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Plus que d'autres, peut-être, la question bioéthique convoque le meilleur de nos consciences humaines. À vrai dire, c'est presque un peu malheureux : nos consciences sont-elles suffisamment en éveil, suffisamment précautionneuses, face aux enjeux plus quotidiens du climat, de la santé, du travail, du chômage, des inégalités ou de la démocratie qui, chacun, posent de lourdes questions éthiques ? Toujours est-il que le pouvoir acquis par l'humanité sur la vie elle-même, à travers la connaissance...
Dans de nombreux domaines, nous sommes désormais parvenus aux frontières de la mise en cause de l'espèce humaine, de la modification possible, par la main de l'homme lui-même, de l'homo sapiens. Voulons-nous vraiment créer des humains augmentés pour nous remplacer ? Sans aller jusque-là, se profile la possibilité d'un tri, de plus en plus généralisé, dans lequel nous nous arrogerions le droit de décider qui a le droit de naître et qui doit en être empêché. Tout ce qui nous rapprocherait de cette perspectiv...
...nisme, nous bouscule. Certains considèrent la loi bioéthique comme la frontière de l'ouest. Il nous faut prendre le meilleur de ces possibles tout en sachant résister aux accélérations qui semblent inéluctables et dont nous mesurons les dangers. L'enjeu n'est pas mince. Nous devons nous hisser à bonne hauteur, rester maîtres de notre devenir autant que nous le pouvons, maîtres du devenir du genre humain. J'ai dit ce que je crois aujourd'hui, je l'ai dit avec humilité et sincérité, comme j'ai toujours à coeur de le faire, peut-être avec plus de soin encore aujourd'hui. De la naissance, de la vie, de la maladie, de la mort, qu'il soit rageusement proscrit de faire commerce. Et que l'humain soit toujours au plus haut point respecté. Pour ce faire, fort de l'expérience d'appropriation collective à...
... mutilations n'est pas encore complètement actée. Et au-delà de ce texte, plus généralement, d'autres droits, de nouveaux droits restent à conquérir. Au terme de ce débat et de notre vote, nous aurons, je le crois, fait oeuvre commune ; nous aurons avancé d'un pas, certes petit, trop petit encore, mais avancé tout de même, dans le sens de l'histoire, la grande et belle histoire de l'émancipation humaine. Et pour nous donner du courage dans le long chemin qu'il reste à parcourir, je terminerai par les mots de la poétesse afro-états-unienne Audre Lorde – une femme noire, lesbienne, militante de l'égalité et mère de famille. Dans Sister Outsider, un recueil dense et intense de ses essais parus entre 1976 et 1983, elle confie : « Quand j'envisage l'avenir, je pense au monde que j'ai ardemment dési...
La France a fait un choix : les décisions en matière de bioéthique reviennent aux représentants du peuple. Cela relève à notre sens d'une affirmation : nous allons ici, pendant trois semaines de débats, bel et bien faire des choix politiques. Comment pourrait-il en être autrement, au moment de réglementer les interventions techniques sur le corps humain ? Nous nous projetons dans l'avenir et protégeons ensemble le progrès. Certes, il y a des vécus, des points de vue, des contradictions qui dépassent les clivages habituels, mais les décisions que nous allons prendre ici, sans les dramatiser, auront des conséquences durables sur ce que nous, genre humain, serons demain. C'est pourquoi, d'ailleurs, il me semble si important de souligner la pertin...
Et vous choisissez de faire sans lui ! De ne prendre de lui que ce qui vous intéresse, ses gamètes, et de jeter le reste ! Mais l'homme est un tout, madame la ministre, on ne prend pas ses gamètes seulement avant de jeter le reste. Il n'y a pas plus noble que l'homme ; seul l'homme nous montre que servir est l'acte le plus noble qu'un être humain puisse accomplir. Votre texte, madame la ministre, est criminel. C'est souffrance contre souffrance. Il ne faudra pas dire : « Cette France-là a été humiliée ». Votre projet de loi permet de s'offrir un être humain. On ne s'offre pas un être humain, madame la ministre. Un être humain n'est ni un objet, ni un projet, ni une promesse de campagne. Loin d'abolir les inégalités, votre texte les agg...
...n ovocytaire, le DPI ou la recherche sur l'embryon existent, c'est aussi parce qu'ils enrichissent médecins, généticiens, biologistes, patrons de start-up, juristes, avocats, banquiers en sperme et en ovules – et vous faites semblant de ne pas le voir ! Aider l'autre, voyez-vous – mais vous le savez – , c'est l'aider à accepter ses limites et à vivre avec elles. Ce n'est pas dépasser le possible humain. On ne peut décemment pas destituer la figure paternelle au motif que de nouvelles familles apparaissent. Produire des enfants sans père est une atteinte aux droits de l'enfant.
..., nous devons, à chaque étape de l'évolution de la société, nous montrer capables d'adapter le droit aux avancées scientifiques et médicales et d'accompagner les transformations de notre société, tout en fixant un cadre éthique nécessaire à la protection de l'intégrité de nos concitoyennes et de nos concitoyens et en respectant une barrière infranchissable : le principe d'indisponibilité du corps humain. Cette mission est absolument essentielle, tant elle renvoie notre pays à sa capacité à progresser sans renier ses principes fondamentaux. Cela étant, ne nous trompons pas : le législateur n'a pas pour mission d'imposer un ordre moral. Il n'est pas plus un objecteur de conscience. Il évalue, il consulte les parties prenantes et les experts, il confronte ses idées avec l'expérience du terrain. J...
...t contraires au principe de dignité, pourtant fondateur de notre vie en société. Pour ce qui est des aspects spécifiquement liés à la bioéthique, le Gouvernement s'oriente vers un moins-disant éthique. Cette nouvelle révision témoigne d'une volonté de transgresser les limites fixées par la convention internationale d'Oviedo. En créant un régime de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines distinct du régime de recherche sur l'embryon, l'article 14 du projet de loi ouvre la voie à l'industrialisation de l'humain. Les recherches seront évidemment facilitées : on passe en effet d'un régime d'autorisation à un simple régime de déclaration. Au cours des débats en commission sur l'article 14, j'avais proposé un amendement qui prévoyait l'interdiction explicite de tous travaux de rech...
... et au mouvement continu de la recherche et de la science. Il nous faut accompagner socialement et politiquement des droits nouveaux permettant d'utiliser au mieux les avancées thérapeutiques et médicales actuelles, dans l'intérêt de tous. Cependant, il nous faut également faire attention à ne pas laisser la porte ouverte à des innovations débridées qui pourraient attenter à la dignité des êtres humains, voire à leur qualité même d'être humain. Le texte parvient, pour l'essentiel, à respecter cette indispensable ligne de crête. Nos débats nous permettront sans doute d'avancer et d'améliorer ce texte déjà intéressant, que nous abordons positivement.
...ue de notre pays. C'est une chance de pouvoir aborder des sujets aussi sensibles en toute liberté, dans le respect de nos différences, de nos singularités et de nos complémentarités. Je tiens ici à tous vous remercier pour nos réflexions partagées. Le texte que nous allons examiner nous interpelle sur la place que nous voulons donner au progrès de la médecine et de la recherche au bénéfice de l'humain. Force est de constater que, depuis des mois, il engendre de nombreux débats et interrogations, qui vont bien au-delà du champ visé. Car si la bioéthique traite de l'éthique du vivant, en veillant par essence – grâce au progrès de la médecine et de la science – à ce qui est bon pour l'humain, elle nous renvoie avant tout à la vie et à notre mort. Compte tenu de la pluralité des interventions, j'...
...r à la réalité biologique de sa filiation. Qu'elles viennent d'enfants adoptés, nés sous X, de père inconnu ou par don, les demandes d'accès à leurs origines des enfants privés de leur filiation sont d'ailleurs toujours aussi prégnantes. Elles expriment – nous en sommes tous conscients – une souffrance et une recherche parfois éperdue de la réponse à la question fondamentale que se pose tout être humain : « Qui suis-je ? » La réforme de la PMA, telle qu'elle est présentée aujourd'hui, rompt subitement avec cette évolution – c'est probablement là son plus grand défaut. Elle va offrir à l'enfant une filiation non seulement improbable, mais en réalité biologiquement impossible : on ne peut pas naître de deux mères – du moins, pas encore. Il ne s'agit pas pour moi de porter un jugement moral ou sen...
...rogrès doit être abordé avec précaution, car, derrière la volonté absolue de progressisme, se dissimulent parfois les pires régressions. Nous avons beaucoup parlé, ou entendu parler, de la PMA et de son extension aux couples de femmes et aux femmes seules, mais le texte contient d'autres dispositions fondamentales. Le régime de la recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires humaines est ainsi passé en moins de vingt ans d'une interdiction absolue à une autorisation encadrée. Comment expliquer cette évolution fulgurante ? Dire que notre conception de l'éthique a évolué à ce point en si peu de temps est loin de la vérité. Ce sont en réalité le progrès technique et les perspectives qu'il offre qui dictent ces évolutions. L'embryon humain est la forme la plus jeune de l'être ...
...ns nous poser est la suivante : l'intérêt supérieur de l'enfant autorise-t-il que nous le privions d'un second parent ? Le 17 septembre, sur France Inter, le neuropsychiatre Boris Cyrulnik disait : « Ce qui compte, c'est qu'il y ait deux [… ], c'est d'ouvrir le champ sensoriel de l'enfant, pour qu'il apprenne à aimer sa mère et quelqu'un d'autre. » Hommes et femmes, n'oublions pas notre condition humaine, notre vulnérabilité : en cas de maladie, de dépression, qui prendra le relais ? Nous avons tous nos excès : qui pourra tempérer les choses lorsqu'ils surviendront ? C'est pour toutes ces raisons que j'ai cosigné l'amendement de ma collègue Marie Tamarelle-Verhaeghe visant à limiter aux couples de femmes le bénéfice de l'accès à la PMA. Ce qui est essentiel au développement et à la construction...
...e concernant le nouveau régime juridique de conservation des embryons conçus avec tiers donneur. Deux régimes distincts vont dorénavant cohabiter : l'anonymat des donneurs pour les anciens embryons et, pour les autres, la nouvelle règle de l'identité connue. Vous avez expliqué qu'il serait « horriblement anxiogène » pour les personnels des centres d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humains, les CECOS, de devoir gérer deux régimes juridiques différents. Les embryons qui relèvent du premier régime seront donc tout simplement supprimés. On parle de 12 000 embryons, et cela ne semble émouvoir personne au sein de la majorité ! Quelle idée vous faites-vous donc d'un embryon pour décider sans broncher d'en éliminer 12 000 d'un coup ? Je citerai en vrac, faute de temps, quelques autres r...
Je pourrais encore citer des dizaines d'exemples, tous plus ou moins proches de la réalité. Voici les dénominateurs communs que je retiens : la société, les histoires de vie, l'humain. Légiférer sur la bioéthique, c'est choisir entre des avis divergents afin de trouver le bon équilibre au nom du bien et du respect de tous. Parmi les nouveaux droits créés par le texte, on trouve tout d'abord l'aide médicale à la procréation, l'AMP, plus connue sous le nom de PMA. Cette technique médicale aujourd'hui réservée aux couples hétérosexuels, nous proposons de l'ouvrir aux couples de ...
...reux acteurs scientifiques, associatifs, cultuels, philosophiques ont été entendus par ladite commission. Leurs interventions ont enrichi notre réflexion. Il est évident qu'à l'issue de l'examen en commission spéciale certains points font encore débat. Dans l'opposition, comme dans la majorité, les avis peuvent diverger. C'est ce qui fait la richesse de nos idées et de notre conception de l'être humain. Le texte qui nous est présenté aujourd'hui comprend plusieurs avancées : il répond aux attentes de notre société et adapte la loi aux évolutions de la recherche scientifique. Il maintient cependant des garde-fous éthiques, dont le principal est le suivant : l'être humain n'est pas un objet que l'on crée ou que l'on modifie à son gré. Ce texte touche à l'intimité de chacun de nous. Il a été con...
...fois de l'ordre de l'intime, dépassent les logiques partisanes. Pour paraphraser Nietzsche, ce n'est pas le doute, c'est la certitude qui rend fou. Nous n'étions pas d'accord sur tout, bien évidemment, mais nous avons été capables de réinterroger nos propres convictions, nos doutes, nos ambiguïtés, afin de trouver des solutions équilibrées à des problèmes complexes, tout en respectant la dignité humaine et le libre arbitre de chacun. Certains se sont demandé, avec raison, si tout ce qui était techniquement possible était éthiquement souhaitable. Nous ne sommes pas engagés dans une course à la modernité. Nous voulons consolider les valeurs que défend la France en posant des garde-fous, notamment en affirmant notre refus de toute marchandisation du corps humain, la défense et le respect des diff...
...ilibre que nous devons réussir à trouver. Si je suis convaincu qu'il est essentiel, dans notre monde, de remettre de la science dans les consciences, ce projet de loi nous offre l'occasion de remettre de la conscience dans la science, de poser des bornes éthiques et de rappeler que tout ce qui est possible n'est pas nécessairement souhaitable. Nous devons poser des garde-fous, réintroduire de l'humain au coeur du progrès scientifique. Certains interdits ne peuvent être transgressés. Faut-il le rappeler ? La gestation pour autrui ne figure pas dans le texte que nous examinons. Si nous ouvrons la PMA à toutes, la GPA reste interdite pour tous. L'ouverture de la PMA relève d'une logique d'égalité, souhaitée par la majorité des Français. Je me réjouis d'examiner ce texte aujourd'hui. Depuis quelq...
...oits, et aussi des devoirs. Avant vous, d'autres femmes ministres ont eu à coeur de défendre et faire progresser ces droits. Simone Veil, lors des débats sur l'IVG, s'exprimait ainsi : « Certains ont craint [… ] qu'en prenant acte d'une nouvelle image de la famille, on ne contribue à la détériorer. Il n'en a rien été et notre pays peut s'honorer d'une législation civile désormais plus juste, plus humaine, mieux adaptée à la société dans laquelle nous vivons. » Christiane Taubira demandait lors des débats sur le mariage pour tous : « Qu'est-ce que le mariage homosexuel va enlever aux couples hétérosexuels ? Rien. S'il n'enlève rien, nous allons oser poser des mots sur des sentiments et des comportements. » Je réitère la question aujourd'hui : qu'est-ce que l'ouverture de la PMA à toutes les femm...