Publié le 30 novembre 2020 par : M. Di Filippo.
Cet amendement a été déclaré irrecevable après publication en application de l'article 98 du règlement de l'Assemblée nationale
Le panorama 2018 sur les établissements de santé de la DREES (direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques) confirme la saturation des services d'urgences français.
La DREES met en évidence la croissance inexorable de 3,5 % en moyenne du nombre de passages aux urgences, année après année, depuis 1996, à l'exception de 2010. En 20 ans, ce nombre a été multiplié par deux, avec 10,1 millions de passages en 1996 en France métropolitaine contre 21,2 millions de passages en 2016.
Cette forte augmentation de la fréquentation de nos services d’urgence nécessite des adaptations continuelles afin de favoriser l’accueil des patients et de faciliter le travail du personnel médical et du personnel soignant.
Dans son rapport de février 2019 sur les urgences hospitalières, la Cour des comptes déclare que malgré des avancées en termes de recueil des données et d’organisation des services, les urgences demeurent trop sollicitées, entraînant de fréquentes situations de tension dans les établissements, et émet plusieurs recommandations afin de lutter contre l’engorgement de ces services.
Soulignant notamment le rôle primordial de la fonction d’accueil et d’orientation dans la plupart des sites d’urgence pour une prise en charge rapide et efficace du patient, elle insiste sur la nécessité de promouvoir des délégations de tâches plus importantes, par un élargissement du champ d'exercice légal de l'infirmier.
Le rapport indique que « dans de nombreux services d’urgence, la dispensation d’antalgiques par un(e) infirmier(e) diplômé(e) d’État (IDE) est, de fait, déjà pratiquée. L’infirmière d’accueil peut également être autorisée à prescrire des radiographies à l’arrivée du patient, à orienter ceux d’entre eux qui présentent de la petite traumatologie, voire à poser un dispositif d’immobilisation après diagnostic par le médecin. »
Le présent amendement préconise donc d’élargir le champ d’exercice légal de l’infirmier ou l’infirmière travaillant dans un service d’urgence aux deux possibilités suivantes :
- la possibilité de prescrire des antalgiques de palier 1, c’est-à-dire les antalgiques dits périphériques, qui permettent de soulager les douleurs légères à moyennes.
- la possibilité de prescrire des radiographies pour les patients présentant un traumatisme simple et isolé de membre supérieur ou inférieur.
Le 14 décembre 2019, le protocole de coopération national publié au journal officiel a acté l’autorisation pour un infirmier ou une infirmière de prescrire une radiographie à un patient se présentant aux urgences pour un traumatisme simple et isolé de membre supérieur ou inférieur, mais uniquement si ce patient a plus de 16 ans ou s’il ne s’agit pas d’une femme enceinte.
Pour Thierry Amouroux, le porte-parole du Syndicat National des Professionnels Infirmiers SNPI CFE-CGC, « c’est un gain de temps pour le patient (qui n’aura pas à attendre qu’un médecin se libère pour signer la radio) et un gain de temps médical (le médecin examinera le patient en ayant la radio), le tout diminuant les délais d’attentes aux urgences ».
Le SNPI dénonce en revanche le fait que « remplir une demande de radio ne soit pas intégrée au décret d’actes et de compétences de l’ensemble des 600.000 infirmières« , et que soient exclus du protocole « les patients de moins de 16 ans et les femmes enceintes. » « C’est ridicule, car ces patients sont vus par l’infirmière organisateur de l’accueil (IOA) qui va établir le degré d’urgences, et donc le niveau d’attente avant d’être vu par un médecin, mais ne peut faire une simple demande de radio ! »
»Lorsque le patient a plus de 16 ans, l’infirmière est compétente pour constater l’absence de traumatismes multiples, de fracture ouverte, de troubles sensitifs (perte de sensibilité en aval de la zone traumatisée) ou de troubles vasculaires (absence de pouls, membre froid). Mais elle serait incapable de ce diagnostic clinique sur une femme enceinte ou un mineur de 15 ans ! Ces restrictions sont ridicules".
Le rapport de la Cour des comptes souligne de plus que les services d’urgence « constituent un cadre favorable à la mise en place de délégations de tâches, en raison de la possibilité de recourir en permanence à un médecin en cas de difficulté. » Il conclut que « la définition récente du cadre juridique des pratiques avancées des infirmiers devrait permettre de progresser dans ce domaine, pour autant que leur champ de compétence soit élargi et adapté au contexte spécifique des urgences. »
La présente proposition de loi préconise donc d’inscrire dans la loi la possibilité pour l’infirmier ou l’infirmière exerçant dans un service d’urgence de prescrire des antalgiques de palier 1 et des radiographies pour l’ensemble des patients présentant un traumatisme simple et isolé de membre.
Les objectifs de cette mesure sont multiples :
Pour les patients, de réduire leur durée de passage aux urgences et leur temps d’attente avant l’initiation d’une thérapeutique (immobilisation, réduction d’une luxation ou encore prise en charge chirurgicale…),
Pour les délégués, d’accroître et développer les compétences des infirmiers exerçant dans les services d’urgences et améliorer ainsi la satisfaction au travail des professionnels par une meilleure qualité des soins prodigués aux patients.
Pour le délégant, de diminuer, au profit d’un diagnostic médical plus rapide, le nombre de leurs interventions auprès de ces patients, et de réinvestir le temps médical économisé dans la prise en charge d’un plus grand nombre de patients ou de patients avec des pathologies complexes.
Pour les services d’urgences, de diminuer la durée moyenne globale de passage aux urgences, notamment des patients consultant pour un traumatisme simple et isolé de membre, et optimiser le fonctionnement global des services d’urgences.
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