Bioéthique — Texte n° 4222

Amendement N° 1594 (Rejeté)

Publié le 5 juin 2021 par : Mme Brocard.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia 

Supprimer les alinéas 1 à 53.

Exposé sommaire :

Cet amendement vise à maintenir le droit en vigueur relatif à la PMA, les dispositions du Titre IV « Assistance médicale à la procréation » du Livre 1er de la 2ème Partie du Code de la santé publique n’étant pas modifiées.

En effet, l’ouverture de l’AMP en dehors des indications thérapeutiques suscitait dès l’origine des difficultés importantes, qui ont été désignées par le Comité d’éthique dans son avis même si ce dernier était finalement favorable à une telle extension.

Cependant, alors que presque 3 ans se sont écoulés depuis le début de la procédure législative, la situation de notre pays a bien changé et la crise sans précédent que vivent les Français dans de nombreux domaines nous invite à répondre aux attentes des Français plutôt qu’à surcharger le calendrier parlementaire.

Sur la forme, l’extension de l’AMP suscite des divergences qui vont croissantes et entravent l’adoption des dispositions relevant à proprement parler de la bioéthique, comme celles relatives au don d’organes et à la recherche sur l’embryon et les cellules souches. Il convient donc de reporter l’examen de l’extension de l’AMP dans un texte ad hoc, dans le cadre d’une vraie réflexion sur la filiation qui n’a pas sa place dans un projet de loi consacré à la bioéthique. Cela permettra d’adopter les dispositions relatives à la bioéthique d’une manière beaucoup plus consensuelle et profitable car ces questions de bioéthique, pourtant fort importantes, passent aujourd’hui au second plan dès lors que la PMA concentre tout l’intérêt.

Sur le fond, il convient de maintenir cet objectif thérapeutique car l’accès à l’AMP pour des personnes ne présentant pas de pathologie altérant leur fertilité entraine de nombreuses difficultés non maitrisées :

· L’interdiction pour l’enfant d’établir s’il le souhaite sa filiation dans la branche paternelle est contraire aux droits de l’enfant tel que protégés par les Conventions internationales. En effet, le droit au respect de la vie privée protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, « comprend non seulement le droit de chacun de connaître son ascendance, mais aussi le droit à la reconnaissance juridique de sa filiation »[1]. La Cour européenne des droits de l’homme affirme que l’enfant a « un intérêt capital à obtenir les informations qui lui permettent de connaître la vérité sur un aspect important de son identité personnelle, c’est-à-dire l’identité de ses parents biologiques »[2], ou encore que l’intérêt de l’enfant est « avant tout de connaître la vérité sur ses origines » et dans «l’établissement de sa filiation réelle »[3].

· Par ailleurs, la Convention internationale des droits de l’enfant pose le droit pour tout enfant, dans la mesure du possible, de connaître ses parents et d’être élevé par eux (art. 7). L’accès à l’identité du donneur à la majorité de l’enfant ne suffit pas à respecter ce droit car d’une part ce n’est pas équivalent au fait de connaître son père et être élevé par lui et, d’autre part, cet accès n’intervient qu’à la majorité de l’enfant alors que la Convention lui reconnaît ce droit dès sa naissance.

· Créer des familles dans lesquelles les hommes sont considérés comme de simples géniteurs fournisseurs de sperme fragilise le droit de tous les enfants dont les pères ne veulent pas assumer la responsabilité. En soutenant que les enfants n’ont pas besoin de père et que le géniteur n’est pas un père, on conforte les hommes qui ne veulent pas assumer une paternité : https://www.lefigaro.fr/actualite-france/geniteurs-malgre-eux-ils-reclament-le-droit-de-ne-pas-etre-peres-20210507

· Le recours à la médecine pour satisfaire des demandes ne relevant pas de la thérapie constitue un détournement du rôle de la médecine alors que la crise sanitaire a mis au jour le besoin urgent de se recentrer sur les soins essentiels (réanimation, soins palliatifs etc.).

· L’affectation des ressources de l’assurance maladie à des situations non pathologiques, alors que de nombreuses prestations de soin sont déremboursées faute de moyens et que l’épidémie de COVID 19 a révélé l’incapacité de notre système de santé à prendre en charge tous les malades.

[1] CEDH, 2 juin 2015, n° 22037/13, Canonne c. France, § 28 et 32
[2] CEDH, 21 juin 2011, n° 46185/08, Krušković c. Croatie, § 41
[3] CEDH, 14 janv. 2016, n° 30955/12, Mandet c. France, § 56 et 57

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.