Publié le 15 novembre 2021 par : Mme Michel-Brassart.
Chapitre III
Mesures renforçant la protection des harkis
Article XX
Le dernier alinéa de l’article 5 de la loi n° 2005‑158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est complété par une phrase ainsi rédigée : « La sanction encourue, en cas d’injure ou de diffamation faite aux personnes à raison de leur qualité de harki ou d’ancien membre des formations supplétives, est une amende de 12 000 euros. »
Cet amendement transpose dans la loi la proposition n°12 du rapport Ceaux, visant, par l'action pénale, à améliorer l’image publique des harkis et à lutter contre les stéréotypes et les discriminations en complétant l’article 5 de la loi du 23 février 2005, pour que la sanction encourue en cas de diffamation ou d’injures commises envers les harkis consiste en une amende de 12 000 euros.
En effet, l’absence de définition, par l'article 5 de la loi du 23 février 2005, de sanctions pénales applicables à ces actes, empêche les juridictions de s’y fonder pour prononcer des sanctions. C’est ce qu’avait relevé la Cour de cassation, dans un arrêt du 31 mars 2009.
En 2012, le législateur a choisi de ne pas étoffer la rédaction de l’article 5 de la loi du 23 février 2005 pour préciser les sanctions applicables aux interdictions qu’il prononce, mais de rendre applicables aux formations supplétives les dispositions des articles 30 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 qui prohibent la diffamation et l’injure commise envers les « armées de terre, de mer ou de l’air » et qui les sanctionnent, dans le premier cas, d’une amende de 45 000 euros et, dans le second cas, d’une amende de 12 000 euros. Si le droit positif prévoit donc depuis 2012 que des sanctions sont applicables en cas de diffamation ou d’injure faites aux harkis, il ne permet sans doute pas de saisir les injures qui peuvent leur être adressées de manière individuelle.
La logique des dispositions des articles 30 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 est en effet une logique collective : elle vise à réprimer la diffamation et l’injure faite aux institutions militaires prises comme entités et ne permettent qu’imparfaitement de punir l’injure (ou la diffamation) dans sa dimension individuelle. Elles portent ainsi sur la répression de la diffamation et de l’injure commises envers les forces supplétives considérées collectivement, et non envers les harkis en tant que particuliers, personnes physiques, ce qui implique théoriquement que seules les atteintes portées aux intérêts moraux et à l’honneur des forces supplétives en tant « qu’auxiliaires » de l’armée française et considérées dans leur participation à la guerre d’Algérie sont, sur le fondement de cette loi, condamnables.
Pour lutter efficacement contre les stéréotypes historiques qui continuent d’être véhiculés sur les harkis, le rapport Ceaux propose de renforcer le dispositif pénal en vigueur en précisant expressément, à l’article 5 de la loi du 23 février 2005, les sanctions applicables en cas d’injures faites aux personnes. C’est en tout cas une demande qui a été formulée de manière récurrente par les membres associatifs du groupe de travail et, au-delà, par les associations rencontrées lors des déplacements en régions.
Les harkis ne constituent pas, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation en 2009, un groupe ethnique ou national. De ce fait, ils ne se trouvent pas non plus dans le champ d’application des dispositions des articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 qui assurent spécifiquement la protection des personnes contre les injures à caractère raciste, et il ne s’agit pas de les y faire figurer. En revanche, il s’agit de faire en sorte que les harkis puissent bénéficier, parce que le législateur a choisi en 2005 d’apporter une protection spécifique à leurs intérêts moraux, des mêmes garanties que celles dont disposent les particuliers qui seraient victimes de
diffamation ou d’injure.
Les harkis peuvent certes théoriquement, en tant que personnes physiques, invoquer le bénéfice des dispositions du premier alinéa de l’article 32 et du deuxième alinéa de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 – qui prévoient des amendes de 12 000 euros en cas de diffamation ou d’injures faites aux particuliers. Mais ces dernières ne renvoient qu’à la définition générique de ces délits, qui figure à l’article 29 de la même loi, et elles ne font nullement mention des injures spécifiquement faites aux personnes à raison de leur qualité de harki. Il est d’ailleurs notable que l’absence de mention explicite des sanctions applicables à l’article 5 de la loi du 23 février 2005 a fait obstacle, malgré l’existence du dispositif pénal de droit commun des articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881, au prononcé de sanctions pénales par le juge (voir l’arrêt de la Cour de cassation du 31 mars 2009 précité), et ce en dépit de l’intervention de la loi du 7 mars 2012.
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