actes médicaux seulement s’ils correspondent à un cas de maladie. On estime aujourd’hui que le coût moyen d’une fécondation in vitro (FIV), s’élève en France à 4100 euros qui comprennent les traitements, la ponction d’ovocytes, l’hospitalisation, et les actes eux-mêmes. C’est sur ces tarifs que la sécurité sociale, remboursent aujourd’hui celles qui y ont droit. Mais il est important de préciser que ce montant ne tient compte, ni des arrêts de travail (trois jours minimum, cinq à sept le plus souvent), ni des frais annexes engagés au cours du processus par les établissements (l’accueil, l’organisation, le personnel). Au total le coût annuel des FIV en France est estimé autour de 300 millions d’euros.

La PMA utilisée à d’autres fins que la médecine ouvrirait également la voie à un business très lucratif, comme on le voit par exemple avec les cliniques de procréation d’Espagne, de Belgique et d’ailleurs. La clinique IVI en Espagne fait par exemple des offres commerciales en matière d’aide à la procréation médicalement assistée. « Avec IVI Baby, vous aurez votre bébé à la maison dans un délai maximum de 24 mois », pouvons-nous lire sur leur site Internet, instaurant même un principe de « satisfait ou remboursé. » Est-ce cela que nous voulons dans notre société ?

De plus, en France, seuls quelques centaines d’hommes (255 en 2015) entreprennent chaque année une démarche de don de gamètes, en l’occurrence de sperme. Pourtant, malgré ce chiffre particulièrement faible, le CCNE rend un avis favorable à l’élargissement de la PMA à toutes les femmes et se prononce également en faveur d’une levée de l’anonymat des donneurs.

Dans son application pratique l’élargissement de la PMA laisse donc présager une possible pénurie des dons de sperme, avec la tentation d’une rémunération des donneurs rompant ainsi avec notre principe de non-marchandisation du corps humain. Selon l’Agence de la biomédecine, il manque aujourd’hui 300 dons de sperme par an pour pouvoir répondre à toutes les demandes de couples infertiles. Par conséquent, pour avoir accès à un don, il faut patienter entre 13 et 24 mois. Si la législation évolue, cela risque de rallonger les délais d’attente.

Si le législateur concrétise cela, la pénurie actuelle pourrait « s’accentuer », reconnaît Jean-François Delfraissy, le président du CCNE.

Selon le CCNE, cet élargissement répondra à la « souffrance induite par une infécondité ». Nous pouvons comprendre la souffrance des personnes qui ne peuvent pas avoir d’enfant. Pour autant nom de cette souffrance nous nous apprêtons délibérément à priver de père des enfants à naître.

Il semble aussi peu cohérent et contradictoire d’affirmer que nous puissions consacrer d’un côté la PMA pour les couples de femmes, et d’un autre continuer à interdire la GPA aux couples d’hommes désirant accéder à la paternité et qui parfois vivent avec la même souffrance. Pourquoi mettrait-on en œuvre un droit à l’enfant pour les femmes, mais pas pour les hommes ?

Tôt ou tard, au motif de l’égalité, la gestation par autrui (GPA) serait également légalisée. Certains rétorquent que cela n’a rien à voir parce que la GPA est inacceptable en raison de l’exploitation des femmes qu’elle implique.

Mais nous ne pouvons plus être naïfs : si l’on est prêt à nier le fait que les enfants ont besoin de père, demain on niera le fait que les femmes sont exploitées dans le cadre de la GPA. Comme le journaliste Marc-Olivier Fogiel, on prétendra que « les femmes se réalisent en donnant leur enfant » !

Ce désir d’avoir un enfant peut être légitime mais cet élargissement de la PMA serait un saut anthropologique immense. Ainsi, nous ouvrirons la boîte de Pandore de la logique transhumaniste : augmenter les possibilités humaines par le recours à toutes les techniques possibles sous divers prétextes (primauté du droit à l’enfant, prévention de maladies, performances…).

Plus que jamais nous devons redoubler de vigilance face à l’élargissement de la PMA qui laisse entrevoir des bouleversements de grande ampleur.

Si l’on tire ce fil rouge, ce sont les valeurs éthiques et de solidarité que l’on détricote jusqu’à compromettre le système français de protection contre des dérives inacceptables.

Cet amendement prévoit que le Gouvernement remette avant le 31 décembre 2020 un rapport sur le respect en France de l’indisponibilité du corps humain et sur le business de la procréation. L’élargissement de l’accès à la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules n’est pas sans supposer une évolution de certaines normes et principes éthiques consacrés dans notre société tels que l’indisponibilité du corps humain, compte tenu notamment de la pénurie actuelle des gamètes en France.

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