Responsabilité pénale et sécurité intérieure — Texte n° 4387

Amendement N° CL197 (Irrecevable)

Publié le 10 septembre 2021 par : M. Jolivet.

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Après l’article 227‑17 du code pénal, il est inséré un article 227‑17‑1 ainsi rédigé :

« Art. 227‑17‑1. ‒ Conformément aux dispositions de l’article 121‑3, toute personne exerçant l’autorité parentale sur un mineur et ayant par imprudence, négligence ou manquement à ses obligations parentales, laissé ce mineur commettre une infraction pénale, encourt les sanctions prévues par le présent code pour cette même infraction. Toutefois, si elle n’a pas failli aux obligations inhérentes à son autorité parentale prévues à l’article 371‑1 du code civil, sa responsabilité ne peut être engagée. »

Exposé sommaire :

En juin 2016, huit mineurs âgés de treize à dix‑sept ans, soupçonnés d’avoir participé au viol collectif d’une adolescente à Mulhouse, sont interpellés. La jeune fille, conduite de force dans une cave, a été frappée à plusieurs reprises et contrainte de pratiquer des fellations.

En octobre 2016, deux voitures de police sont attaquées par une vingtaine d’individus à coups de barres de fer, de pierres, puis de cocktails Molotov à Viry‑Châtillon dans l’Essonne. Le bilan est lourd. Une policière est grièvement brûlée aux mains et aux jambes tandis que le pronostic vital d’un adjoint de sécurité reste engagé pendant plusieurs jours. Début décembre 2016, deux adolescents de quinze et dix‑sept ans sont arrêtés pour avoir participé à la confection des cocktails Molotov. En janvier 2017, la police procède à onze arrestations de jeunes dont certains sont mineurs.

En décembre 2020, une rixe impliquant une douzaine de personnes à Montpellier fait trois blessés, dont un à l’arme blanche. Un jeune de vingt ans est touché à l’épaule, au dos et à la cuisse, et sera transporté aux urgences. Une machette est également retrouvée sur place. Six personnes sont interpellées, dont deux âgées de seize et dix‑sept ans.

En janvier 2021, un adolescent de quinze ans est violemment agressé dans le quartier de Beaugrenelle à Paris par une bande de plusieurs individus. Roué de coups, puis abandonné, l’adolescent sera conduit à l’hôpital dans un état grave et passera plusieurs jours dans le coma. La plupart des individus impliqués dans cette affaire sont mineurs.

En avril 2021, six adolescents de onze à quinze ans sont interpellés à Givors près de Lyon. Ils sont accusés de dégradations dans un hôpital, de vols en réunion, et sont à l’origine de graves dysfonctionnements mettant en danger la vie des patients.

En quarante ans, selon les statistiques des services de police et de gendarmerie, le nombre de mineurs mis en cause dans des affaires pénales en France est passé d’environ 80 000 (1977) à environ 200 000 (2018), soit une augmentation de 150 %. La délinquance juvénile n’est pas un phénomène nouveau, mais elle a récemment connu une évolution inquiétante, et la tendance est à la hausse.

Cette violence se lit dans les statistiques, s’affiche en instantané dans les médias et sur les réseaux sociaux et se ressent dans l’opinion publique. C’est un phénomène rampant et particulièrement préoccupant.

Devrions‑nous nous habituer à cette violence, et la considérer comme une fatalité ? Au fond, le débat public est devenu idéologique et s’est éloigné du réel. Le sentiment des Français, celui de l’insécurité, n’est pourtant pas hypothétique et découle d’une multiplication de faits. La réalité est que la violence s’est massifiée et s’est installée dans le quotidien. Le sentiment d’impunité, lui, continue de progresser.

Les politiques de prévention de la délinquance des mineurs existent, la réponse judiciaire et pénale s’est diversifiée et spécialisée, mais force est de constater que ces acteurs sont parfois défaillants. Nos policiers et nos gendarmes, bien qu’ils agissent avec le dévouement qui les caractérise, ne peuvent combler toutes ces insuffisances. En fait, ils sont en bout de chaîne de l’insuffisance des autres et sont seuls en première ligne.

Cette délinquance est multifactorielle, et son analyse et son traitement ne peuvent se réduire à un seul et unique aspect. Mais, lorsque l’on réfléchit à ses racines, on débouche inéluctablement sur la famille. Il n’est pas démagogue d’avancer qu’une partie de ces actes peuvent s’expliquer, dans certains cas, par un renoncement de l’exercice de l’autorité parentale. La famille, en tant que premier lieu de socialisation, tient un rôle majeur dans le développement de l’enfant, et le manque d’encadrement favorise les comportements antisociaux (Gimenez Caroline, Blatier Catherine, « Famille et délinquance juvénile : état de la question », Bulletin de psychologie).

Selon un sondage Baromètre Odoxa, publié le 4 mai 2021 dans Le Figaro, 51% des Français identifient les problèmes d’éducation comme la cause principale de la délinquance juvénile.

Cette proposition de loi s’intéresse ainsi au volet parental de la problématique de la délinquance des mineurs. Que fait un jeune de treize ans, seul, la nuit, dans la rue ? Pourquoi n’est‑il pas sous la surveillance de ses parents ? Que fait un mineur armé d’un couteau, ou d’une arme à feu ? Comment un mineur de quinze ans peut‑il participer à un guet‑apens contre les forces de l’ordre, sur le temps scolaire ? Les adultes, porteurs de repères pour l’enfant mineur, sont parfois démissionnaires. L’école ne parvient pas à combler ces carences, et ce n’est d’ailleurs pas son rôle premier. Le code civil, dans son article 371‑1, dispose que : « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. »

La société ne peut être comptable des renoncements de l’exercice de l’autorité parentale. Les enfants mineurs sont sous la seule et entière responsabilité de leurs parents. L’autorité de l’État ne saurait être pleinement respectée si l’autorité du foyer est fuyante.

L’objectif de cet amendement est de rappeler certains adultes à leurs devoirs éducatifs en permettant à la Justice de rechercher leur éventuelle responsabilité dans les infractions commises par leurs enfants mineurs. Grâce à cette disposition, le juge pourra désormais vérifier si des parents n’ont pas, par imprudence, négligence ou manquement à leurs obligations parentales, laissé leurs enfants mineurs commettre une faute pénalement répressible. Ils pourront, le cas échéant, être poursuivis au même titre que s’ils s’étaient rendus coupables de complicité. Ils encourraient donc, selon l’article 121‑7 du code pénal, les mêmes sanctions que l’auteur de l’infraction.

Nous nous inspirons d’un mécanisme déjà existant en droit français. Le code pénal, dans son article 121‑3, prévoit des exceptions au principe selon lequel nul n’est responsable pénalement que de son propre fait, dans les cas de fautes d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité. Nous proposons d’adapter cette responsabilité pénale directe du fait d’autrui à la problématique.

Cette proposition d’article se trouve à la suite de l’article 227‑17, qui vient déjà sanctionner les parents se soustrayant à leurs obligations. Il s’agit de renforcer ce dispositif, qui ne mentionne pas directement les cas où le mineur se rend coupable d’infractions pénales.

Le problème de la violence des jeunes est aussi celui d’un déficit d’éducation. Cet amendement réaffirme en ce sens l’importance du principe de la responsabilité parentale s’exerçant dans la sphère privée, mais ayant bien des conséquences publiques.

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