Protection des jeunes mineurs contre les crimes sexuels — Texte n° 3939

Amendement N° 280 (Tombe)

Publié le 11 mars 2021 par : Mme Maud Petit.

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Texte de loi N° 3939

Article 4 quater (consulter les débats)

Rédiger ainsi l’alinéa 2 :

« 1° Après le mot : « mineurs, », la fin du troisième alinéa de l’article 7 est ainsi rédigée :« est imprescriptible. ».

Exposé sommaire :

Dans la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes commises contre les mineurs et les majeurs, a été de porter de vingt-deux à trente ans le délai de prescription pour les crimes sexuels contre les mineurs, à compter de la majorité de la victime. Il est donc possible d'engager une action publique jusqu'à l'âge de 48 ans pour la personne victime d'une infraction sexuelle alors qu'elle était mineure.

Une avancée significative, mais insuffisante. Il est indispensable que la législation française puisse adapter sa réponse à la mesure des crimes sexuels commis sur mineurs, qui ont une incidence tout au long de la vie.

Juridiquement, nous ne devons exclure l’imprescriptibilité par principe.

Tout d'abord, dans son avis du 1er octobre 2015, le Conseil d'Etat a rappelé que « le législateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour décider du principe et des modalités de la prescription de l’action publique et de la peine », d’autant que « ni la Constitution, ni la Convention européenne des droits de l’homme, ne comportent de disposition expresserelative à la prescription en matière pénale. ».

Ensuite, l’un des arguments les plus fréquents qui s’y oppose, c’est le caractère exceptionnel de l’imprescriptibilité, réservé dans notre pays aux seuls crimes contre l’humanité. Là encore, cette exception peut être complétée par le législateur et y inclure les crimes sexuels commis sur les mineurs. Dans le Rapport Flament (2017), il est précisé que "la réserve de l’imprescriptibilité aux seuls crimes contre l’humanité était également fondée sur le fait qu’ils pourraient être révélés – et donc poursuivis – longtemps après qu’ils sont survenus, et que, par ailleurs, les victimes pourraient avoir besoin de temps pour être en capacité de porter les faits devant la justice." Nous savons aujourd'hui que ce critère de la temporalité peut tout à fait s’appliquer aux crimes sexuels commis sur les mineurs.

Rappelons que les victimes survivantes d'agressions sexuelles sont profondément impactées par ces actes, qui bouleversent à jamais leur vie et affectent leur santé. Les troubles psychotraumatiques peuvent perdurer tout au long de la vie sans une prise en charge adaptée, la gravité de l’agression et l’intentionnalité destructrice de l’agresseur provoquant des conséquences considérables sur la santé de la victime : grande souffrance mentale, perte d’estime de soi, impact sur leur vie scolaire, professionnelle, sociale, affective et sexuelle. Médicalement, le lien entre les violences sexuelles et le développement de nombreuses pathologie est avéré : cancers, maladies auto-immunes, pathologiques gynécologiques, stérilités. Les victimes de violences sexuelles sont aussi exposées à la réduction de leur espérance de vie comme le montrent les études de mortalité. Près de 50% des victimes de violences sexuelles ont tenté de se suicider (IVSEA, 2015).

L'argument de la déperdition des preuves ne peut lui non plus être retenu. Dans de tels cas, la majorité des preuves apportées sont des indices graves et concordants. Les enquêteurs formés savent les repérer (discours de la victime, détails, témoignages….etc). Nous ne pouvons nier aux victimes le droit fondamental à l'accès à la justice.

Les enfants sont le coeur même de notre humanité et l'avenir de celui-ci. Au nom de ce principe, notre devoir en tant que législateur est d'agir pour les protéger au mieux. Le parcours juridique actuel des victimes de violences sexuelles est complexe, et la prescription de ces crimes contraint la libération de la parole. Rappelons-le, seules 10 % des victimes de viols portent plainte, et seuls 1 % de ces crimes font l’objet d’une condamnation. Ce sont les crimes et les délits qui ont le taux de plainte, d’élucidation et de condamnation les plus faibles. (Étude « Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte », 2015). La prescription pénale favorise le sentiment d'impunité des auteurs de violences sexuelles sur des mineurs face à des victimes traumatisées, qui ont besoin de temps pour trouver la force nécessaire pour déposer plainte et entamer un parcours judiciaire long et fastidieux.

Notre justice doit permettre à chacune et chacun d'être entendu et reconnu en tant que tel. Cet amendement propose donc d'inscrire dans notre droit le caractère imprescriptible des crimes commis contre les mineurs, y compris les crimes sexuels.

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