Publié le 5 février 2021 par : Mme Louis.
À l’article 222‑32 du code pénal, les mots : « sexuelle imposée » sont remplacés par les mots : « des parties sexuelles du corps ou d’un acte sexuel imposée intentionnellement ».
Cet amendement prévoit de refondre le délit d’exhibition sexuelle. En effet, le rapport d’évaluation de la loi Schiappa met en évidence une sérieuse lacune dans l’édifice pénal concernant le délit d’exhibition sexuelle. Certains comportements vécus de façon très traumatisante par les victimes ne sont couverts par aucune infraction et en conséquence, l’infraction d’outrage sexiste est utilisée par défaut.
Les faits en question concernent des individus qui se masturbent en public, très souvent dans les transports, sans pour autant montrer leur sexe.
Si ces faits sont perçus par les victimes, témoins et policiers comme une exhibition sexuelle, il en va tout autrement du point de vue de la Cour de cassation. La jurisprudence a, en la matière, une appréciation restrictive de l’article 222-32 du code pénal. Cet article prévoit que « l'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende ».
L’exhibition sexuelle ne fait l’objet d’aucune définition légale et donc est laissée à l’appréciation du juge. Or, la Cour de cassation considère que de simples gestes obscènes en direction d’un tiers, même si l’auteur tient son sexe dans la main à travers son vêtement, ne constituent pas le délit d’exhibition sexuelle. La haute juridiction précise que l’infraction suppose que « le corps ou la partie du corps volontairement exposé soit ou paraisse dénudé[1]. » Cette jurisprudence a été confirmée par des arrêts ultérieurs[2].
En d’autres termes, la jurisprudence exige un élément de nudité non prévu expressément par le texte. Cette interprétation s’explique sans doute par le fait que la nudité était exigée pour qualifier l’outrage à la pudeur public, délit qui a été remplacé par le délit d’exhibition sexuelle en 1992.
L’outrage sexiste est donc utilisé dans la pratique pour venir combler cette carence juridique. Or, le niveau contraventionnel ne semble pas adapté au comportement incriminé. L’outrage sexiste a vocation à sanctionner le premier degré des violences sexistes, et de tels gestes obscènes relèvent d’un cran bien au-dessus. De manière spontanée, les personnes confrontées à cette situation évoquent un exhibitionnisme et le vivent comme une agression. En outre, un niveau de répression délictuel permettrait d’effectuer une vérification des antécédents judiciaires de l’auteur mais également de prononcer, lorsque cela s’avère nécessaire, une peine principale ou complémentaire permettant un suivi psychologique.
Le projet de loi de 1992 précisait que « l'exhibitionnisme sexuel, volontairement infligé à un tiers, dans des lieux accessibles aux regards du public, constitue une forme d’agression contre autrui et particulièrement contre les enfants ». Dans la pratique, ce qui heurte la victime est plus l’obscénité que la seule nudité.
Nous pouvons donc nous interroger sur l’interprétation qu’opère la Cour de cassation de l’exhibition sexuelle. Caroline Duparc, Maître de conférences HDR en droit privé et sciences criminelles et Directrice de l’Institut d’études judiciaires d’Angers, explique que « Découlant du latin exhibere, « produire au jour, présenter », le terme « exhibition » signifie « faire étalage de », « montrer en public ». Le fait que l’exhibition soit « sexuelle » implique en outre que ce qui s’affiche donc publiquement soit en rapport avec le sexe ou la sexualité, ce qui conduit à réprimer l’exhibition des parties sexuelles ou d’actes de nature sexuelle. Le texte n’indique rien de plus : l’exhibition s’apparente à un acte indécent sans aller obligatoirement jusqu’à la nudité, de sorte que la Cour de cassation ajoute ici une condition supplémentaire à la loi. »
En outre, le délit d’exhibition sexuelle a défrayé la chronique à l’occasion de deux affaires concernant des activistes du mouvement des Femen qui ont été poursuivies sur le fondement de cette infraction au motif qu’elles avaient dévoilé leur poitrine en public lors d’une action militante alors même que la finalité n’était pas sexuelle.
Il est difficilement compréhensible de ne pas qualifier d’exhibition sexuelle le fait pour une personne de se masturber en public, même à travers son vêtement, mais de retenir cette qualification lorsqu’il s’agit d’une femme qui exhibe sa poitrine à des fins politiques.
Benjamin Moron-Puech, Maître de conférences en droit privé à l’Université Paris II a proposé de modifier l’article 222-32 du code pénal en intégrant « l’exhibition d’un acte sexuel » au lieu de simplement une « exhibition sexuelle ». « Cela pourrait mettre fin à l’ambiguïté de l’adjectif « sexuel », susceptible de renvoyer tant à l’exhibition des organes participant à la sexuation de notre espèce (dont les seins donc), qu’à l’exhibition d’un acte sexuel ».
[1] Cass. crim. 4 janvier 2006, n° 05-8096
[2] Cass. crim 7 décembre 2011, n°11-85355
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