Publié le 9 décembre 2020 par : M. Taché, Mme Bagarry, Mme Cariou, M. Chiche, Mme Gaillot, M. Julien-Laferrière.
Le second alinéa de l’article L. 11‑1 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2019‑950 du 11 septembre 2019 précitée, est supprimé.
Chaque année, entre 1 200 et 3 100 jeunes de moins de 13 ans sont concernés par une réponse pénale financée par la protection judiciaire de la jeunesse. Ces chiffres ne comptabilisent pas les alternatives aux poursuites financées par les services judiciaires comme les rappels à la loi, les stages, les médiations pénales, les orientations vers des structures sanitaires, sociales ou professionnelles.
Ce sont donc des milliers de jeunes qui demain vont sortir des radars de la protection de l’enfance en conflit avec la loi si les mineurs de moins de 13 ans sont présumés ne pas être capables de discernement.
Car, demain que se passera-t-il pour ces milliers de jeunes si le texte législatif reste en l’état. Certains pourront certes être renvoyés vers une mesure d’assistance éducative mais ne donnant aucun sens à l’acte commis. De même, quelle réponse sera apportée aux jeunes bénéficiant déjà d’une mesure en assistance éducative en amont de l’infraction ?
Rappelons que des pays qui comme la Belgique, le Portugal ou la Suède qui ont fixé un âge de responsabilité pénale au-delà des 15 ans, disposent en parallèle d’un système administratif construit et pensé pour accompagner spécifiquement les enfants et adolescents en conflit avec la loi au travers des réponses comme la réparation ou même le placement obligatoire dans des centres éducatifs spécialisés comme en Suède.
En effet, la commission d’une infraction appelle toujours pour la compréhension du jeune et la paix sociétale une réponse claire, cohérente et lisible, une réponse qui se doit d’être adaptée à sa maturité, à sa problématique et à l’acte commis, que ce soit en infra ou en intra justice. Cette première prise en charge est l’occasion de détecter d’éventuelles difficultés pouvant alors mener vers une mesure d’assistance éducative judiciaire ou administrative ou une orientation vers un autre dispositif de soin ou d’aide spécifique.
Par ailleurs, la notion de discernement n’est pas propre à la justice pénale des mineurs, elle est également déterminante dans l’exercice de la justice civile relative à la protection de l’enfance en danger mais aussi plus largement sur toutes les questions touchant au droit de la famille.
En indiquant que les mineurs de moins 13 ans sont présumés ne pas être capables de discernement, le code de la justice pénale des mineurs modifie l’essence de l’article 388-1 du code civil qui dispose que « dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet ».
Ainsi, cet article, censé protéger les jeunes enfants en conflit avec la loi, les rend vulnérables à la fois sur le plan éducatif avec des accompagnements hypothétiques et non adaptés mais aussi sur le plan du droit civil. En cela il ne respecte pas l’article 12-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant qui engage les États parties à garantir « à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité ».
Par voie de conséquence, cet article ne respecte pas en l’état le périmètre de l’habilitation qui autorise le gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour « modifier et compléter les dispositions relatives à la justice pénale des mineurs, dans le respect des principes constitutionnels qui lui sont applicables et des conventions internationales ».
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.