Bioéthique — Texte n° 4222

Amendement N° 1609 (Rejeté)

Publié le 5 juin 2021 par : Mme Brocard.

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Supprimer les alinéas 6 à 25.

Exposé sommaire :

Sous couvert de préserver la possibilité pour des personnes d’avoir des enfants à un âge ultérieur, l’autoconservation des gamètes vise en réalité à étendre le business de la procréation artificielle en poursuivant 2 buts :

- s’assurer la constitution d’une banque de gamètes d’une part (les alinéas 15 à 18 prévoient les conditions nécessaires pour que la personne donne ses gamètes pour la procréation artificielle ou pour la recherche),

- s’assurer d’une future clientèle d’autre part, en repoussant l’âge de la maternité (ou de la paternité) de telle sorte que le recours à la PMA devienne la seule possibilité pour tenter d’obtenir un enfant. Alors que la communauté médicale et scientifique fait le lien entre la chute de la fécondité et le recul de l’âge moyen de la procréation[1], l’autoconservation des ovocytes pousse au recul de l’âge de la procréation et va donc accentuer la chute de la fécondité.

A ces enjeux du marché, il doit être ajouté ceux portés par les employeurs pour lesquels l’autoconservation des ovocytes va constituer un moyen de pression morale pour inciter leurs salariées à reporter leur projet d’enfant.

Cette disposition d’autoconservation des gamètes porte gravement atteinte aux droits des femmes. Elle constitue un piège pour elles :

- En repoussant l’âge auquel elles vont chercher à concevoir un enfant, les femmes amenuisent grandement leurs chances de concevoir naturellement.

- Le processus de ponction ovocytaire est un acte chirurgical lourd pour la femme, et les médecins ne maitrisent pas bien ses conséquences sur la possibilité de concevoir ensuite de manière naturelle. Il est contraire au principe de bienfaisance d’exposer une femme à un tel acte sans raison thérapeutique.

- la promesse d’une grossesse ultérieure est fallacieuse car, si les ovocytes conservés sont prélevés « jeunes », le corps de la femme concernée va vieillir et le succès de l’APM ultérieure n’est en rien garanti. Par ailleurs, de nombreux chercheurs ont rapporté le lien entre l’âge avancé des parents et l’apparition d’autisme chez les enfants. Ainsi une étude menée en 2009 a montré qu’une augmentation de cinq ans de l’âge maternel entraîne une augmentation de 7% du risque d’autisme chez l’enfant[2].

- elle constitue un recul du droit des femmes dans la sphère professionnelle, en contradiction avec le combat mené depuis de nombreuses années pour que les femmes ne soient pas discriminées parce qu’elles prennent un ou plusieurs congés maternité, un ou plusieurs congés parental. L’autoconservation des ovocytes sans indication médicale envoie un message clair aux femmes : « avoir un enfant avant 40 ans met en péril ta carrière. Congèle tes ovocytes et attends ta seconde partie de carrière pour concevoir ton ou tes enfants ».

Le rapporteur Touraine a reconnu lui-même lors de l’examen en 2nde lecture en Commission que le recul de l’âge de la procréation constituait une problématique majeure et qu’il fallait mener des campagnes d’information auprès des jeunes sur ce point.

Outre ces campagnes d’information, il convient de continuer la lutte pour adapter les carrières professionnelles afin d’offrir la possibilité aux femmes d’avoir des enfants jeunes plutôt que de reculer l’âge de la maternité sous prétexte d’adapter les femmes aux contraintes du marché.

Le dispositif d’autoconservation des gamètes en ce qu’il incite au recul de l’âge de la parentalité, porte également atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant.

Avoir des parents âgés peut porter atteinte à l’intérêt de l’enfant qui risque de les perdre prématurément, voire d’être orphelin, de ne pas pouvoir partager certaines activités avec eux compte-tenu de leur âge, d’être confronté dès sa jeunesse aux problématiques de vieillissement de ses parents et de prise en charge de personnes âgées.

Enfin, le but recherché mais non avoué d’augmentation du stock de gamètes par l’incitation à l’autoconservation des gamètes génère des réserves importantes. Des candidats à la PMA ont rapporté les pressions dont ils étaient parfois victimes, pour qu’à l’occasion de la PMA, ils acceptent de donner leurs gamètes pour d’autres couples. Dès lors que des personnes demanderont l’autoconservation de leurs gamètes, le risque de pression exercées pour les amener au don est présent. Or, un don fait dans de telles conditions présente un consentement vicié.

Remarque : cela ne remet pas en cause l’autoconservation des gamètes en raison d’un risque d’altération de la fertilité, déjà existante en droit et maintenue plus loin dans le PJL.

[1] Cf notamment l’audition le 14.11.2019 par la Délégation aux droits des femmes du Sénat du Dr Ayoubi, chef du service PMA à l’hôpital Foch http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20191111/ddf.html#toc2
[2] https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/2310_surveillance_trouble_spectre_autisme.pdf

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