Différenciation décentralisation déconcentration et simplification de l'action publique locale — Texte n° 4721

Amendement N° 2113 (Irrecevable)

Publié le 2 décembre 2021 par : Mme Bassire, Mme Kéclard-Mondésir, M. Kamardine, Mme Kuster, Mme Audibert.

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Texte de loi N° 4721

Après l'article 75

L’article L. 181‑10 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 5° Des parlementaires élus dans le département concerné, invités en qualité d’observateurs avec voix consultative. »

Exposé sommaire :

Les élus ultramarins et l’État mènent de longue date un combat en faveur de l’agriculture locale, notamment en termes de protection des terres agricoles et d’objectif d’autosuffisance alimentaire.

Dans les 5 départements d’Outre-Mer, la CDPENAF rend un avis « conforme » en vertu de l’article L.181-12 du Code rural et de la pêche maritime.

Ces dispositions ont été introduites par l’ordonnance n°2016-391 du 31 mars 2016 recodifiant les dispositions relatives à l'outre-mer du code rural et de la pêche maritime, prise sur le fondement de la loi n°2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, et en particulier son article 88 autorisant le gouvernement à légiférer par ordonnance en vue notamment « d'adapter, le cas échéant, ces dispositions à l'évolution des caractéristiques et contraintes particulières aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ».

Cette loi de 2014 a notamment pour finalités « d'assurer à la population l'accès à une alimentation sûre, saine, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante, produite dans des conditions économiquement et socialement acceptables par tous, favorisant l'emploi, la protection de l'environnement et des paysages et contribuant à l'atténuation et à l'adaptation aux effets du changement climatique », mais également « de protéger et de valoriser les terres agricoles ».

S’agissant plus spécifiquement de la politique en faveur de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt dans les Outre-Mer, ce texte dispose en outre des finalités suivantes :

- assurer, à l'échelle des territoires, la définition et la cohérence des politiques de développement agricole, en concertation avec les chambres consulaires, les organismes professionnels, les collectivités territoriales et l’État ;

- consolider les agricultures traditionnelles d'exportation, renforcer le développement des filières de diversification et soutenir l'agriculture vivrière ;

- soutenir le développement économique agricole, agro-industriel, halio-industriel et de l'aquaculture ;

- aider l'installation des jeunes agriculteurs en favorisant leur accès au foncier et aux financements bonifiés et en facilitant les transmissions d'exploitation ;

- favoriser la satisfaction de la demande alimentaire territoriale par les productions locales et assurer la coordination des actions de communication et de promotion relatives aux productions locales ;

- encourager la mise à disposition de solutions ou méthodes de lutte contre les ennemis des cultures adaptées aux contextes phytosanitaires ultramarins ;

- promouvoir et moderniser les productions agricoles traditionnelles grâce à la recherche et à l'innovation ;

- contribuer à la protection et à la mise en valeur des bois et forêts, ainsi qu'à la valorisation des produits forestiers ligneux et non ligneux dans des conditions de gestion durable.

Cette ordonnance de 2016, prise après saisine des conseils régionaux, départementaux, territoriaux et des assemblées des départements et territoires d’outre-mer, et la loi y afférente, ont été promulguées sous la précédente législature.

Lors des votes relatifs au projet de loi susmentionné au sein de chacune des deux assemblées du Parlement français, 6 députés réunionnais sur 7 (une seule abstention) et 2 sénateurs réunionnais avaient voté pour. L’expérience et la sagesse de ces élus réunionnais, pour beaucoup déjà maires (ou adjointes au maire, voire vice-président du département délégué à l’agriculture) en 2014, ne souffre aucune critique, en particulier s’agissant de l’ancien sénateur et président de Région dont les combats pour la défense de l’environnement et en faveur du développement durable, y compris dans le domaine de l’agriculture, sont connus de tous.

C’est donc dans ce contexte juridique et politique, avec le consentement expresse de ces illustres élus réunionnais solidaires du gouvernement de l’époque, qu’a eu lieu la genèse de la CDPENAF dans nos départements d’Outre-Mer.

En outre, la jurisprudence est venue préciser ces dispositions, dans un sens limitatif, notamment par des arrêts de 2018, 2019 et 2020 du Tribunal Administratif de La Réunion - suite à des déférés préfectoraux - qui sont venus retoquer l’interprétation extensive des services de l’État (Préfecture et DAAF), comme par exemple :

- Jugement du Tribunal Administratif de la Réunion du 26 avril 2018 n°1701017 et n°1701018 : l’avis conforme de la CDPENAF n’a pas à être recueilli lorsqu’on sollicite un permis de construire en zone agricole pour rénover une maison à usage d’habitation existante ;

- Jugement du Tribunal Administratif de la Réunion du 7 août 2019 n°1800703 : l’avis conforme de la CDPENAF n’a pas à être recueilli lorsqu’on sollicite un permis de construire en zone agricole pour réaliser un hangar agricole.

Ainsi, la portée de ces dispositions et du rôle de la CDPENAF a été recadrée et sensiblement limitée par le juge administratif : tout projet de construction en zone agricole ne constitue pas une opération d’aménagement et d’urbanisme, notion bien particulière en droit de l’urbanisme, et il n’y a pas réduction de surface agricole lorsque les surfaces gardent leur vocation agricole et que s’y exerce une activité agricole.

Par conséquent, il en ressort que l’avis favorable de la CDPENAF ne doit pas être systématiquement recueilli pour toute demande de permis de construire en zone agricole, et n’est en définitive pas forcément un « passage obligé ».

Par ailleurs, le projet de loi « Différenciation, Décentralisation, Déconcentration et Simplification » est un texte important notamment pour nos territoires ultramarins : voilà des décennies que les élus ultramarins, notamment réunionnais, réclament une différenciation territoriale plus adaptée aux spécificités de notre territoire.

Dans ce cadre, une position locale schizophrène, réclamant à la fois la différenciation et le droit commun, ne saurait sérieusement emporter la conviction du gouvernement actuel.

Si la République est indéniablement une et indivisible, et les maires d’Outre-Mer incontestablement égaux à ceux de France Hexagonale, son organisation est assurément décentralisée selon l’article 1er de la Constitution : l’indivisibilité n’est pas synonyme d’uniformité et ne s’oppose aucunement à la diversité territoriale des régimes juridiques.

C’est tout l’enjeu du droit à l’adaptation tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de nos territoires ultramarins.

A ce propos, il n’échappe à personne qu’une île, par définition limitée en foncier, doit faire face à un enjeu majeur et un combat difficile : celui de la préservation des surfaces agricoles dans un contexte de pression démographique, d’étalement urbain, et de spéculations immobilières que ne connaît pas la France Hexagonale. Selon l’adage proverbial, « on ne peut comparer que ce qui est comparable ».

A titre d’exemple, selon des chiffres du Ministère de l’Agriculture, la surface agricole utile (SAU) de la Réunion occupe environ 20% de ce territoire contre plus de la moitié de la superficie totale en France Hexagonale.

Nous sommes ainsi en-deçà de l'objectif des 50 000 hectares de SAU fixé par le schéma d'aménagement régional (SAR) et le plan réunionnais de développement durable de l'agriculture et de l'agroalimentaire (PRAAD)

Est-il vraiment besoin de rappeler l’Histoire, à savoir que l’hémorragie de foncier agricole qu'ont connu les Outre-Mer, notamment La Réunion dans les années 1980 et 1990, n'a pu être stoppée que difficilement ?

Si l’érosion de notre SAU s’est stabilisée dans les années 2000 et 2010, c’est probablement sous l’effet d’une prise de conscience collective de l'enjeu et de politiques volontaristes des collectivités et de l'État. Il faut ainsi saluer l’impact positif qu’ont eu les SAR de 1995 et 2011.

Le rôle de la CDPENAF dans les DOM participe de ce système de « freins et contrepoids » voulu par l’État afin d’éviter les dérives (même si tous les risques ne peuvent être supprimés).

Sa collégialité, garante d’un débat démocratique entre les divers intérêts en présence, dilue la subjectivité des décisions et par conséquent réduit les risques de conflits d’intérêt.

Il est tout aussi important de protéger nos élus locaux contre les pressions de toutes sortes : leur transférer une telle responsabilité, en plus de leurs lourdes tâches, pourrait avoir pour conséquence en l’espèce un accroissement des affaires pénales liées au foncier.

Dans les précédentes décennies, notamment les années 1990 et 2000, il n’est pas inutile de rappeler que l’apprentissage de la démocratie locale à La Réunion a été douloureux au prix de nombreuses condamnations pénales liées notamment aux marchés publics.

De surcroît, dans un rapport d'information n°616 (2016-2017) de Messieurs Thani MOHAMED SOILIHI, Daniel GREMILLET et Antoine KARAM, fait au nom de la Délégation sénatoriale aux outre-mer, déposé le 6 juillet 2017 au Sénat, il est souligné que « l'instrument essentiel de préservation des terres agricoles demeure les commissions départementales de consommation des espaces agricoles (CDCEA) dont le champ de compétences a été élargi aux espaces naturels et à la forêt par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. La CDCEA est devenue la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) ».

Enfin, selon les deux scénarios extrêmes envisagés à titre d'hypothèses par le SAR en vigueur à La Réunion, à l’horizon 2030, « 6 à 34 % des terres agricoles pourraient être perdues. »

Dans ces conditions, il semble pertinent pour renforcer ce dispositif essentiel que des parlementaires ultramarins puissent être invités et sièger en qualité d’observateurs avec voix consultative au sein des CDPENAF dans les départements d’Outre-Mer : c’est l’objet du présent amendement.

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