Publié le 3 mars 2021 par : M. Aubert.
Après le premier alinéa de l’article L. 161‑10 du code rural et de la pêche maritime, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Cette désaffectation préalable ne peut résulter que d’une cause naturelle et spontanée consécutive à un désintérêt durable du public.
« La désaffectation est réputée nulle lorsqu’elle est la conséquence d’un acte visant à entraver la circulation ou du non-respect des dispositions des articles D.161‑14 à D.161‑19. »
Cet amendement vise à renforcer la protection de nos réseaux de chemins ruraux.
Nos chemins sont les témoins vivants de nos racines rurales. Ils constituent un patrimoine historique et culturel très riches du fait de la variété de nos paysages. Nos chemins ruraux et leurs abords sont aussi reconnus pour la grande diversité de leurs écosystèmes et leur rôle dans la continuité écologique.
Malgré cette richesse, les chemins ruraux ont vu leur réseau se réduire de moitié en quarante ans. Comme ces voies font partie de leur domaine privé, un grand nombre de communes ont pu en effet décider de les céder au profit de riverains et de projets de construction.
L’aliénation d’un chemin rural impose pour cela une enquête publique, ainsi que le respect d’une condition préalable : le chemin rural ne doit plus être affecté à l’usage du public.
Jusqu’à présent, les tribunaux considéraient que cette désaffectation relevait d’un état de fait. Toutefois, dans un arrêt du 22 septembre 2020 (Commune de Langesse, req n° 20NT01144), la Cour administrative d’appel de Nantes a jugé qu’ : « Il résulte des dispositions des articles L. 161‑1, L. 161‑2 et L. 161‑10 du code rural et de la pêche maritime que la désaffectation d’un chemin rural résulte, en principe, d’un état de fait, caractérisé notamment par la circonstance qu’il n’est plus utilisé comme voie de passage et qu’il ne fait plus l’objet de la part de l’autorité communale d’actes réitérés de surveillance ou de voirie. Ces dispositions ne font toutefois pas obstacle au droit du conseil municipal de décider l’aliénation d’un chemin rural, alors même que ce chemin n’aurait pas cessé d’être utilisé par le public, sous réserve que soit adoptée par ce conseil municipal une délibération décidant expressément de cesser l’affectation du chemin à l’usage du public ».
La Cour a ainsi validé le principe d’une désaffectation par délibération simple du Conseil municipal. Le Tribunal administratif de Nancy a récemment confirmé cette solution juridique (affaire Commercy, jugement n° s 1903215, 1903449 et 1903284 du 15.12.2020).
Cet arrêt de la Cour d’appel de Nantes présente donc un risque important de disparition des chemins ruraux, en facilitant leur aliénation. Pour préserver ce réseau important d’un risque de disparation est donc nécessaire d’instaurer leur protection dans la loi.
La vente des chemins ruraux résulte en effet souvent d’entraves à leur usage public par l’installation de dispositifs illégaux obstruant le passage (clôtures, rochers, ordures, ...). Les communes préfèrent alors, ce qui est compréhensible, céder ces tronçons accaparés illégalement par des tiers plutôt que de chercher à les récupérer du fait des frais importants que cela peut engendrer (recours juridiques, remise en état…).
Plutôt de que de mettre en danger le réseau de nos chemins ruraux, il conviendrait de prévoir un accompagnement des communes pour permettre leur préservation.
Le présent amendement prévoit d’inscrire dans la loi l’impossibilité de procéder à une désaffectation par « décision administrative » d’un chemin encore utilisé, même irrégulièrement, par le public (retour à la jurisprudence antérieure), il précise également qu’un chemin rural qui n’est plus utilisé par le public en raison d’actes empêchant le passage ou rendant le chemin impropre à l’usage ne peut pas être désaffecté pour ce motif.
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