Publié le 3 mai 2021 par : M. Orphelin.
I. - Après l’article L. 173-12 du code de l’environnement, il est inséré un nouvel article L. 173-13 ainsi rédigé :
« En cas de constatation d’une infraction au présent code, le juge des libertés et de la détention peut, à la requête du procureur de la République, agissant d'office ou à la demande de l'autorité administrative ou de la victime, ordonner pour une durée d’un an au plus renouvelable, aux personnes physiques et aux personnes morales concernées, toute mesure utile y compris la suspension ou l’interdiction des opérations menées en infraction à la loi pénale. Dans ces derniers cas, les dispositions de l'article L. 173-6 sont applicables.
En cas d'ouverture d'une information, le juge d'instruction est compétent pour prendre dans les mêmes conditions les mesures prévues au premier alinéa.
La décision est prise après audition de la personne intéressée, ou sa convocation à comparaître dans les quarante-huit heures, ainsi que le cas échéant celle de l'autorité administrative et de toute victime constituée. La décision du parquet portant convocation, notifiée ou signifiée à la personne intéressée, peut ordonner à titre conservatoire toute mesure utile, pour une durée de quatre jours au plus.
La décision est exécutoire par provision et prend fin sur nouvelle décision du juge des libertés et de la détention statuant soit d'office, soit sur les réquisitions du procureur de la République, soit sur la demande de la personne intéressée après avis du procureur de la République, ainsi que le cas échéant de l'autorité administrative et de la victime si elles en ont fait la demande initiale. Elle prend fin au plus tard par extinction de l'action publique ou lors de la décision de la juridiction de jugement statuant en premier ressort sur les faits infractionnels intéressés.
La personne concernée ou le procureur de la République peut faire appel de la décision du juge des libertés et de la détention devant la chambre de l'instruction, dans les dix jours suivant la notification ou la signification de la décision.
Le président de la chambre de l'instruction, saisi dans les vingt-quatre heures suivant la notification de la décision du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction, peut suspendre la décision jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'appel, sans que ce délai puisse excéder vingt jours.».
II. - Les articles L. 216-13 et L. 415-4 sont abrogés.
III. - L'article L. 173-4 est complété par un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Le fait de ne pas respecter la mesure conservatoire ordonnée en application de l'article L. 173-13 est puni de trois ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende. »
Le rapport « Justice et Environnement » a évoqué une fonction sociale du droit pénal environnemental brouillée, qui apparait inféodé à la police administrative et qui ne permet donc pas la prévention effective des atteintes à l’environnement.
Sur le modèle du contrôle judiciaire applicable aux personnes physiques, cet amendement vise à simplifier et rendre opérationnel un régime de contrôle judiciaire environnementale prenant la forme de mesures conservatoires applicables le temps de l'enquête (des premières constatations jusqu'à l'audience de poursuites ou la finalisation d'alternatives aux poursuites) qui existe en certaines matières très sectorielles et est très rarement mis en œuvre à ce jour : il s’agit donc de moderniser le régime existant, de l’étendre à toute la matière environnementale, pour permettre à l’autorité judiciaire d’éviter que les dommages environnementaux se poursuivent après les premières constatations. Cette procédure pénale spéciale est le pendant des actions civiles en référé prévues par l'art. 1252 du code civil.
En effet, alors qu’ils pourraient compléter utilement l’action de l’administration, notamment lorsque celle-ci est défaillante en présence d'atteinte continue à l'environnement malgré l'information des mis en cause qui refusent de faire cesser ces atteintes, les dispositifs existants sont trop restreints : ils ne couvrent que les infractions en matière d’eau et milieux aquatiques et marins (article L. 216-13) et des seuls établissements de faune sauvage captive (article L. 415-4).
La généralisation de cette procédure est nécessaire pour que les acteurs judiciaires se l’approprient avec efficacité, aux côtés de l’administration, des victimes et des associations agréées de protection de l’environnement pouvant les alerter de situations graves en saisissant directement le juge des libertés et de la détention.
Ce régime est mobilisé par le parquet, est révisé si besoin à tout moment d'office ou sur initiative d'une partie et a minima tous les ans, devient caduque automatiquement lors de l'extinction de l'action publique (résultant d'une alternative aux poursuites acceptée par le mis en cause), ou lors du délibéré rendu en 1ère instance en cas de poursuites (le juge du siège pouvant alors reprendre les mesures ordonnées par le JLD sous formes de peines complémentaires – assorties de l'exécution provisoire en cas d'appel, peines de même nature : art. L.173-5 Cenv applicable aux personnes physiques comme morales). Ainsi, avec ce dispositif nouveau de contrôle judiciaire environnemental, la prévention des intérêts environnementaux peut être assurés efficacement durant tout le temps de l'enquête judiciaire et de la gestion de l'action publique.
Option de repli : prévoir un champ d'application de ce dispositif limité aux Livres I, II à l'exception du chapitre VIII du titre Ier, III et IV du code de l'environnement.
En outre, ce dispositif, comme en matière d'urbanisme, doit être spécialement réprimé en cas de non-respect de la mesure conservatoire ordonnée, moyennant la création d'un délit spécifique dédié (rangé sous art. L. 173-4).
Cet amendement est issu de discussions avec France Nature Environnement.
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