Projet de loi de finances rectificative pour 2020 — Texte n° 3074

Amendement N° 1790 (Rejeté)

Publié le 29 juin 2020 par : Mme Valérie Petit, Mme Jacqueline Dubois, M. Daniel, Mme Frédérique Dumas, M. François-Michel Lambert, les membres du groupe Agir ensemble.

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I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le I de l’article 197 est ainsi modifié :

a) Le 1 est ainsi rédigé :

« 1. a. L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu le taux de :
« – 32 % pour la fraction inférieure ou égale à 73 369 € ;
« – 41 % pour la fraction supérieure à 73 369 € et inférieure ou égale à 157 806 € ;
« – 45 % pour la fraction supérieure à 157 806 €.
« b. Il s’en déduit un crédit d’impôt pour chaque part correspondant à une personne de plus de 18 ans ou à ses enfants à charge, résidant en France de manière stable et effective, ou une réduction d’impôt non remboursable pour les autres parts, calculés comme suit :
« – 6 000 € par part, sous réserve que le foyer fiscal ait explicitement renoncé à l’application du Prélèvement forfaitaire unique sur l’ensemble de ses revenus de cette année ;
« – dont on soustrait les montants des prestations sociales et familiales, définies au c ci-dessous, perçues par les personnes appartenant au foyer fiscal, éventuellement au prorata du nombre de parts concernées lorsque ces prestations sont partagées entre des personnes appartenant à des foyers fiscaux disjoints ;
« – Le résultat ne pouvant être négatif, il est limité à zéro lorsque la somme des prestations dépasse 6 000 € par part.
« c. Les prestations sociales et familiales mentionnées au b précédent sont les suivantes :
« – le revenu de solidarité active, défini à l’article L. 262‑1 du code de l’action sociale et des familles ;
« – la prime d’activité, définie à l’article L. 841‑1 du code de la sécurité sociale ;
« – l’allocation de solidarité spécifique, définie à l’article L. 5423‑1 du code du travail ;
« – le revenu de solidarité, défini à l’article L. 522‑14 du code de l’action sociale et des familles ;
« – l’allocation de solidarité aux personnes âgées, définie à l’article L. 815‑1 du code de la sécurité sociale ;
« – l’allocation équivalent retraite, instituée par le décret n° 2010‑458 du 6 mai 2010 ;
« – l’allocation veuvage, définie à l’article L. 356‑1 du code de la sécurité sociale ;
« – l’allocation aux adultes handicapés, définie à l’article L. 821‑1 du code de la sécurité sociale ;
« – l’allocation supplémentaire d’invalidité, définie à l’article L. 815‑24 du code de la sécurité sociale ;
« – l’allocation temporaire d’attente, définie à l’article L. 5423‑8 du code du travail ;
« – l’allocation pour demandeur d’asile, définie à l’article L. 744‑9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
« – les allocations familiales, définies à l’article L. 521‑1 du code de la sécurité sociale ;
« – le complément familial, défini à l’article L. 522‑1 du code de la sécurité sociale ;
« – l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant, définie à l’article L. 531‑1 du code de la sécurité sociale ;
« – la bourse nationale de collège, définie à l’article R. 531‑1 du code de l’éducation ;
« – la bourse nationale d’études du second degré de lycée, définie à l’article R. 531‑19 du code de l’éducation ;
« – les bourses d’enseignement supérieur sur critères sociaux, définies à l’article D. 821‑1 du code de l’éducation. » ;

b) Le 4 est abrogé ;

2° L’article 199quater F est abrogé ;

3° L’article 204 E est ainsi rédigé :

« Art. 204 E. – 1. Le prélèvement prévu à l’article 204 A est calculé en appliquant au montant des revenus, déterminés dans les conditions prévues aux articles 204 F et 204 G, le taux défini à l’article 204 H.
« 2. Il s’en déduit un crédit d’impôt pour chaque part correspondant à une personne satisfaisant aux conditions définies au b du 1 du I de l’article 197 ou à ses enfants à charge, résidant en France de manière stable et effective, ou une réduction d’impôt non remboursable pour les autres parts, calculés comme suit :
« – 500 € par part actualisée mensuellement selon les conditions prévues à l’article 204 I, à la condition que le foyer fiscal renonce par avance à appliquer le prélèvement forfaitaire unique sur une partie ou l’ensemble de ses revenus de l’année ;
« – dont on soustrait les montants des prestations sociales et familiales, définies au c du 1 du I de l’article 197 du code général des impôts, perçues le mois précédent par les personnes appartenant au foyer fiscal, éventuellement au prorata du nombre de parts concernées lorsque ces prestations sont partagées entre des personnes appartenant à des foyers fiscaux disjoints ;
« – Le résultat ne pouvant être négatif, il est limité à zéro lorsque la somme des prestations dépasse 500 € par part. » ;

4° L’article 204 H est ainsi rédigé :

« Art. 204 H. – Le taux unique de prélèvement mensuel est fixé à 32 %. » ;

5° L’article 204 I est ainsi rédigé :

« Art. 204 I. – 1. Le nombre de parts mentionné à l’article 204 E est modifié mensuellement en cas de :
« 1° Mariage ou conclusion d’un pacte civil de solidarité ;
« 2° Décès de l’un des conjoints ou de l’un des partenaires liés par un pacte civil de solidarité soumis à imposition commune ;
« 3° Divorce, rupture d’un pacte civil de solidarité ou événements mentionnés au 4 de l’article 6 ;
« 4° Augmentation des charges de famille résultant d’une naissance, d’une adoption ou du recueil d’un enfant mineur dans les conditions prévues à l’article 196.
« 2. Ces changements de situation sont déclarés à l’administration fiscale par les contribuables concernés dans un délai de soixante jours. » ;

6° L’article 204 J est ainsi rédigé :

« Art. 204 J. – Le contribuable peut choisir librement de moduler l’assiette de l’acompte mentionnée à l’article 204 G qui lui est applicable. Le contribuable qui souhaite que son prélèvement soit modulé déclare, sous sa responsabilité, sa situation et l’estimation de l’ensemble de ses revenus au titre de l’année en cours.
« L’assiette de l’acompte modulée par le contribuable s’applique au plus tard le troisième mois qui suit celui de la demande et jusqu’au 31 décembre de l’année.
« La modulation à la baisse de l’assiette de l’acompte n’est possible que si la nouvelle assiette estimée par le contribuable au titre de sa situation et de ses revenus de l’année en cours est inférieure de plus de 10 % à l’assiette prévue en l’absence de cette modulation. »

7° L’article 204 M est abrogé.

II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III. – Le I n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

Exposé sommaire :

Cet amendement d’appel permet de comprendre quelles seraient les étapes de la mise en place du socle citoyen, une version inédite et réaliste du revenu universel débattu depuis plusieurs siècles et qui a pour objectif notamment d’assurer un revenu universel et inconditionnel à chaque citoyen français. Ce dispositif vise l’émancipation de tous et la lutte contre la grande pauvreté dans notre pays.

Cet amendement est un amendement d’appel car il vise à convaincre que mettre en place un revenu universel en France ne serait pas aussi compliqué que l’ambition qu’il porte pourrait le laisser penser. Si nous décidions aujourd’hui de nous fixer comme objectif par exemple de mettre en place le socle citoyen à partir de 2022, nous pourrions pour se faire procéder en 3 étapes.

Dans un premier temps, et parce que nous pensons qu’une telle réforme de la solidarité nationale qui implique à la fois une réforme fiscale d’ampleur, notamment sur l’impôt sur le revenu, et une réforme des aides sociales d’envergure notamment en terme de simplification de celles-ci, le socle citoyen doit être soumis à un débat démocratique. Nous pensons donc que l’étape prérequis c’est l’organisation d’un grand débat citoyen pour débattre des paramètres du mécanisme que nous proposons, ce qui inclut la définition du montant du socle et du ou des taux d’imposition de l’impôt sur le revenu qui permettront de le financer de la façon la plus juste possible pour chaque français.

Dans un deuxième temps, il faudra mener deux chantiers : la réforme de l’impôt sur le revenu, avec un objectif d’impôt universel et d’une discussion sur le taux d’imposition, mais également la mise en place d’un mécanisme d’impôt négatif. En parallèle et de manière complémentaire jusqu’à que l’on arrive au système cible, il faudra procéder à une simplification des aides sociales, certaines étant fusionnées dans le mécanisme de socle citoyen, d’autres seront conservées comme celles sur le handicap, le grand âge, les parents isolés, le logement, etc. Les assurances sociales contributives seraient également inchangées : retraites, chômage, indemnités journalières. Le système de santé est également indépendant de cette réforme.

La dernière étape à horizon deux ou trois ans sera la parfaite substitution du système cible au système intermédiaire.

Le caractère inédit du socle citoyen vient du consensus historique sur sa pertinence actuelle : à la « faveur » de la crise sanitaire COVID-19 mais aussi de la mise en place du prélèvement à la source, nous n’avons jamais été aussi proches, concrètement, de réaliser le socle citoyen.

Fonds de solidarité pour les indépendants, soutien aux ménages et aux jeunes précaires, financement de l’activité partielle : depuis le début de la crise, le Gouvernement a de facto mis en place un soutien quasi universel au revenu, démontrant en creux l’importance de disposer d’un mécanisme permettant d’assurer à chacun le minimum pour échapper à la pauvreté et faciliter son rebond.

Par ailleurs, le socle citoyen préserve la dignité des plus démunis, en leur épargnant toute procédure inquisitrice, en les traitant comme des citoyens dotés des mêmes droits et non comme des cas à part. Il favorise la prise de risque en offrant l’assurance de ne jamais sombrer dans la grande pauvreté et résout le problème majeur du non recours.

Dans le cadre du présent amendement, le dispositif est simple : il vise à remplacer l’actuel système d’impôt progressif sur le revenu en le remplaçant par un impôt combinant un prélèvement dès le premier euro de revenu, au taux unique de 32%, et un crédit d’impôt individuel. L’administration fiscale calcule chaque mois la somme des revenus perçus le mois précédent, la multiplie par 32% et en soustrait 500 euros pour chaque part fiscale. Pour les foyers fiscaux percevant pas ou peu de revenu, ce calcul de l’impôt aboutit à un résultat négatif, le transformant en versement d’un socle citoyen automatiquement ajusté à leur situation économique.

Pour les personnes seules, le point d’équilibre se situe à 1 562 €. Pour celles dont le revenu imposable mensuel est supérieur, le socle citoyen se comprend comme un terme fixe venant en réduction de leur impôt acquitté mensuellement. Pour celles dont le revenu est inférieur à 1 562 €, le socle citoyen prend la forme d’un versement automatique sur leur compte en banque.

Lorsque les personnes composant le foyer fiscal perçoivent des prestations sociales ou familiales, les montants perçus sont automatiquement soustraits du socle citoyen, à concurrence du montant de ce dernier. Ainsi, ceux qui perçoivent des allocations d’un montant supérieur (par exemple une allocation pour adulte handicapé) continuent à bénéficier de cette aide plus élevée.

Ce dispositif constitue la première étape de rationalisation des prestations sociales et familiales, les bénéficiaires de ces aides n’étant plus incités à les solliciter si le montant mensuel en jeu est inférieur aux 500 euros par part du socle citoyen.

Si une aide sociale est versée à un ménage composé de plusieurs foyers fiscaux, par exemple un couple en concubinage identifié comme une seule entité économique pour les prestations sociales et familiales alors que l’administration fiscale considère deux foyers fiscaux, la prise en compte des allocations perçues est répartie entre les foyers fiscaux. Dans le cas d’un couple concubin avec un enfant, sans revenu, percevant le Revenu de solidarité active, l’administration fiscale soustraira 1,5/2,5 fois le montant du RSA perçu par le ménage pour calculer le crédit d’impôt du parent qui intègre l’enfant dans sa déclaration d’impôt, et 1/2,5 fois pour le parent considéré seul au point de vue fiscal.

Par ailleurs, les deux tranches supérieures actuelles de l’impôt sur le revenu, à 41% et 45%, qui ne concernent que moins de 1% des foyers fiscaux, sont conservées pour le calcul annuel de l’impôt, de même que la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.

Les calculs sont réalisés par foyer fiscal, en fonction du nombre de parts, ce qui facilite la transition à partir de la pratique actuelle. Cependant, 99% de la population n’étant pas concernée par les taux marginaux de 41% et supérieurs, le mode de calcul à partir d’un taux unique de 32% assure pour l’immense majorité des couples une équivalence du calcul réalisé conjointement ou séparément.

A l’inverse, la définition du quotient familial au 2 de l’article 197 du Code général des impôts est conservée à ce stade, avec un niveau de complication dont il est difficile de se départir avant d’avoir rationalisé les prestations sociales et familiales calculées diversement selon les revenus, le nombre et l’âge des enfants à charge. La rationalisation des prestations et du calcul de l’impôt en fonction des enfants à charge est une réforme ardue, qu’il sera plus facile de mener après l’instauration du socle citoyen.

De la même façon, l’écart très important des règles de calcul du prélèvement forfaitaire unique par rapport à celles de l’impôt sur le revenu ne peut pas être résolu avec le socle citoyen. L’option choisie à ce stade consiste à laisser chaque foyer fiscal concerné choisir, pour une année entière, entre l’utilisation du PFU ou la perception du socle citoyen.

La distinction entre crédit d’impôt pour la grande majorité de la population et réduction d’impôt pour les autres constitue une généralisation des règles d’attribution du revenu de solidarité active, dans une logique de socle. Si une personne non éligible au socle citoyen obtient une prestation sociale, selon ses règles d’attribution propres, elle la conserve intégralement. Néanmoins, si ses revenus sont faibles, son impôt est nul tant que 32% de son revenu est inférieur au niveau du socle citoyen diminué des prestations reçues.

Ce nouveau calcul de l’impôt sur le revenu avec crédit d’impôt est continûment progressif, visiblement plus juste et lisible que l’actuel. Grâce aux simulations de l’économiste Marc de Basquiat, voici l’évolution de différentes situations entre la situation actuelle et après cette étape de la réforme :RevenusLoyerMontant de l’IR avant Socle CitoyenPrestations sociales perçuesSocle Citoyen perçu (ou IR si négatif)Revenu disponible avant Socle CitoyenRevenu disponible avec Socle Citoyen

Personne seule à la retraite8003000ASPA : 103,2

APL : 180,89166,41084,091250,49

Couple marié au SMIC avec 2 enfants24386000Prime d'activité : 398,82

AF : 131,95

ARS : 66,2139,243034,973174,21

Couple marié de cadres avec 2 enfants80002000948,08AF : 32,99-1111,277084,916921,72

Personne seule au SMIC avec 1 enfant12193000Prime d'activité : 288,14

APL : 162,76

ASF : 115,99

ARS : 32,53158,391818,421976,81

Jeune de 20 ans étudiant06000APL : 312,15500312,15812,15

Le socle citoyen peut être testé sur une infinité de situations grâce au simulateur lemodele.fr.

Selon les modélisations réalisées par l’économiste Marc de Basquiat, une telle proposition pourra être mise en œuvre sans créer de choc ni sur les finances publiques, ni sur le niveau des transferts sociaux. Autrement dit, personne ne deviendra ni beaucoup plus riche ni beaucoup plus pauvre, mais les mécanismes de prélèvement et de redistribution seront simplifiés et automatiquement adaptés à l’évolution de la situation économique de chacun. En une seule formule, combinant chaque mois crédit d’impôt fixe et impôt proportionnel au premier euro, on résoudra une partie significative de l’embrouillamini socio-fiscal français, en créant un filet de sécurité automatique, prévisible et responsabilisant.

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