Publié le 25 juin 2018 par : M. Colombani.
Le premier alinéa de l'article 1er de la Constitution est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« La France est une République-membre de l'Union européenne.
« La République est composée de la société civile, de l'État et des collectivités territoriales qui s'administrent librement dans le respect des lois de l'État. Son organisation est dévolutive, conformément au principe de subsidiarité.
« La République est laïque, démocratique, sociale et écologique. Elle assure l'égalité devant la loi et récompense les mérites de tous les citoyens de l'Union, sans distinction d'origine ethnique ou de religion, en veillant à réduire les obstacles d'ordre économique et social qui entravent la participation effective de chaque génération de citoyens à l'organisation politique, économique, sociale et culturelle du pays.
« Elle tolère tous les cultes et respecte les croyances religieuses et opinions philosophiques conformes aux valeurs républicaines. »
Cet amendement réécrit l'article 1er de la Constitution dans une perspective europhile,girondine etécologique
1°) Il affirme tout d'abord lanature d'État-membre de l'Union européennepour la République française : cet inscription permet d'enraciner la République dans l'Union européenne à un niveau bien plus éminent et symboliquement plus prestigieux que celui de l'article 88‑1 ou du titre XV de la Constitution en général : la France ne peut plus se concevoir comme un État-nation isolé comme au XXème siècle. Les relations internationales ont profondément évolué et de grandes puissances à dimension civilisationnelle ont émergé lors de la redéfinition géopolitique qui a suivi la fin de la guerre froide. Le retrait américain et le tournant isolationniste des États-Unis annoncent un monde où la conception atlantiste des relations internationales est devenue obsolète et où les Européens sont contraints de faire bloc pour relever les défis qui s'imposent à eux. La vision gaulliste de la France dans le concert des nations n'est plus ni réaliste ni opérationnelle et la France ne peut plus décemment penser son action en dehors du cadre européen. On le voit sur les questions militaires en Afrique de l'Ouest, sur la question migratoire, sur celle de la dette on encore sur le volet climatique. Il convient donc de traduire clairement dès l'article premier la réalité de ces équilibres avec franchise afin que la Loi fondamentale traduise pragmatiquement en droit la constitution réelle et objective du pays, qui ne peut s'articuler que dans un cadre européen désormais consubstantiel à son identité, d'où la nécessité de l'inscrire à l'article 1er de la loi fondamentale et non de le circonscrire à des articles moins prestigieux du texte ;
2°) Il distingue clairement lestrois éléments qui composent la République : l'État et lescollectivités constituent la gouvernance de la République, à travers des institutions décisoires, tandis que lasociété civile constituent la dimension de la République qui ne prend pas directement les décisions publiques mais qui doit participer à leur élaboration.
Il convient en effet de bien insister sur ladistinction de l'État et ses collectivitésau sein de la gouvernance de la République car, du fait de l'histoire politique centralisatrice du pays, les citoyens ont tendance à croire que l'État et la République seraient une seule et même chose, lorsqu'il ne pensent pas carrément que l'Étatou la République se résumeraient au pouvoir exécutif, voyant ainsi leParlement et lamagistrature comme des satellites de l'État, implicitement au service de l'exécutif, alors qu'ils en sont partie intégrante de l'État au même titre que le Président de la République et le Gouvernement. Ce réductionnisme sémantique est d'ailleurs dangereux car il induit une conception civique pauvre et lacunaire de la séparation des pouvoirs, pouvant générer une forme d'indifférence ou une absence de vigilance des esprits à l'égard des tentatives monarchisantes de concentrer les pouvoirs qui sont consubstantielles à tout pouvoir exécutif. Confondre l'État et la République encourage hélas à penser implicitement que les Collectivités, puisqu'elles ne sont pas l'État, se trouveraient hors de la République voire qu'elles constitueraient une menace pour sa cohésion : les stéréotypes portant sur des Collectivités soit disant mal organisées ou trop dépensières ou incapables de poursuivre un intérêt général local s'inscrivent dans cet inconscient jacobin tenté par la re-centralisation sous couvert d'une défense des intérêts de la République qui n'est en réalité qu'une défense des intérêts de l'État et parfois de sa capitale.
Or la séparation des pouvoirs n'est pas seulement horizontale (législatif - exécutif - juridictionnel), elle est aussi verticale (État - Collectivités territoriales s'administrant librement). Les collectivités régionales de pays comme l'Italie, l'Allemagne et l'Espagne ont un pouvoir législatif qu'elles partagent avec le Parlement national de l'État central pour cette raison : ces pays ont connu des dictatures fascistes qui ont, dès leur arrivée au pouvoir, suspendu les libertés locales, condition essentielle de mise en œuvre leur programme totalitaire. Lorsque la démocratie est revenue, la première chose que les gouvernements démocratiques ont fait à été de conférer un pouvoir normatif aux collectivités afin de constituer autant de sas de résistance en cas de retour d'un pouvoir tutélaire et absolu dans la capitale nationale.
Pour cette raison il est important de clairement relever que l'État n'est qu'une partie de la république et que les collectivités territoriales en constituent une autre partie éminente. Cette distinction n'existait pas en 1958 car la France était à ce moment là une République unitaire, centralisée et où les départements et les communes étaient soumis à la tutelle du préfet, c'est-à-dire de l'État. Cet état des choses ayant évolué il convient de le transcrire fidèlement dans la Constitution puisque ce texte à vocation à être l'expression juridique de la société qu'il organise. Cela permettra de consacrer par ailleurs l'alignement de la France sur le modèle des autres États-membres européens où cette distinction est effective.
La société civile est également mentionnée comme le troisième élément constitutif de la République : les citoyens ne participant directement aux institutions de la gouvernance de la République (État + collectivités) n'ont pas vocation à être des spectateurs passifs de la vie publique, qui ne récupéreraient momentanément leur pouvoir que les jours d'élections. La société civile doit donc être affirmée comme un élément à part entière qui compose la République au même titre que les institutions publiques qui prennent les décisions, notamment afin que l'élaboration de ces dernières se fasse à la lumière des attentes de la société civile.
3°) La rédaction proposée affirme aussi ladimension écologique de la République et permet de prendre la mesure de l'omniprésence de l'écologie politique dans les défis auxquels le pays va être confronté pendant les décennies, voire tout le siècle à venir. Cet ajout prend aussi acte de la dimension fondamentale de cette écologie politique à l'heure où la planète est manifestement entrée dans l'anthropocène.
4°) La rédaction proposée intègre aussi ladimension méritocratique de la République afin de rappeler qu'elle est bel et bien au cœur du pacte républicain, et que le fonctionnement effectif de l'ascenseur social est la condition fondamentale de la paix dans la société et de la concorde entre les citoyens, en plus d'être conforme au principe de Justice sociale dans les valeurs républicaines. Cette méritocratie s'adresse à tous les citoyens de l'Union européenne, sans distinction de nationalité, notamment afin qu'ils puissent prétendre à tout type de fonctions accessibles sur concours, y compris les fonctions dites de souveraineté. La construction européenne doit dépasser les logiques de défiance entre États-nations européens qui appartiennent au XXème siècle et dont l'Europe a pâti plusieurs fois au cours de son Histoire.
5°) L'amendement proposé rappelle en outre que la liberté religieuse et de culte s'apprécie à la lumière desvaleurs républicaines.
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