Publié le 3 mars 2021 par : M. Orphelin, Mme Batho, Mme Bagarry, Mme Cariou, Mme Chapelier, M. Chiche, Mme Gaillot, M. Julien-Laferrière, Mme Valérie Petit, M. Villani.
Rédiger ainsi cet article :
I. – Au titre Ier du livre V du code pénal, après le mot : « publique », sont insérés les mots : « et d’environnement ».
II. – Au sein du titre visé à l’alinéa précédent, il est créé un nouveau chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre II :
« Des infractions en matière d’environnement »
« Section 1 :
« De la mise en danger délibérée de l’environnement »
« Art. 512‑1. – « I. – Le fait d’exposer directement l’environnement à un risque immédiat de dégradation substantielle de la faune, de la flore, ou de la qualité de l’air, du sol ou de l’eau par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
II. La peine mentionnée au I est portée à sept ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée, au sens de l’article 132‑71 du code pénal
« Art. 512‑2. – Les personnes physiques coupables de l’infraction prévue à l’article 512‑1 encourent également les peines suivantes :
« 1° L’interdiction, suivant les modalités prévues par l’article 131‑27, d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ;
« 2° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction, ou de la chose qui en est le produit direct ou indirect, dans les conditions prévues à l’article 131‑21 du code pénal ;
« 3° L’immobilisation, pendant une durée qui ne peut excéder un an, du véhicule, du navire, du bateau, de l’embarcation ou de l’aéronef dont le condamné s’est servi pour commettre l’infraction, s’il en est le propriétaire ;
« 4° L’affichage ainsi que la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131‑35 du code pénal. »
« Art. 512‑3. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121‑2, des infractions définies à l’article 512‑1 encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131‑38, les peines prévues par les 2° , 3° , 4° , 5° , 6° , 8° et 9° de l’article 131‑9 du code pénal ».
III. – Par conséquent, l’alinéa 2 de l’article 121‑3 du code pénal est ainsi rédigé :
« Lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui ou de l’environnement ».
IV. – Par conséquent, après le 11° de l’article 706‑73‑1 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 12° Délit relatif à la mise en danger délibérée de l’environnement mentionné au I de l’article 512‑1 du code pénal commis en bande organisée. »
Le présent amendement vise à créer un délit de mise en danger de l’environnement défini comme « le fait d’exposer directement l’environnement à un risque immédiat de dégradation substantielle de la faune, de la flore, ou de la qualité de l’air, du sol ou de l’eau par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ».
Les 4 et 5 avril 2019 à Paris, les ministres de l’intérieur du G7 ont placé la lutte contre la criminalité environnementale parmi leurs priorités d’action, en s’engageant notamment à appuyer l’adoption de normes nationales prévoyant des sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives pour les auteurs de crimes contre l’environnement, tant pour les personnes physiques que morales. Le rapport final de la mission « Une justice pour l’environnement » rendu public le 30 janvier 2020 recommande entre autres « la création d’un délit d’atteinte grave ou de mise en péril de l’environnement ». Il préconise par ailleurs que « l’échelle des peines, inadaptée, doit être réévaluée tant à l’égard des personnes physiques qu’à l’égard des personnes morales ».
Le 30 janvier 2020, lors d’un colloque organisé à l’Assemblée nationale, la ministre de la justice et celle de la transition écologique et solidaire ont annoncé leur projet de loi « Une justice pour l’environnement », et ont validé la nécessité de créer un délit de mise en danger de l’environnement.
Il est à noter que cette idée est aussi appelée des vœux de nombreux juristes, ONG et associations, dont France Nature Environnement. Du point de vue de la pratique judiciaire, le lien de causalité entre le comportement fautif et le dommage constaté est souvent difficile à prouver. De même, la question de la réparation du dommage n’est pas sans difficulté, notamment quant à l’évaluation du préjudice environnemental ou aux mesures de remise en état souvent coûteuses et difficiles à mettre en œuvre. C’est pourquoi l’objectif de ce nouveau délit de mise en danger de l’environnement serait de réprimer les comportements délibérés les plus dangereux pour l’environnement, sans qu’il soit besoin que le dommage se soit réalisé. En ce sens, cette incrimination s’inscrit parfaitement dans le principe de prévention (art. 4 de la Charte de l’environnement) et permet de pallier de nombreuses difficultés procédurales actuelles.
Inspiré et en partie calqué sur le délit déjà existant de mise en danger délibérée d’autrui (article 223‑1 du code pénal), le délit de mise en danger délibérée de l’environnement se veut être un projet adapté aux spécificités de l’environnement, reprenant des notions déjà présentes dans le droit de l’UE et le code de l’environnement comme celles de « dégradation substantielle de la qualité de l’air, du sol, de l’eau, ou bien de la faune et de la flore ». Le quantum de peine proposé, plus élevé, se justifie notamment au regard des conséquences que peuvent avoir les dégradations environnementales sur les conditions de vie d’un grand nombre de personnes.
A l’instar du délit de mise en danger délibérée d’autrui, il est aussi proposé des peines complémentaires ainsi qu’une responsabilité pénale des personnes morales, adaptées à la spécificité des enjeux environnementaux, et en cohérence avec les dispositions actuelles du code de l’environnement. Enfin, une circonstance aggravante de bande organisée est proposée, notamment pour réprimer les stratégies d’entreprises visant l’enrichissement à travers des manquements conduisant à la mise en danger délibérée de l’environnement.
Cet amendement est issu d’une proposition de l’UICN et a été proposé lors de l’examen du projet loi justice pénale spécialisée.
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