Projet de loi de finances pour 2022 — Texte n° 4482

Amendement N° 1887A (Non soutenu)

Publié le 7 octobre 2021 par : Mme Tuffnell, Mme Yolaine de Courson.

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Après l’alinéa 5, insérer l’alinéa suivant :

« aa) Au premier alinéa, après le mot : « échappement », sont insérés les mots : « en circuit fermé » » ;

Exposé sommaire :

L'obligation pour les navires à travers le monde de ne pas rejeter de fumées dépassant la teneur de 0,5 % en oxyde de soufre est entrée en vigueur au 1er janvier 2020. Prévue à l'annexe VI de la convention Marpol qui vise la pollution atmosphérique, cette nouvelle réglementation a été décidée en octobre 2016, sous l'égide de l'Organisation maritime internationale (OMI).
Une CMP vient d’acter les termes du projet de loi dit DDADUE qui a pour objectif de conformer notre droit national aux exigences et évolutions de la réglementation européenne dans le domaine des transports, d’environnement, de l’économie et des finances.
Ce texte, s’agissant de la lutte contre la pollution atmosphérique du au transport maritime complète utilement la transposition de la Directive de 2016 relative à la teneur en soufre des combustibles liquides utilisés par les navires. Ce texte organise, de ce point de vue, l’extension de l’application de cette législation à nos outre-mer et à l’océan austral. ON ne peut que se féliciter de ces mesures qui participent de la lutte contre la pollution atmosphérique liée au transport maritime, mais l’objet de cet amendement est ici de veiller à protéger la qualité de l’air tout en ne déplaçant pas la pollution sur l’eau et les fonds marins, en incitant par l’éligibilité au dispositif de déductions fiscales sur l’impôt sur les sociétés déjà prévu à l’article 39 decies C du Code Général des Impôts.
Dans le contexte d’un cap technologique imposé, pour rester compétitifs, si les armateurs, peuvent opter pour des procédés de propulsion décarbonés mais, dans les faits, ils installent bien plus fréquemment des scrubbers, tours de lavage dans lesquelles est pulvérisée de l'eau de mer ou de l'eau douce additionnée de produits chimiques.
Le nombre de navires équipés de scrubbers est passé de 2 011 au 1er janvier 2020 à 3 935 au 1er mars 2021, selon les données du BIMCO, organisation internationale des exploitants et propriétaires de flotte de navires marchands, tous segments confondus.
Le principal avantage d’investir dans les scrubbers reste l’écart de prix entre le HFO (fuel à 3,5 % de soufre) et le VLSFO (moins de 0,5 % de soufre).
Ces scrubbers permettent d'ôter jusqu'à 90 % des oxydes de soufre et des particules fines dans les fumées d'échappement des moteurs qui tournent au fioul à 3,5 %. Les résidus, un conglomérat de soufre, d'hydrocarbures, de métaux lourds, de particules fines et de nitrates, peuvent, après filtration de l'eau, être stockés sur le bateau et déchargés à terre pour y être retraités. Il s'agit alors d'un dispositif dit en « circuit fermé ». Cependant, ils peuvent aussi être rejetés à la mer ou dans les cours d'eau. C'est le dispositif dit en « circuit ouvert ». En plus que d'être chargés en produits toxiques pour la faune et la flore, ces rejets se feront à une température comprise entre 20 et 40°, contribuant ainsi à l'élévation des températures des eaux.
Des dispositifs hybrides permettent aussi d’utiliser les deux modes, selon, notamment, l’endroit où l’on se trouve. Comme on l’imagine aisément, l’utilisation du circuit fermé est plus contraignante pour l’armateur que ce soit techniquement et, bien sûr, financièrement.
Donc l’énorme majorité de ces scrubbers sont des scrubbers en circuit ouvert.
Une récente publication du GESAMP (Groupe mixte d’experts chargé d’étudier les aspects scientifiques de la protection de l’environnement marin) s’inquiète de l’évaluation scientifique des effets des effluents de scrubbers en circuit ouvert sur l’écosystème marin et à plus forte raison sur l’ensemble de la chaîne alimentaire, y compris dans les espèces consommées par les humains. Le rapport s’alarme notamment de la conséquence du relargage des hydrocarbures polycycliques aromatiques, des métaux lourds et des composés organiques volatiles qui pourraient se retrouver concentrés et redistribués dans la chaîne alimentaire complète jusqu’à l’homme.
Singapour, la Californie, le Massachusetts, la partie allemande du Rhin, dans le canal de Kiel ont d'ores et déjà interdit les rejets de scrubbers en mer. Même la Chine y songe sérieusement pour ses fleuves. Le port de Dublin, la Lituanie, la Lettonie, la Belgique, la Nouvelle Zélande et l'Australie, avec la grande barrière de corail, se mobilisent contre les scrubbers en circuit ouvert.
A défaut d’un politique coercitive d’interdiction, ou avant d’opter pour ce modèle, une forte incitation à investir dans des dispositifs vertueux est des plus souhaitables. L’objet de cet amendement est de restreindre l’accès aux déductions d’impôts, à hauteur de 85% des coûts immobilisés, telles que l’organise le 3° de l’article 39 decies C, aux seuls scrubbers en circuits fermés, afin d’écarter du dispositif d’incitation fiscale les scrubbers en circuits ouverts et d’enrayer l’augmentation de ces équipements non vertueux que les armateurs installent chaque année à la faveur d’une réglementation européenne qui malheureusement l’autorise quand bien même ils ne font que déplacer la pollution de l’air à l’eau et aux fonds marins.

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