Confiance dans l'institution judiciaire — Texte n° 4146

Amendement N° 864 (Adopté)

Publié le 19 mai 2021 par : le Gouvernement.

Texte de loi N° 4146

Article 35 (consulter les débats)

Rédiger ainsi cet article :

« I. – L’article 27 et le IX de l’article 109 de la loi n° 2019‑222 du 23 mars 2019 de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice sont abrogés.
« II. – Aux articles L. 531‑1, L. 541‑1, L. 551‑1 et L. 561‑1 du code de l’organisation judiciaire, les références : « L. 211-17, L. 211-18, » sont supprimées. »

Exposé sommaire :

Le présent amendement abroge l’article 27 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice qui prévoit le traitement dématérialisé des requêtes en injonction de payer par un tribunal judiciaire à compétence nationale spécialement désigné par décret.

L’entrée en vigueur de cette disposition, initialement fixée au 1er janvier 2021, a été reportée au 1er septembre 2021 par l’article 25 de la loi du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.

La mise en œuvre de cette réforme, qui poursuivait l’objectif de garantir un traitement plus rapide et plus efficace des requêtes en injonction de payer et d’alléger la charge de travail des magistrats et greffiers, n’est cependant plus souhaitable.

D’abord, la crise sanitaire et désormais économique traversée par notre pays va placer dans les prochains mois de nombreux ménages et entreprises en situation de précarité financière. Le choix de centraliser en une juridiction unique cette procédure rapide de traitement de l’impayé apparaît, dans un contexte économique difficile, peu compatible avec l’objectif du Gouvernement de renforcer une justice proche du justiciable, qu’il soit créancier ou débiteur.

Le contexte de la crise sanitaire a également conduit à réfléchir à de nouvelles modalités de traitement des requêtes en injonction de payer. En particulier, le ministère de la justice a travaillé au développement du traitement dématérialisé de ce contentieux. Cette orientation, qui a permis la poursuite du traitement des injonctions de payer par les juridictions dans le respect des impératifs sanitaires, a offert de nouvelles perspectives de modernisation de cette procédure, sans création d’une juridiction nationale des injonctions de payer.

L’extension de la saisine par voie dématérialisée a été proposée depuis l’été 2020 à plusieurs juridictions pour améliorer les délais de traitement de ce contentieux.

Une expérimentation du traitement dématérialisé des injonctions de payer (IP) a été initiée en mai 2020 dans plusieurs tribunaux judiciaires, notamment dans la cour d’appel de Paris. Cette expérimentation, qui s’est inscrite dans la continuité de celle menée au tribunal judiciaire de Strasbourg (même si le processus en lui-même différait), a été menée sous l’impulsion du ministère de la Justice en lien avec la Chambre Nationale des Commissaires de Justice (CNCJ) et l’Association Droit Electronique et Communications (ADEC). A ce jour, 38 juridictions sont saisies par cette voie par les huissiers implantés sur le territoire national.

En pratique, cette expérimentation a consisté à permettre l’envoi de requêtes dématérialisées par les huissiers de justice aux juridictions volontaires via l’interface Ipweb (« flux entrant »). Les ordonnances portant injonction de payer étaient transmises en retour aux huissiers par dépôt sur une plateforme gérée par l’ADEC (« flux retour »).

L’expérimentation de la dématérialisation des requêtes au sein de ces derniers présente deux intérêts :

D’une part, chaque dossier transmis par voie dématérialisée n’a pas à être saisi par le greffe. Les requêtes sont en effet créées automatiquement dans la base de données de l’application IPWEB, avec toutes les informations relatives aux parties et à la demande. C’est ainsi un gain de temps substantiel pour le greffe, qui peut s’atteler à d’autres tâches. D’autre part, la dématérialisation des pièces justificatives, si elle implique un changement profond des méthodes de travail des magistrats, emporte une baisse significative des manipulations de dossiers pour le personnel de greffe.

Le Gouvernement a en outre entendu les inquiétudes suscitées par la mise en œuvre prochaine de cette juridiction parmi les professionnels, magistrats et greffiers en particulier. Certains y ont vu les prémices d’une justice automatisée, dans laquelle le rôle du juge se trouverait amoindri en raison du grand nombre d’affaires à juger de manière répétitive, alors même que l’intervention du juge en la matière permet de préserver les droits de toutes les parties.

Sur le plan budgétaire, les économies d’échelle attendues avec la création de la JUNIP se sont révélées beaucoup moins importantes qu’espérées en termes de ressources humaines des greffes : en effet, le transfert de compétence du traitement des IP vers la JUNIP ne se serait traduit que par des gains d’ETP très fragmentés et très variables dans l’ensemble des juridictions traitant des IP sur le territoire national (259 tribunaux d’instance). En affinant l’estimation, les possibles gains d’ETP (redéploiement) étaient quasiment uniquement de catégorie C (3 Greffier et 36 C) car, d’une part, ce sont majoritairement ces personnels qui sont affectés sur le traitement des IP et d’autre part, la situation globale des TJ ne permettait pas de redéploiement d’emplois de greffiers.

Or, l’option retenue au sein de la JUNIP était de confier à des greffiers expérimentés la préparation des ordonnances d’IP pour permettre aux magistrats de se réserver le traitement des requêtes les plus complexes, s’agissant d’un contentieux de masse (1600 requêtes en moyenne par jour à traiter).

Il s’agissait donc de postes de greffiers et non pas d’adjoints administratifs (catégorie C) qui auraient dû être mobilisés pour la future JUNIP. Ce sont 52 emplois de greffe qui devaient être localisés pour ce service, dont 2 encadrants (1 DSG et 1 greffier fonctionnel chef de service), 32 greffiers, 17 adjoints administratifs et 1 adjoint technique, avec un renfort possible en contractuels.

Ainsi, non seulement les économies d’échelle se sont révélées bien moindres que ce qu’on pouvait espérer, mais des postes de greffiers auraient dû être mobilisés pour la JUNIP au détriment des autres juridictions et notamment des tribunaux de proximité. Les vrais gains en ETP seront donc générés par le recours à la dématérialisation des IP et non pas la centralisation de leur traitement.

Enfin, la mise en œuvre de cette réforme s’est heurtée à des difficultés techniques majeures, dans la perspective de flux de requêtes en injonction de payer convergeant tous vers une juridiction unique, et en lien avec la performance des outils informatiques. Or, cette évaluation des effectifs de la JUNIP en fonction d’un temps de traitement moyen des requêtes, était largement tributaire de la performance des outils informatiques retenus, IPWEB et SIGNA.

C’est pourquoi l’article 27 précité doit être abrogé.

Il est procédé, en conséquence, à l’abrogation du IX de l’article 109 de la loi, correspondant aux dispositions d’entrée en vigueur de l’article 27, ainsi qu’à la modification des dispositions du code de l’organisation judiciaire relatives aux modalités d’application outre-mer de la disposition abrogée.

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