Publié le 17 avril 2018 par : M. Besson-Moreau.
L'alinéa 2 est ainsi modifié :
1° Au début, insérer les mots :
« Dans le respect du dispositif des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques, » ;
2° Après la dernière occurrence du mot :
« produits, »,
insérer les mots :
« en modifiant le premier alinéa de l'article L. 254‑7 du code rural et de la pêche maritime, ».
Le présent amendement vise à rédiger une habilitation législative qui soit en cohérence avec l'article 15 I 2°) du présent projet de loi.
Cet article annonce l'objectif de pérenniser le dispositif créé dans le cadre du Plan Ecophyto II des Certificats d'Economie de Produits Phytopharmaceutiques (CEPP). Comme le constate l'étude d'impact de la loi le dispositif de séparation du conseil et de la vente pourrait remettre en cause le dispositif des CEPP qui est encore expérimental. En effet, les distributeurs, qui sont qualifiés « d'obligés », sont tenus via les conseils qu'ils portent de diffuser et de faire adopter par les agriculteurs, au travers de leurs conseils, des solutions alternatives ou complémentaires à la protection chimique de synthèse. Le fait de les priver de cette faculté de conseil rendrait caduc le principe de déployer les CEPP via les sociétés de distribution de produits phytosanitaires. Et ce d'autant que comme le note l'étude d'impact du projet de loi les éligibles ne s'engagent pas dans le dispositif des CEPP, faisant porter tout le poids du respect des obligations imposées par l'administration sur les épaules des obligés et leur capacité à produire des CEPP.
C'est pourquoi, il est essentiel de rappeler la nécessité de rédiger une ordonnance qui tienne compte de la réalité juridique des CEPP qui font peser aujourd'hui sur les obligés des obligations de réalisation d'actions, via leurs conseils d'utilisation de solutions, tendant à la réduction de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques sous peine de sanctions financières.
En mettant les obligés dans l'impossibilité de remplir leurs obligations réglementaires, l'ordonnance sur le conseil, pourrait les mettre dans l'incapacité juridique de les respecter et donc dans l'obligation de payer des pénalités financières très élevées.
Aussi, l'article 15 I premier alinéa précise que « le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois suivant la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi tendant à modifier le code rural et de la pêche maritime et le code de la consommation afin de » décider des conseils qui seront jugés incompatibles avec la vente. L'ordonnance devra établir quels sont les types de conseils jugés incompatibles avec la vente hormis ceux liés à la sécurité des produits délivrés au moment de la vente comme le précise déjà l'article 15 du projet de loi. Mais elle devra le faire au regard du code rural et plus particulièrement au regard de l'article L. 254‑7 -1.
L'organisation des conseils dits réglementaires aujourd'hui repose sur les articles L. 254‑1 et suivants du code rural. Les conseils réglementaires aujourd'hui sont considérés comme des conseils dont le contenu et les modalités de réalisation sont définis par des textes. Ce qui suppose pour les entreprises comme les coopératives qui les portent de respecter les textes en vigueur. L'article L. 254‑7 du code rural en particulier définit le contenu de ces différents conseils. Ce contenu est précisé par différents textes réglementaires en lien avec le référentiel de la certification des entreprises qui réalisent les conseils à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques.
Ces conseils réglementaires sont qualifiés à l'article L. 254‑7 I de « conseils spécifiques à l'utilisation des produits » et sont définis de la façon suivante : « Le conseil spécifique à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques fait l'objet d'une préconisation écrite qui précise la substance active et la spécialité recommandées, la cible, la ou les parcelles concernées, la superficie à traiter, la dose recommandée et les conditions de mise en œuvre. Il comporte l'indication, le cas échéant, des méthodes alternatives. On entend par » méthodes alternatives « , d'une part, les méthodes non chimiques, au sens de l'article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/ CEE et 91/414/ CEE du Conseil, et, d'autre part, l'utilisation des produits de biocontrôle mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 253‑6. »
Les activités de conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques sont des conseils d'accompagnement des agriculteurs, délivrés en dehors de tout acte de vente que ce soit avant ou pendant leur utilisation. Ils supposent une excellente connaissance des cultures, des bioagresseurs, des produits chimiques et non chimiques. Les conseils à l'utilisation des produits reposent sur l'acquisition de références techniques, l'observation, le diagnostic et la préconisation écrite. Ils respectent le référentiel de certification des entreprises soumises à la détention de l'agrément pour la distribution, l'application et le conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Ce référentiel précise en particulier que les options proposées doivent être de nature à minimiser l'impact des produits sur l'environnement, à préserver la santé des consommateurs et des utilisateurs. Ces options doivent être conformes aux cahiers des charges existants et viser des méthodes alternatives quand elles existent.
Ces conseils doivent être délivrés une fois l'an sous forme de conseil individualisé par les entreprises certifiées par des tiers pour le conseil.
Les conseils spécifiques à l'utilisation des produits sont le lien indispensable qui permet en particulier aux 7500 conseillers des coopératives de conseiller au mieux les 3 agriculteurs sur 4 qui sont leurs adhérents en couvrant 60 % de la SAU. Ces conseillers suivent des formations et bénéficient d'un certificat Phyto afin d'être en adéquation avec les exigences environnementales et sanitaires posées par les textes et nées des évolutions sociétales.
En outre, ces conseils à l'utilisation des produits permettent aux obligés que sont les coopératives de remplir leurs obligations réglementaires CEPP, tout en leur assurant un lien de confiance, d'accompagnement dans l'innovation et de suivi de leurs coopérateurs. Dans une optique de monter en gamme des filières qu'elles adaptent sans cesse aux nouveaux marchés et aux attentes des consommateurs, les coopératives s'appuient sur des cahiers des charges spécifiques et de plus en plus exigeants. Ces cahiers des charges contiennent des exigences environnementales et sanitaires de plus en plus fortes que seuls des conseils produits avisés et adaptés permettent de respecter.
Les coopératives disposent d'un réseau de conseillers qui maille le territoire et développe des services agronomiques. Elles ont développé des services agronomiques et une activité d'expérimentation / adaptation des meilleures techniques en amont du conseil apporté à leurs adhérents. Ces dispositifs ont pour but d'acquérir des références, évaluer, innover, échanger et proposer un conseil performant et de qualité, indépendant des préconisations des firmes, à l'ensemble de leurs adhérents, à l'attention de l'ensemble de leurs coopérateurs et pour tous les types de cultures et d'agriculture.
Rappelons que les coopératives n'ont pas pour mission de vendre des produits phytopharmaceutiques (et autres intrants) à leurs adhérents mais bien de les acheter pour leur compte, dans le respect de l'intérêt des consommateurs (conformité aux cahiers des charges filières et à l'excellence sur le plan sanitaire) et des agriculteurs. Il n'y a donc pas « conflit d'intérêt » entre les deux mais complémentarité nécessaire et utile dans un contexte de bien commun alimentaire.
En conclusion, les modifications à envisager de l'article L. 254‑7 I du code rural, doivent avoir comme objet de permettre aux obligés que sont les coopératives de remplir leurs obligations réglementaires liées aux CEPP, de permettre aux coopératives d'assurer leurs missions de conseil à l'utilisation des produits qui sont délivrées en dehors de tout acte de vente et de leur permettre de maintenir la dynamique engagée sur le terrain de déploiement de solutions alternatives. La modification de l'article L. 254‑7 du code de rural devrait permettre une montée en gamme des conseils de préconisation qui sont proposés à leurs coopérateurs et de rendre encore plus transparent le métier de conseil, tout en évitant des fractures économiques et sociales touchant les conseillers.
L'étude d'impact du projet de loi évoque ainsi l'évolution du conseil obligatoire à l'utilisation des produits vers un conseil individualisé à destination de tout utilisateur professionnel. Ce qui permettrait de ne pas porter atteinte à la capacité des obligés de remplir leurs obligations de conseil pour obtenir leurs CEPP. Ce nouveau conseil individualisé serait jugé non compatible avec l'acte de vente et serait en situation de séparation capitalistique.
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