Publié le 5 mars 2018 par : M. Fabien Roussel.
Compléter cet article par les mots :
« , si l’exercice de l’activité est constitutif d’un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française ou si cet exercice n’est inspiré par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales qui seraient normalement dues en France. L’exercice d’une activité dans un État ou territoire mentionné à l’alinéa précédent doit être réalisé par une entreprise dont la forme juridique permet son assujettissement effectif aux obligations déclaratives incombant aux établissements français au titre de l’article 1649 AC du code général des impôts. »
L’article 2 de la proposition de loi enrichit l’arsenal des sanctions françaises applicable aux États et territoires non coopératifs pour y inclure l’interdiction faite aux établissements de crédit français d’y exercer leurs activités.
À visée préventive, ce dispositif contribuera à lutter efficacement contre le rôle souvent stratégique occupée par les établissements bancaires dans l’évitement fiscal international. Jouant sur les asymétries des législations nationales et l’opacité entretenue par de nombreuses juridictions fiscales et bancaires – dont certaines très proches de la France –, des banques font transiter chaque année des milliers de milliards d’euros par les paradis fiscaux.
Un récent rapport de l’ONG Oxfam démontre à cet égard que les vingt plus grandes banques européennes déclarent le quart de leurs bénéfices dans des paradis fiscaux, le manque à gagner s’élevant à 5,5 milliards d’euros pour les seules banques françaises considérées par l’étude. En outre, la profitabilité des banques dans les paradis fiscaux est plus de deux fois plus élevée que celle constatée au niveau mondial (elle atteint parfois 167 %) et représente près de quatre fois la profitabilité dans les États d’origine de ces banques.
Ces données illustrent bien l’urgence d’agir en dotant notre législation d’un dispositif permettant d’agir efficacement contre les établissements bancaires pratiquant l’évitement fiscal. Au regard de la rédaction initiale de l’article, il y a toutefois lieu d’apporter un ajustement afin de pas affecter la conduite d’activités bancaires légitimes sur certains États et territoires non coopératifs en matière fiscale (comme le financement de projets de développement ou la fourniture aux populations locales de services bancaires légitimes).
En conséquence, afin de cibler le plus précisément possible les comportements dommageables, le présent amendement subordonne l’interdiction d’exercice dans les paradis fiscaux au fait que cet exercice n’a qu’une finalité : échapper à l’impôt, sans revêtir une quelconque réalité économique. La rédaction proposée s’inspire directement de celles déjà en vigueur et s’imposant en droit français, qu’il s’agisse de celle prévue en matière d’abus de droit à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ou de celle résultant de l’arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes Cadbury-Schweppes rendu en 2006 et reprise en droit français à l’article 209 B du code général des impôts.
Par ailleurs, pour renforcer l’efficacité des échanges de renseignements fiscaux et bancaires et rendre effectives et concrètes les obligations déclaratives, cet amendement impose également aux banques françaises s’établissant dans des paradis fiscaux reconnus de constituer leurs implantations locales sous une forme juridique les soumettant aux lois françaises en matière de déclaration des comptes et informations bancaires. Sans cela, la création d’entités dans des paradis fiscaux opaques peut conduire à priver d’effet les obligations déclaratives.
Loin d’être cosmétiques, ces obligations permettent d’identifier les bénéficiaires réels de comptes autrement difficiles à retracer, mais aussi de connaître l’état réel des positions des établissements bancaires et de leur exposition aux risques systémiques.
Le nouvel alinéa proposé fera notamment obstacle à l’interposition de législations locales, notamment celles d’entités fédérées, qui peuvent primer la législation nationale et tenir ainsi en échec l’application des règles en matière d’échanges de renseignement.
Ajoutons que le dispositif de l’article 2, au-delà de la seule question fiscale, participe à la lutte indispensable contre le blanchiment d’argent issu d’activités criminelles, blanchiment qui repose en très grande partie sur les facilités offertes par les paradis fiscaux et la présence d’établissements bancaires peu regardants sur l’origine des fonds qui y circulent.
Le principe d’une interdiction des activités bancaires dans les paradis fiscaux, lorsque ces activités n’ont qu’une finalité fiscale, peut naturellement faire débat. Il a cependant trouvé un écho favorable auprès de plusieurs groupes lors des débats en commission le 21 février dernier dans la mesure où le dispositif proposé par le présent amendement a alors été adopté. A plusieurs reprises a été soulevée la nécessité de faire preuve de fermeté à l’égard des acteurs du secteur financier, citant en exemple la pression exercée par les États – Unis à l’égard des banques suisses. Cet amendement s’inscrit résolument dans cette démarche.
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