Publié le 2 avril 2018 par : M. Trompille.
Après l'alinéa 3, insérer les trois alinéas suivants :
« 3° L'article L. 713‑5 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« « Lorsque le statut de réfugié est refusé ou retiré en raison d'une condamnation intervenue dans un État membre de l'Union européenne, la décision étrangère traduite par un expert assermenté est versée au dossier du demandeur.
« « Lorsque l'Office a connaissance d'une décision de condamnation intervenue dans un État membre de l'Union européenne, il en informe, sans délai, le demandeur et le cas échéant son conseil afin de recueillir ses observations. Les observations ainsi recueillies sont consignées dans le dossier du demandeur. » »
La pratique du refus ou du retrait de statut de réfugié en raison d'une condamnation intervenue dans un Etat membre de l'Union européenne existe déjà de manière informelle, il s'agit donc de l'encadrer afin de préserver les droits du demandeur d'asile.
En pratique, et faute d'un encadrement légal, il est trop souvent courant de voir opposer à un demandeur d'asile une décision de condamnation intervenue dans un pays européen sans l'avoir avisé ne serait-ce que de son existence.
Le demandeur d'asile peut donc se voir, lors de son entretien, interroger sur une décision dont le contenu lui est inconnu voire même rejeter sur la base d'une décision dont il apprendra l'existence le jour de la notification de la décision rendue par l'Office.
Aussi, afin de respecter les droits de la défense parmi lesquels figurent le principe du contradictoire, il apparait nécessaire que le demandeur et/ou son conseil soit avisé de l'existence de cette décision de condamnation et invité à formuler des observations concernant cette décision de condamnation.
En effet, certains demandeurs ignorent avoir fait l'objet d'une procédure pénale ayant conduit à une condamnation.
La condamnation en l'absence du demandeur ainsi intervenue le prive du droit de faire valoir son innocence.
Il serait donc inique de lui opposer une instance intervenue en violation de ses droits et ce d'autant plus qu'il existe une grande disparité dans les systèmes judiciaires européens.
La réception, dans notre ordre judiciaire, d'une décision étrangère, fusse-t-elle européenne, ne peut donc se faire de manière automatique. Le demandeur et/ ou son conseil doivent être en mesure de faire valoir tous éléments utiles sur les conditions dans lesquelles cette décision est intervenue.
Les observations ainsi formulées doivent être consignées dans le dossier du demandeur d'asile et ce afin de garantir un recours effectif.
Cette information serait vide de sens si on ne pose pas comme obligation pour l'Office et la Cour Nationale du droit d'asile de transmettre à l'intéressé et à son conseil la décision européenne traduite par un interprète assermenté.
Cette traduction doit incomber aux autorités en charge de l'examen des demandes d'asile.
Il convient, sur ce point, de se référer aux règles communautaires en matière de reconnaissance mutuelle des décisions finales en matière pénale.
En effet, refuser ou rejeter le bénéfice du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire en raison d'une condamnation intervenue dans un autre pays européen revient donc à lui faire produire des effets juridiques dans notre ordre.
La Commission européenne, dans sa communication (Comm (2000) 495) à destination du Conseil et du Parlement européen, a, s'agissant de la procédure de validation, rappelé : « Bien que, théoriquement, la validation d'une décision prise dans un autre Etat membre ne devrait pas être nécessaire, l'application directe et automatique du principe de reconnaissance mutuelle semble en pratique impossible dans la plupart des cas.
Un Etat membre souhaitant appliquer une décision prise dans un autre Etat membre devra au moins traduire cette décision et vérifier qu'elle émane d'une autorité compétente en la matière ».
Voir également dans ce sens un arrêt de la Cour de cassation du 22 septembre 2016 n°15-21.176 rappelant, en se fondant sur l'ordonnance de VILLERS COTTERETS, l'obligation de traduire des documents étrangers produits devant les juridictions françaises. S'agissant d'un document judiciaire, la traduction ne peut être qu'assermentée ainsi que notre droit interne le prescrit.
En outre, la dimension pénale de ce point autorise un parallèle avec l'article 803-5 du Code pénal relatif au droit d'une personne poursuivie ou suspectée à un interprète ou à une traduction (lequel article n'est que le résultat de la transposition de la directive 2010/64/UE).
Cet article érige le droit d'une personne poursuivie ou suspectée de se voir traduire les pièces essentielles de la procédure parmi lesquelles figurent d'office le jugement de condamnation (voir en ce sens le décret d'application du 27 octobre 2013).
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