Publié le 24 juin 2021 par : M. Taché, Mme Bagarry, Mme Cariou, Mme Gaillot, M. François-Michel Lambert.
Le huitième alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale est supprimé.
Cet amendement vise à supprimer de notre droit la possibilité de pratiquer des contrôles d’identité préventifs qui a de nombreux égards peuvent être source de graves atteintes aux droits des personnes, dont la protection est explicitement visée dans le titre du chapitre III du présent projet de loi suite à l’adoption d’un amendement en commission modifiant ledit intitulé.
Ce type de contrôle d’identité préventif est en effet une exception française. La plupart des pays européens comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni ont revu leur législation en instaurant notamment une traçabilité et en encadrement plus strict des contrôles faisant drastiquement chuter leur nombre. Le cas de la ville de New York est également instructif. La police locale recourait massivement aux contrôles jusqu’à ce que la justice interdise cette pratique jugée discriminatoire. Les contrôles y ont ainsi chuté entre 2011 et 2015, sans que la délinquance n’augmente pour autant.
On ne peut en mesurer l’ampleur exacte puisqu’il n’existe en France aucun outil d’enregistrement statistique permettant de quantifier les contrôles et d’évaluer leurs effets comme l’établissement d’un récépissé par exemple (disposition pourtant examinée par le Parlement en 2016 mais rejetée entre autres pour « manques de moyens »).
Il n’empêche que le caractère massif de cette pratique en France est avéré comme le souligne un rapport parlementaire de janvier 2018, qui, s’appuyant sur des chiffres d’Open Society, avance que ce sont « cinq à dix millions de contrôles [qui] sont effectués chaque année ».
De plus, le contrôle préventif parce que s’exerçant dans un cadre juridique large aux frontières relativement floues, porte intrinsèquement un risque aigu de déviance vers des formes de contrôles répétés, abusifs ou discriminatoires.
Le code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie a beau disposer que « lorsque la loi l’autorise à procéder à un contrôle d’identité, le policier ou le gendarme ne se fonde sur aucune caractéristique physique ou aucun signe distinctif pour déterminer les personnes à contrôler, sauf s’il dispose d’un signalement précis motivant le contrôle », de multiples études démontrent formellement que ce sont bien les minorités visibles qui sont la cible de la majorité des contrôles préventifs.
On peut notamment citer les travaux réalisés par Jacques Toubon dans le cadre de ses fonctions de Défenseur des Droits. Notamment L’enquête de 2016 « Relations police / population : le cas des contrôles d’identité » met en lumière des modalités de contrôle différenciées selon les publics : le contrôle d’identité concerne majoritairement des hommes, en milieu urbain perçus comme « noirs ou arabes ». L’ultime rapport de Jacques Toubon publié en juin 2020 confirme ces résultats qui selon lui suggèrent « un ciblage des contrôles d’identité ». On peut y lire que les jeunes hommes perçus comme noirs ou arabes « ont 20 fois plus de chance que les autres d’être contrôlés ».
Si les contrôles d’identité, en en particulier les contrôles préventifs, sont souvent sources de violences disproportionnées et sont à l’origine de nombreux drames, leur efficacité serait en outre très marginale. Les résultats d’une expérimentation, menée en 2014 par le DGPN et citée dans un rapport sénatorial de 2016, le prouvent : dans le département de l’Hérault, 95,45% des contrôles n'ont donné lieu à aucune suite (sur 9 000 personnes contrôlées en six mois) et seulement 4% à des interpellations. Des taux sensiblement similaires ont été relevés dans le Val-d’Oise, avec 92,9% de contrôles qui n’ont entraîné aucune suite contre 3,88% qui ont conduit à des interpellations (sur environs 10 000 contrôles).
La lutte contre le séparatisme et pour le respect des principes républicain doit être avant tout une lutte contre toutes les sources de discriminations qui minent notre cohésion nationale. L’interdiction du contrôle préventif serait un pas important en ce sens. Tel est l’objet de cet amendement.
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