Publié le 7 juillet 2018 par : M. Colombani.
Au premier alinéa du préambule de la Constitution, après l'année : « 1946 », sont insérés les mots : « et par la Convention européenne des droits de l'homme de 1950 ».
Cet amendement propose d'intégrer dans le bloc de constitutionnalité la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) en créant ainsi un pont direct entre la Constitution et l'ordre public européen. A l'instar du droit de l'Union, le droit conventionnel européen des droits de l'homme est particulièrement intégré dans l'ordre interne. Le Conseil d'État, sur le modèle de la jurisprudence Arcelor, a ainsi mis en place une équivalence des protections communautaires et conventionnelles issues de la CEDH (CE, 10 mars 2008, Conseil national des barreaux, n° 296845).
Pourtant le Conseil constitutionnel n'effectue pas de contrôle de conventionnalité (CC., 15 janvier 1975,loi relative à l'interruption volontaire de grossesse, n° 74‑54 DC) : il ne censure pas la loi au regard de la Convention européenne des droits de l'homme. La difficulté vient de ce que cet ordre conventionnel est doté d'une juridiction, la Cour de Strasbourg : si le Conseil constitutionnel appliquait la CEDH, le Conseil s'exposait à voir son interprétation de ce texte, et donc indirectement ses décisions, invalidées par la Cour de Strasbourg qui est le dernier interprète autorisé de ce texte. Cela aurait pu selon certaines vues remettre en cause sa suprématie et une certaine conception de la souveraineté française. Le même problème se pose pour le droit de l'Union.
Néanmoins les mentalités ont évolué et on pourrait admettre qu'il n'y a aucune gravité, même symbolique, à ce que la Cour de Strasbourg contredise une interprétation que le Conseil constitutionnel aurait faite du droit de la Convention : la même chose arrive désormais régulièrement au Conseil d'État et à la Cour de cassation sans que cela remette en cause leur autorité. En outre les arrêts de la Cour de Strasbourg n'ont pas pour effet d'abroger directement une norme législative de droit interne, seul le Conseil constitutionnel a ce pouvoir. Le Conseil constitutionnel, en cas de jurisprudence européenne remettant en cause son interprétation de la Convention, n'aurait qu'à adapter sa jurisprudence. En tout état de cause les contrôles de constitutionnalité et de conventionnalité européenne gagneraient à être décloisonnés.
A titre d'exemple, la Cour constitutionnelle italienne, laConsulta, a déjà franchi le pas depuis 2007 en reconnaissant que la Convention européenne des droits de l'homme constitue un critère d'interprétation de la conformité constitutionnelle des normes de droit interne (Corte costituzionale, 22 ottobre 2007, sentence n. 348 ; n. 349) La Cour constitutionnelle italienne applique donc directement la Convention européenne des droits de l'homme afin de contrôler les lois italiennes.
En outre cela permettrait de faire du Conseil constitutionnel, saisi par la voie de la QPC, un goulet d'étranglement pour le contentieux numériquement très important porté devant la Cour de Strasbourg : le contentieux conventionnel des droits de l'homme serait en quelque sorte dévolu implicitement par la Cour de Strasbourg à une cour constitutionnelle nationale, la Cour de Strasbourg ne tranchant en dernier recours que les litiges portant sur des questions nouvelles et se limitant à veiller à ce que la cour constitutionnelle nationale applique correctement sa jurisprudence. Ce mécanisme de désengorgement irait dans le sens de la procédure des arrêts-pilotes visant à limiter l'inflation des contentieux devant la CEDH.
Enfin cela permettrait de « superposer » davantage les pyramides des ordres constitutionnel, communautaire et conventionnel des droits de l'homme et de prendre acte de l'éventuelle adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme - prévue à l'article 6§2 du Traité de Lisbonne - renforçant ainsi le dialogue entre le Conseil constitutionnel, la Cour de Luxembourg et la Cour de Strasbourg. Le préambule sera ainsi d'ores et déjà préparé afin de prendre acte de l'unification progressive des blocs de protection des droits fondamentaux en Europe.
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