Publié le 12 mai 2021 par : Mme Krimi.
Le I de l’article 35 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifié :
1° Le mot : « image » est remplacé par le mot : « identité » ;
2° La deuxième occurrence du mot : « et » est remplacée par les mots : « ou l’image ».
La présomption d’innocence est un droit fondamental garanti en France par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (article 9) et la Convention Européenne des Droits de l’Homme (Article 6§2). Ce principe est né de la plume de Cesare Beccaria au XVIIIème siècle qui écrivait : « Un homme ne peut être considéré comme coupable avant la sentence du juge ». Selon cette idée donc, toute personne suspectée d’avoir commis une infraction est considérée comme innocente des faits qui lui sont reprochés, tant qu’elle n’a pas été déclarée coupable par la cour ou le tribunal compétent pour juger.
Comme les magistrats, les médias sont aussi tenus de respecter cette présomption d’innocence. L’article 35 Ter II de la loi du 29 juillet 1981, prévoit qu’il est interdit à la presse de réaliser des sondages d’opinion portant sur la culpabilité d’une personne ou la lourdeur de la peine susceptible d’être prononcée. Pourtant, un véritable tribunal médiatique s’est érigé à travers les réseaux sociaux et les grands médias, dans la continuité de ce qui se faisait déjà dans la presse populaire du XIXème siècle, avec l’emblématique affaire Dreyfus. On se souvient aussi de l’affaire du « Petit Gregory », durant laquelle la théorie de la mère infanticide avait été largement relayée par les journaux, avant que Christine Villemin ne soit finalement innocentée. C’est même la partialité du juge d’instruction chargé de l’enquête, Jean-Michel Lambert, qui avait été mise en cause à l’époque lorsqu’il décida de mettre en détention provisoire la mère de l’enfant assassiné.
Ainsi, des personnes présumées innocentes peuvent être « présumées coupables » pendant plusieurs mois, et parfois plusieurs années parce que le temps judiciaire n’est pas celui des médias ou des réseaux sociaux. Dans ces affaires, c’est la réputation d’une personne non jugée qui est mise en pâture, des carrières brisées et des séquelles psychologiques importantes qui en découlent. A l’ère des réseaux sociaux, de nombreuses personnes se voient accusées chaque jour, sur Twitter et Facebook, de crimes et délits sans que des faits ne soient encore légalement établis. La journaliste et créatrice du mouvement #Balancetonporc, Sandra Muller aura notamment été condamnée par la 17e chambre civile du tribunal de Paris pour diffamation des faits de harcèlement sexuel réalisés à l’encontre de l’ex-dirigeant d’Equidia, Eric Brion. En un tweet rédigé en quelques minutes, cet innocent a vécu une descente en enfer pendant plus de deux ans. Parce que son identité à été divulguée sur les réseaux sociaux, on a violemment nuit à sa réputation et le chiffre d’affaires de son entreprise a été divisé par quatre.
Cet amendement vise à interdire aux médias ou à tout individu de diffuser, quel qu’en soit le support, l’identité d’une personne présumée innocente dans le cadre d’une procédure judiciaire. La justice ne doit pas se rendre dans les médias ou les réseaux sociaux, mais dans les tribunaux.
L’objectif de cet amendement n’est évidemment pas de censurer, mais de poser ce débat à l’Assemblée Nationale.
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