Publié le 12 février 2018 par : M. Balanant.
À l'alinéa 11, supprimer les mots :
« , de son parcours migratoire, de sa situation familiale ou de ses demandes antérieures d'asile ».
Cet amendement a pour objectif de revenir sur un ajout du Sénat aux termes duquel le risque non négligeable de fuite d'un demandeur d'asile serait constitué dès lors que ce dernier a dissimilé « des éléments de son parcours migratoire, de sa situation familiale et de ses demandes d'asile antérieures ».
Cet ajout du Sénat ne semble pas en conformité avec le droit européen.
En effet, les articles 2, sous n) et 28 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 (dit « règlement Dublin III » ) « doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent que les critères objectifs sur lesquels sont fondées les raisons de craindre la fuite d'un demandeur soient fixés dans une disposition contraignante de portée générale » (Cour de justice de l'Union européenne, arrêt du 15 mars 2017, n° C-528/15, Al Chodor, point 45). La Cour précise également que « la rétention des demandeurs, constituant une ingérence grave dans le droit à la liberté de ces derniers, est soumise au respect de garanties strictes, à savoir la présence d'une base légale, la clarté, la prévisibilité, l'accessibilité et la protection contre l'arbitraire » (Al Chodor précité, point 40).
En ce sens, la Cour de justice de l'Union européenne rejoint la Cour européenne des droits de l'Homme qui avait déjà énoncé que, pour respecter l'article 5, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, « une loi nationale autorisant une privation de liberté doit être suffisamment accessible, précise et prévisible dans son application afin d'éviter tout danger d'arbitraire » (Cour européenne des droits de l'Homme, 21 octobre 2013, Del Rio Prada contre Espagne, requête n°42750/09, point 125).
Or, l'expression ajoutée par le Sénat, ne permet pas de déterminer précisément les informations qui doivent être révélées par un étranger sous procédure Dublin. Il est ainsi à craindre qu'une simple omission de la part d'un étranger soit considérée comme une dissimulation d'informations constitutive d'un risque non négligeable de fuite de l'étranger, lequel serait susceptible de justifier son placement en rétention. En effet, lorsqu'elle concerne le parcours migratoire et la situation familiale, l'appréciation de la dissimulation pourrait faire l'objet d'une interprétation subjective et, ainsi, être appliquée de manière inégale.
De surcroît, l'ajout du Sénat ne prend pas en considération la situation de détresse psychologique à laquelle les étrangers sont susceptibles de faire face. Un étranger placé sous procédure Dublin peut être en proie d'un sentiment de peur par ignorance des étapes de cette procédure et craindre d'être transféré vers son pays d'origine. Cet élément ainsi que la difficulté de se confier sur un parcours migratoire ou familial éprouvant voire dramatique peuvent amener un étranger à passer sous silence, consciemment ou inconsciemment, certaines informations à l'administration, sans pour autant menacer de s'enfuir.
Il s'ensuit que la formulation introduite par le Sénat ne semble pas répondre aux exigences de clarté, de prévisibilité et de protection contre l'arbitraire formulées par la Cour de justice de l'Union européenne.
Enfin, il convient de rappeler que les situations dans lesquelles un étranger a procédé à la dissimulation d'éléments de son identité, déjà présente dans la proposition de loi votée par l'Assemblée nationale en première lecture, peut couvrir les situations dans lesquelles un étranger cherche sciemment à se soustraire à la procédure prévue par le règlement Dublin.
L'expression ajoutée par le Sénat semble, dès lors, dénuée de pertinence et superfétatoire.
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