Publié le 22 mars 2021 par : Mme Batho, M. Villani, Mme Gaillot, Mme Bagarry, M. Julien-Laferrière, M. Orphelin, Mme Chapelier.
Rédiger ainsi cet article :
« I. – Le titre VII du livre Ier du code de l’environnement est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa du I de l’article L. 172‑1, après le mot : « relatives », sont insérés les mots : « aux risques causés à l’environnement, » ;
« 2° Après l’article L. 173‑2, il est inséré un article 173‑2‑1 ainsi rédigé :
« Art. 173‑2‑1. – Les actes générant des risques pour l’environnement sont punis dans les conditions prévues aux articles 415‑1 et 415‑2 du code pénal. »
« II. – Le code pénal est ainsi modifié :
« 1° Le deuxième alinéa de l’article 121‑3 est complété par les mots : « ou de l’environnement ».
« 2° Après le chapitre IV du titre Ier du livre IV, il est inséré un chapitre V ainsi rédigé :
« « Chapitre V
« Des atteintes aux équilibres biologiques et à l’environnement
« Section 1
« De la mise en danger de l’environnement
« Art. 415‑1. – I. – Le fait d’exposer directement ou indirectement le sol, le sous-sol, l’air, les eaux souterraines, superficielles ou eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, la faune, la flore ou les habitats naturels à un risque d’atteinte non négligeable par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi, le règlement ou un acte administratif individuel est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
« II. – En cas de réalisation de l’atteinte à l’environnement, la peine mentionnée au I est portée à deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
« III. – La peine mentionnée au I est portée à cinq ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende, et celle mentionnée au II à sept ans d’emprisonnement et à 3 750 000 euros lorsque l’infraction est commise en bande organisée, au sens de l’article 132‑71. »
« Art. 415‑2. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121‑2, des infractions définies à l’article 415‑1 encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131‑38, les peines prévues par les 2° , 3° , 4° , 5° , 6° , 8° et 9° de l’article 131‑39. »
« III. – L’article 706‑73‑1 du code de procédure pénale est complété par un 12° ainsi rédigé :
« 12° Délits relatifs à la mise en danger délibérée de l’environnement mentionnés au I et II de l’article 415‑1 du code pénal commis en bande organisée, prévus au III du même article. »
Le présent amendement résulte d’une proposition de Greenpeace France.
Selon le rapport Justice et Environnement, le droit pénal de l’environnement se caractérise par un faible nombre d’incriminations généralistes et autonomes tandis que les infractions spéciales par renvoi sont nombreuses. Cette situation contribue à brouiller la fonction sociale du droit pénal environnemental qui apparaît inféodé à la police administrative. La législation actuelle est trop souvent composée d’infractions d’une grande technicité exigeant la démonstration d’un résultat dommageable souvent difficile à établir.
L’obligation de prévenir les atteintes à l’environnement est prévue à l’article 3 de la Charte de l’environnement. Dans la majorité des cas, les atteintes à l’environnement sont extrêmement difficiles voire impossibles à réparer. Sanctionner les atteintes à l’environnement ne peut donc suffire. Il faut avoir les moyens de les prévenir. Il est donc nécessaire de prévoir un délit de mise en danger de l’environnement.
Or, les dispositions prévues à l’article 67 ne sont pas opérationnelles.
Tout d’abord la définition de l’atteinte est dantesque. En cas de risque d’atteinte à la faune, flore, qualité de l’eau, il est en général impossible de prouver en amont que le risque d’atteinte est susceptible de perdurer pendant au moins 10 ans. La notion d’atteinte « grave et durable » va par ailleurs bien au-delà des exigences européennes qui visaient la « dégradation substantielle » (directive du 19 novembre 2008, 2008/99/CE).
Par ailleurs, le champ d’application de cet article est très réduit : il ne concerne que les faits prévus aux articles L. 173‑1 et L. 173‑2, c’est-à-dire, à titre d’exemple, le fait d’exploiter une activité ou une installation sans autorisations préalables, homologation, ou un poursuivant des activités d’exploitation ou travaux soumis à autorisation, déclaration ou dérogation sans respecter une mise en demeure.
Or les infractions accessoires, c’est-à-dire dépendantes de l’intervention administrative, s’inscrivent dans un contexte de diminution des effectifs de contrôle. En creux, la part d’autocontrôles et de déclarations non contrôlées augmente. Ce contexte commande d’envisager des infractions indépendantes de la carence administrative.
Le présent amendement vise donc à supprimer l’actuelle rédaction de l’article 67 et d’en proposer une nouvelle permettant de créer un dispositif avec une sanction adaptée aux comportements qui mettent en danger l’environnement pour éviter que le dommage ne se produise.
Le I du présent amendement prévoit la création d’un délit de mise en danger de l’environnement à l’article 415‑1 du Code pénal conformément à la recommandation n° 12 du rapport Justice et Environnement. Il prévoit de l’insérer dans un nouveau chapitre V créé au sein du titre I du livre IV du code pénal intitulé « Des atteintes aux équilibres biologiques et l’environnement », conformément à la recommandation n° 11 du rapport Justice et Environnement.
Comme l’article 223‑1 du Code pénal sanctionne les comportements volontaires dangereux pour la personne afin de les prévenir, il convient de sanctionner les comportements volontaires dangereux pour l’environnement, lorsqu’une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement est délibérément violée. Conformément aux recommandations du rapport Justice et Environnement, la spécificité des atteintes environnementales et du droit de l’environnement suppose d’ajouter : la possibilité que l’obligation soit prévue par un acte administratif individuel et la possibilité de réprimer non seulement les atteintes directes mais également indirectes.
Par ailleurs, toujours pour satisfaire à la spécificité de l’atteinte environnementale, le risque n’a pas besoin de présenter un caractère immédiat, la preuve de l’immédiateté étant impossible à rapporter dans la plupart des situations. L’exigence demeure de prouver qu’existe un risque réel, susceptible de constituer une atteinte non négligeable et pour lequel il existe une forte probabilité de réalisation.
L’atteinte se définit en référence à la notion de préjudice écologique définie à l’article 1247 du Code civil qui suppose que soit porté une « atteinte non négligeable » à l’environnement. Elle permet d’introduire une cohérence dans la définition de l’atteinte environnementale en droit français, le préjudice écologique ayant fait son entrée dans le Code civil en 2016, soit postérieurement à l’adoption de la directive 2008/99/CE qui fait référence à la notion de dégradation substantielle à laquelle les termes d’atteinte non négligeable peuvent aisément être substitués. Ces termes ont par ailleurs été jugés conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2020‑881 QPC du 5 février 2021.
Enfin, il est prévu par le deuxième alinéa de l’article 415‑1 qu’en cas de réalisation du dommage, c’est-à-dire de survenance avérée de l’atteinte, la peine soit aggravée. Le quantum prévu est cohérent avec celui de l’article L. 216‑6 du Code de l’environnement qui réprime les atteintes aux milieux aquatiques.
Ce délit de mise en danger de l’environnement serait réprimé par l’article 415‑1 du Code pénal, l’article 415‑2 permettant de prévoir les peines adaptées aux personnes morales.
Le troisième alinéa du nouvel article 415‑1, avec le IV du présent amendement, permet la création d’une circonstance aggravante de bande organisée, notamment pour réprimer les stratégies d’entreprises visant l’enrichissement à travers des manquements conduisant à la mise en danger délibérée de l’environnement. Cette circonstance aggravante est notamment issue des recommandations du Professeur Laurent Neyret3.
Un tel délit permettra d’agir même quand l’administration n’a pas mis en demeure de mettre fin au comportement à risque ou lorsqu’elle n’a pas informé l’autorité judiciaire des manquements comme le souligne le rapport Justice et Environnement : « il est relevé par le CGEDD que certaines décisions d’autorisation, notamment en matière d’urbanisme, peuvent même être prises par des autorités administratives en toute connaissance des ef ets destructeurs de travaux entrepris à l’égard des espaces naturels ».
A titre d’exemple, il pourra couvrir le cas d’un bateau pétrolier passant trop près d’une réserve naturelle marine, au milieu de récifs ; ou d’un avion ne respectant pas l’interdiction de survol des réserves naturelles pendant une période de nidification d’une espèce protégée ; ou encore en cas d’épandage des pesticides à moins de 5 mètres des cours d’eau et tous les mauvais usages des pesticides où atteintes à l’environnement sont difficile à démontrer ; ou encore le fait de faire des travaux sans faire d’étude d’incidence Natura 2000 (comme les inventaires n’ont pas été faits avant, il sera difficile de démontrer le dommage).
Le IV du présent amendement vise à permettre aux inspecteurs de l’environnement de constater le délit des risques causés à l’environnement pour rendre la disposition effective.
Les II, III et V visent à harmoniser la légistique pour permettre l’insertion de ce nouveau délit dans le Code pénal.
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