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« Je voudrais dire un truc qui va vous paraître bête : je ne me suis pas habitué à la violence de Facebook, à ces commentaires injurieux, à cette haine qui s'étale. Je ne m'y suis pas habitué quand je suis visé. Mais je ne m'y suis pas habitué, non plus, quand d'autres le sont [... ]. » Ces lignes, je les écrivais dans un post Facebook il y a deux ans et demi, le 16 décembre 2016. J'y prenais la défense de Léa Salamé, qui m'avait reçu dans son émission sur France Inter et qui était à l'époque traitée...
...nternet. Sur le CETA – Comprehensive Economic and Trade Agreement, l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada – , à propos duquel nous allons nous prononcer la semaine prochaine, sans grand suspense, je le crains, où a eu lieu le débat ? Sur internet. Il y a aussi, bien sûr, les gilets jaunes, mouvement qui, comme l'a dit M. le secrétaire d'État, est né et s'est organisé sur Facebook. Alors non, le peuple fâché, qui se sent spolié – et qui l'est – , ce peuple fâché n'est pas poli. Quel remède apportez-vous à cette violence, à ces injures, à cette haine que je déplore ? Vous confiez la censure à Google, à Facebook, à Twitter – une censure privée, surtout. Pire : une censure technologique. La motion de rejet que nous déposons est une alerte, monsieur le secrétaire d'État. Un ...
... une censure automatique, algorithmique, robotisée, sans humain derrière pour peser, pour décider ; sans humain pour avoir des scrupules à bâillonner un autre humain ; sans responsable qu'il faut chercher à convaincre. Avec ce texte, vous risquez de tuer la dialectique qui existait jusqu'ici. J'ai une inquiétude supplémentaire : la possibilité que l'on n'en vienne à une précensure. Je crains que Facebook et compagnie, pour s'éviter des ennuis, ne décident d'éliminer, de marginaliser, de s'abstenir d'emblée de référencer les contenus polémiques ou politiques ou de les reléguer. Je crains que cela ne conduise à dépolitiser les réseaux sociaux, qui se borneront alors aux chatons et à la marchandise... Peut-être serions-nous plus tranquilles. Peut-être le Président de la République serait-il moins i...
...maintien du statu quo. Quel est-il ? Depuis la LCEN – loi pour la confiance dans l'économie numérique – , adoptée en 2004, les plateformes sont d'ores et déjà obligées de retirer les contenus illicites, une obligation qu'elles appliquent de manière arbitraire – d'une semaine à l'autre, un même contenu sera retiré ou non – , sans aucune transparence et sans en rendre compte à qui que ce soit. Sur Facebook, que vous avez évoqué plusieurs fois, plus de 60 % des contenus sont retirés de manière proactive, c'est-à-dire technologique, sans que nous ayons le moindre droit de regard ni la moindre information sur les contenus retirés. Vous proposez le statu quo, c'est-à-dire que vous refusez toutes les obligations de transparence, de reporting, d'information et de protection des utilisateurs qu'instaure ...
...lité des réponses. Bien sûr, nous sommes à vos côtés quand vous êtes victimes d'attaques, car c'est inacceptable, mais le débat porte sur la zone de flou : qu'est-ce qu'un propos haineux, quand le ton monte politiquement dans le pays, comme ce fut le cas dernièrement ? Qui décide de ce qui est agressif ou non ? Au nom de quels critères ? Dans d'autres pays, notamment de l'autre côté des Pyrénées, Facebook s'est permis de censurer une grande formation politique. Ce sont des sujets de fond. Confier cette responsabilité à des groupes privés est extrêmement dangereux.
...é de la parole et des actes sexistes en public – merci à Anaïs et à #TeamBagarre pour tout le travail ainsi accompli. Ces mouvements ne sont pas apparus spontanément, par la grâce des médias sociaux, mais parce que des personnes se sont saisies des outils qu'offrait internet pour s'organiser et se mobiliser d'une manière qui n'était pas possible par les méthodes traditionnelles. « Nous utilisons Facebook pour organiser les protestations, Twitter pour les coordonner et YouTube pour le dire au monde », expliquait ainsi, en mars 2011, l'activiste Fawaz Rashed à propos de la révolution égyptienne. Pourquoi vous parler de tout cela ? Quel rapport cela a-t-il avec la proposition de loi qui nous est présentée aujourd'hui ?
...ter ne prévoit pas les garanties nécessaires pour cela. Le champ des plateformes visées est bien trop large. La Quadrature du net souligne ainsi que les exigences de retrait de contenu en vingt-quatre heures font peser une obligation disproportionnée sur les plateformes à visée non commerciale mais recevant de nombreuses visites. C'est le cas, par exemple, de Wikipédia, qui n'a pas les moyens de Facebook. Ce défaut du texte initial a été aggravé par les modifications apportées en commission, à la suite de l'adoption d'amendements de la rapporteure qui élargissent encore le champ des sites concernés aux sites de référencement de contenus proposés ou mis en ligne par des tiers. Le remplacement du seuil du nombre de connexions par un simple seuil d'activité a également étendu le périmètre des plate...
...mérique – les GAFA qui, du fait de leur pouvoir économique et de leur emprise sur nos informations et nos données personnelles, ressemblent de plus en plus à des États – le rôle de juridiction en matière de liberté d'expression sur internet : pure logique libérale, à nouveau, sous couvert de lutte contre les propos discriminants. Peut-être ignorez-vous que les personnes modérant les contenus sur Facebook, par exemple, connaissent déjà des situations de grave maltraitance au travail. Elles sont soumises à longueur de journée à des vidéos violentes, à des propos discriminants, et souffrent toutes à moyen terme de syndromes post-traumatiques. Elles sont employées en sous-traitance et nettement sous-payées, notamment en comparaison des salaires versés aux employés des GAFA. Votre texte ne tient compt...
...nu jugé illicite. Toutefois, le résultat n'est pas optimal : les chiffres publiés par les différentes plateformes révèlent beaucoup de vent médiatique et peu de résultats concrets. Nous sommes donc, avec ce texte, invités à faire mieux que nos amis allemands, qui sont d'ailleurs en train de remettre l'ouvrage sur le métier. Mark Zuckerberg a déclaré le 10 avril 2018 devant le Sénat américain que Facebook était responsable du contenu diffusé sur sa plateforme bien que l'entreprise ne le produise pas. On peut en déduire une réelle responsabilité de tous les fournisseurs d'infrastructures, que ce soient les fournisseurs d'accès à internet, les moteurs de recherche, les plateformes de réseaux sociaux ou les hébergeurs. Un an plus tard, le 30 mars 2019, le même Mark Zuckerberg affirmait que « les gou...
Ce texte hors normes interroge en effet notre vivre ensemble : il doit s'inscrire dans les valeurs de la République ainsi que dans le cadre juridique en vigueur ; il doit définir le champ d'application des mesures envisagées et des injonctions judiciaires. Quelle stratégie faut-il adopter pour lutter contre les contenus haineux sur la toile ? Le patron du réseau social Facebook appelle désormais les États à intervenir pour réguler internet, ce qui n'est pas sans nous interroger. Dans un récent dossier de L'Express, on pouvait lire : « La créature Facebook semble avoir échappé au contrôle de ses géniteurs et suscite l'inquiétude des autorités et des gouvernements du monde entier. Accusé d'amplifier la propagation de discours malveillants et de faciliter l'apologie du ter...
L'actualité vient assez souvent, il faut le dire, confirmer le mouvement dessiné par certains des textes que nous examinons au sein de cet hémicycle. C'est encore le cas aujourd'hui. Permettez-moi, chers collègues, de revenir brièvement sur l'annonce qui a mis en effervescence le monde, plus si petit, de la « tech » : l'arrivée d'une nouvelle cryptomonnaie, Libra, éditée par Facebook. Voilà donc qu'un géant des réseaux sociaux s'arroge l'une des principales prérogatives régaliennes : battre monnaie – à ceci près que le géant des GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – crée, avec Libra, une devise transnationale. Le caractère globalisant de ce projet doit impérativement nous amener à nous interroger sur la place des multinationales dans l'espace politique et éc...
...nt que la loi de 1881 sur la liberté de la presse comporte déjà plusieurs chausse-trappes redoutables. La loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique s'est appuyée sur une autre méthode et a confié aux opérateurs la charge de retirer promptement les contenus odieux qui leur sont signalés. Depuis cette date, une coopération régulière s'est instaurée entre les opérateurs, comme Facebook ou Google, et les associations. Cette procédure est cependant complexe, et, fondée sur la bonne volonté des opérateurs, ne se traduit pas par des sanctions efficaces. Des mesures ont également été prises à l'échelle européenne. Un code de conduite a été signé avec les opérateurs afin qu'ils assurent la police des réseaux qu'ils animent. Il s'inscrit toutefois, là encore, dans le domaine du droit...
...dée. Plusieurs membres de notre groupe se sont investis dans cette proposition de loi, et nous porterons donc de nombreux amendements afin de vous proposer des réponses concrètes à ces interrogations de fond. J'insisterai notamment sur la nécessité de prévoir que le décret d'application puisse fixer des seuils de fréquentation différenciés selon les territoires. Si le texte ne vise que Twitter, Facebook ou YouTube, en fixant des seuils trop élevés, il omettra de nombreux petits sites très actifs dans la propagation de la haine sur internet.
...régulation des modèles qui dessinent le monde de demain. Non : vous nous proposez tout simplement, à travers l'article 1er de la présente proposition de loi, de démissionner, et de confier aux plateformes numériques et aux moteurs de recherche encore plus de pouvoirs qu'ils n'en ont aujourd'hui. D'un côté, vous ne cessez de dénoncer le pouvoir grandissant des GAFAM, vous vous inquiétez parce que Facebook veut créer Libra, une cryptomonnaie qui pourrait mettre à mal la souveraineté des États en concurrençant les monnaies nationales, mais, de l'autre côté, vous vous targuez de proposer de transférer aux moteurs de recherche et aux plateformes le pouvoir du juge – pouvoir qui comprend notamment une faculté d'appréciation, laquelle participe de l'élaboration de la jurisprudence – , et vous mettez ent...
...nction d'abus de signalement que vous proposez est avant tout un dispositif d'affichage, qui soit sera inopérant, soit conduira à l'autocensure. En revanche, ce que votre proposition de loi a suscité, c'est l'évocation par Mark Zuckerberg d'un vertigineux projet de création de cour suprême. Mark Zuckerberg a en effet proposé de créer une entité, dite indépendante, mais qui dépendrait néanmoins de Facebook, et qui serait amenée à juger les conflits concernant les contenus. Il faut dire, à sa décharge, que Facebook aurait besoin d'un tel outil pour appliquer cette proposition de loi si celle-ci était votée en l'état. En effet, pour arbitrer entre les millions de personnes qui demandent le retrait d'un contenu et celles qui contestent cette requête, la seule option, aujourd'hui, pour la plateforme qu...
...s sera victime d'attaques de ce genre. Ma collègue Danièle Obono l'ayant été elle aussi, il nous faudra savoir trouver les mots justes, en évitant, malgré la passion qui nous anime, de nous blesser, car nous touchons là à des questions extrêmement sensibles. Vous faites le constat d'une augmentation de la diffusion des contenus dits haineux sur les réseaux sociaux. Il est vrai que, trop souvent, Facebook – pour ne citer que le plus connu d'entre eux – est l'endroit où triomphent ceux qui fabriquent des « Facebook émissaires ». Nous savons de qui il s'agit. Le sujet n'est toutefois pas aisé à traiter. Il est même d'une sensibilité extrême, en raison des enjeux qui y sont attachés. Il s'agit, comme nous l'a dit avec raison M. le secrétaire d'État, d'un exercice d'équilibriste, qui met dans la bala...
...ait supprimé la liste de diffusion du groupe relié à la formation politique espagnole Podemos ? Cette décision avait été prise sans justification, si ce n'est que ce groupe envoyait des messages trop longs. Or une autre formation politique, le PSOE – le Parti socialiste ouvrier espagnol – , venait de faire la même chose. En Équateur, Rafael Correa, ancien Président de la République, a vu sa page Facebook tout simplement supprimée. Et, lorsqu'il a demandé l'ouverture d'une autre page, on lui a répondu qu'il était impossible de rouvrir une page fermée en raison du non-respect des conditions d'utilisation de Facebook, lesquelles ne lui avaient jamais été transmises. Il se trouve que M. Correa avait critiqué le refus du Président actuel d'accorder l'asile diplomatique à Julian Assange. On mesure bie...
Ce qui accélère la production de contenus haineux, ce sont avant tout les algorithmes de Google ou Facebook. Vous avez peut-être, comme moi, déjà eu sous les yeux les vidéos du raciste et antisémite Soral, sans les avoir cherchées. Qui donc a eu intérêt à vous les mettre sous le nez, sinon les algorithmes déployés, qui cherchent par tous les moyens à générer de l'audience, c'est-à-dire de la valeur, en donnant une prime au pire contenu ? Oui, vous ratez votre cible car non seulement vous épargnez les ...
...seulement avait alors accès à internet à domicile. C'est cette année-là, en cette période de préhistoire du « réseau des réseaux » que l'Assemblée a voté la loi sur la confiance dans l'économie numérique, qui encadre, encore aujourd'hui, la responsabilité des hébergeurs de contenu sur internet. Or, je crois que nous en sommes tous d'accord, internet a bien changé depuis cette fameuse année 2004. Facebook, alors, n'existait pas, non plus que les hashtags sur Twitter et les vidéos sur YouTube. Quinze ans plus tard, cette loi, qui se contente d'imposer aux hébergeurs d'agir « promptement » pour retirer les contenus manifestement illicites qui leur sont signalés, ne correspond plus à ses objectifs. Entre 2004 et aujourd'hui, il y a un monde. Le web ayant changé, la loi, elle aussi, doit changer : pa...
...ispositif sur les plateformes et sur l'autorité administrative, alors qu'une liberté fondamentale est en jeu, ce qui aurait justifié de réserver une plus grande place à la justice de la République en cas de contestation. À ce stade, votre proposition de loi soulève bien des inquiétudes et des questions et a fait couler beaucoup d'encre. Comment séparer le bon grain de l'ivraie, quand on sait que Facebook, qui revendique plus de 2 milliards d'utilisateurs, n'aura jamais assez de modérateurs pour gérer les publications ? Comment s'assurer que le remède proposé n'aura pas des effets collatéraux terribles ? Au fond, faut-il nécessairement mettre en péril une partie de nos droits et de nos libertés pour chasser l'insupportable haine de nos écrans ? Personne ne peut vous faire, madame la rapporteure, ...