Publié le 7 juillet 2018 par : M. Colombani.
Le dixième alinéa de l'article 2 de la loi constitutionnelle n° 2005‑205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement est complété par les mots : « ainsi que celle des autres espèces vivantes non nuisibles à poursuivre leur évolution ».
Cet amendement vise à ce que la Charte de l'environnement contemple la catégorie du vivant animal dans son ensemble, sans se limiter à l'anthropocentrisme originel du texte. L'action environnementale ne peut en effet faire l'économie de la préservation de la diversité des espèces animales, dont la survie est indissociable de la réussite d'un développement durable.
Si le texte actuel de la Charte parle certes déjà de milieu naturel, il n'est pas concevable, au regard des enjeux actuels, que les autres espèces animales soient assimilées à un simple mobilier inerte faisant partie du milieu naturel. Étant doués de sens, ils méritent une mention spécifique qui ne les assimilent pas à une simple ressource de la Nature dont traite le texte dans sa version en vigueur.
Actuellement confrontés à l'extinction de l'Holocène (sixième extinction de masse dans le cadre de l'Anthropocène), les humains ont une responsabilité forte dans la disparition accélérée des autres vertébrés : selon la onzième édition du rapport Planète vivante (2016) publié par le Fonds mondial pour la Nature (WWF), les populations de vertébrés ont chuté de 58 % entre 1970 et 2012, cet effondrement pourrait atteindre les deux tiers (67 %) d'ici à 2020 en l'absence d'infléchissement significatif et global.
Il convient donc de prendre en compte la subjectivité animale dans l'exposé des motifs du développement durable prônée par la Charte, en l'inscrivant donc dans son préambule.
Cette inscription ne confèrerait pas en tant que telle des droits subjectifs aux autre espèces vivantes. Sa visée est avant tout symbolique, encore que la reconnaissance de droits légaux ou moraux pour les espèces animales soit défendue par des professeurs de droit comme Alan Dershowitz ou Laurence Tribe de l'Université de Harvard.
Le droit français reconnaît d'ailleurs déjà, implicitement, que les animaux sont doués de sens et ne constituent pas de simples biens meubles puisque l'article 521-1 du code pénal réprime en tant que délit les sévices commis sur des animaux domestiques, apprivoisé ou tenus en captivité.
La mention des espèces animales dans le préambule de la Charte, aux côtés de l'espèce humaine, va en outre dans le sens de l'acception jusnaturaliste des droits fondamentaux conforme à la tradition antique de cette pensée juridique selon laquelle ce droit ne se limitait pas à l'humanité. Ainsi le juriste romain Ulpien écrivait déjà au IIIème siècle de l'ère moderne : « Le droit naturel est ce que la nature a enseigné à tous les animaux. Car ce droit n'est pas propre au genre humain, mais il est commun à tous les animaux qui naissent sur terre ou dans la mer, même aux oiseaux » (inDigeste, 1, 1, 1, 1-4 trad. F. Roumy).
La mention du caractère « non nuisible » vise à tenir compte de la nécessité de réguler les populations d'espèces invasives lorsqu'elles menacent l'équilibre d'écosystèmes endémiques ou encore la santé humaine, par exemple les espèces vectrices de maladies telles que le moustiques dans le cas du paludisme.
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