Publié le 7 juillet 2018 par : M. Colombani.
Au premier alinéa du préambule de la Constitution, après le mot : « français », sont insérés les mots : «, composante des peuples de l'Europe ».
Cet amendement vise à affirmer la dimension européenne de la République française en inscrivant, avec un volontarisme assumé, la notion de composante des peuples de l'Europe au frontispice de l'édifice constitutionnel. La notion de « peuples de l'Europe » existe déjà en droit français puisqu'elle est inscrite dans le préambule de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui, ayant acquis force juridique contraignante avec le Traité de Lisbonne, s'applique en France dans le cadre du droit de l'Union.
Cette inscription dans la Charte permet d'intégrer la dimension européenne dans le bloc de constitutionnalité et de confirmer la dimension fédéraliste du projet européen dans la partie la plus éminente de la Loi fondamentale. Par ailleurs cette inscription introduit un effet cliquet afin de sécuriser l'édifice européen au moment où une forte europhobie menace de détricoter une Union qui a apporté des décennies de paix et de stabilité sur le continent.
La construction européenne est certes mentionnée à l'article 88-1 qui dispose que la France participe à l'Union européenne. Mais cette formulation est aujourd'hui indigente eu égard à la nécessité impérieuse de relancer le projet européen. L'article 88-1 assimile l'Union européenne à une simple organisation internationale et la notion de « participation » reste faible et peu ambitieuse. la France participe au même titre à l'OTAN, au Conseil de l'Europe et à l'Organisation des Nations-unies, sans pour autant que ces organisations aient la même importance et le même niveau d'intégration que l'Union européenne qui constitue un ordre juridique intégré quasi confédéral. En outre le positionnement à l'article 88-1 est symboliquement beaucoup plus faible qu'une inscription au sein du préambule. Enfin parler de peuples de l'Europe permet de conférer une dimension plus démocratique au projet européen alors que les discours europhobes tendent à opposer une Europe des technocrates à une Europe des Peuples.
En outre il ne serait pas conforme à des convictions europhiles de reléguer l'Union européenne au titre XV de la Loi fondamentale et de ne pas affirmer d'emblée que la République française est devenue indissociable de la construction européenne dans un monde où les États nationaux isolés ne sont plus capables de relever les défis qu'ils affrontaient seuls au XXème siècle. On le voit bien dans le domaine climatique, militaire, économique ... le peuple français ne peut plus se concevoir politiquement de façon isolée au moment où de grandes puissances à dimension civilisationnelle émergent.
La question de savoir si la notion de peuples de l'Europe est trop floue ou non n'a absolument aucune importance dans la mesure où cette inscription est volontariste et qu'elle englobe manifestement l'ensemble des nations de l'Union européenne et celles qui ont vocation à y adhérer.
Elle affirme la formation d'une communauté européenne ayant émergé des conflits qui ont ensanglanté les États-nations d'Europe et fait perdre à cette dernière sa puissance dans le concert des grandes puissances qui se sont formées au cours du XXème siècle. Au moment où de grands ensembles civilisationnels émergent dans le monde et où l'isolationnisme américain démontre un basculement inédit dans l'équilibre des puissances, l'Europe ne peut faire l'économie d'une constitution en un grand ensemble civilisationnel. En outre les nations européennes forment de fait un ensemble civilisationnel cohérent et uni depuis des siècles autour des même fondamentaux philosophiques, juridiques, politiques, culturels, spirituels, artistiques etc.
Cette histoire commune et cette unité civilisationnelle suffit à affirmer que le peuple français est indéniablement consubstantiel à une idée de l'Europe qui a plusieurs fois affirmé une volonté de retrouver une forme d'unité politique dans la droite ligne de laRenovatio Imperii(Renaissance carolingienne, restauration ottonienne, dessein de Charles Quint, Empire napoléonien).
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