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Je m'étonne que, lors de l'examen du projet de loi modifié par le Sénat, la commission spéciale ait cru bon revenir sur des dispositions que nous avions repoussées en première lecture. La question nous est donc posée à nouveau : faut-il permettre un diagnostic préimplantatoire avec recherche d'aneuploïdies visant à trier les embryons ayant des anomalies du nombre de chromosomes ? Permettez-moi de rappeler les propos tenus sur ce sujet, lors de la première lecture, par Mme Buzyn, alors ministre des solidarités et de la santé : « On aboutit ainsi au mythe de l'enfant "sain". [… ] L'étape suivante, le glissement naturel c'est d'aller chercher d'autres maladies génétiques fréquentes. ». Elle concluait son audition devant la com...
...e n'a jamais prouvé qu'elle apportait quoi que ce soit. En FIV – fécondation in vitro – , entre une femme à qui on fait un DPI-A et une autre à qui on n'en fait pas, on ne constate aucune différence… si ce n'est pour votre compte en banque. » Il poursuit : « La majorité des fausses couches ne sont pas dues à des anomalies chromosomiques mais à 40 000 autres raisons. Cela peut être intrinsèque à l'embryon, à l'utérus de la femme, au dialogue entre les deux… » On cite régulièrement les experts, j'en cite un à mon tour, professeur à l'université de Strasbourg et fortement investi dans ces domaines. J'espère que l'on suivra sa recommandation.
Cette question doit être regardée au prisme des autres dispositions du projet de loi, en particulier du développement de la PMA – procréation médicalement assistée – avec tiers donneur, qui multipliera les fécondations in vitro avant le transfert de l'embryon. Il faut aussi examiner ce sujet au regard du critère thérapeutique qui a été supprimé, que ce soit pour un couple homosexuel ou hétérosexuel, ou pour une femme seule. Si on légalise le diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies en créant un droit de trier les embryons ab initio en fonction du génome, avec des embryons qu'on pourrait qualifier d'imparfaits, on crée une tentation et on permet f...
Le sujet est à l'évidence complexe. Il pose beaucoup de questions et nous n'avons pas toutes les réponses. L'argument qui est mis en avant, c'est qu'en éliminant les embryons porteurs d'une aneuploïdie, on empêchera le développement d'embryons qui provoquent des fausses couches. Mais comme l'a souligné à très juste titre M. le ministre, l'état des connaissances ne permet pas de déterminer avec assurance le poids de ce facteur. Certains avancent que le diagnostic de la trisomie 21 permettrait d'éviter une interruption médicale de grossesse en empêchant l'implantation...
...liées à des anomalies chromosomiques et ont souvent des causes multiparamétriques, mais certains éléments font tout de même penser que les anomalies du nombre de chromosomes peuvent contribuer, dans une certaine mesure, à des fausses couches à répétition ou à l'échec des interventions d'AMP – aide médicale à la procréation. D'ailleurs, si l'on était sûr que le nombre anormal de chromosomes chez l'embryon ne provoquait aucun dommage, il n'y aurait pas besoin de mener un projet de recherche en ce sens. Actuellement, tout le monde s'accorde à dire que la technique du DPI-A n'a pas été suffisamment explorée pour qu'on puisse la faire entrer dans le soin courant par voie législative. En revanche, grâce à nos travaux, en particulier à l'article 14, la recherche clinique sur l'embryon est possible. C'e...
On fait donc déjà des diagnostics préimplantatoires avec recherche de mutations génétiques, ce qui permet à des couples qui ont eu un premier-né souffrant d'une maladie d'avoir un enfant qui en est exempt, car on vérifie si les embryons présentent ou non la mutation génétique responsable de cette maladie, et uniquement de celle-là. Voilà l'état du droit positif. Pourquoi créer aujourd'hui un cadre législatif parallèle alors que le PHRC a reçu un financement – d'une certaine façon, grâce à nous – et pourra nous amener très rapidement, en trois ans, des résultats qui permettront de savoir si dans le cadre d'un DPI, il peut être ...
...s par an, dont le mari et la femme étaient porteurs d'une pathologie génétique lourde. Depuis 1999, ces couples font appel à un diagnostic préimplantatoire dans cinq CHU français – de mémoire, ceux de Strasbourg, Paris, Grenoble, Nantes et Montpellier. Ces centres testent un grand nombre de pathologies, suffisamment lourdes pour qu'il soit nécessaire de le faire. La FIV permet d'obtenir plusieurs embryons, soumis à un DPI conduisant à un tri embryonnaire : effectivement, on choisit un embryon dépourvu de la pathologie génétique recherchée. Il faut savoir que la majorité des fécondations, qu'elles aient lieu dans le ventre de la mère ou dans une boîte de Petri, se soldent par un échec. Quand cela se passe dans le ventre de la mère, excusez ma rudesse, mais c'est finalement assez indifférent : l'é...
L'idée était vraiment de donner une vraie chance à ces couples en difficulté, qui ont une pathologie génétique et qui veulent s'en sortir. En outre, ne pas vouloir jouer la recherche de viabilité signifie qu'il faudra augmenter le nombre d'essais, le nombre d'embryons surnuméraires et aussi, tout simplement, le nombre d'IVG – interruptions volontaires de grossesse. Il faut donc avoir une réflexion globale et suivre une certaine logique.
...tes et apparentés. Monsieur le ministre, votre amendement revient sur la disposition que nous avions déposée et qui a été adoptée en commission spéciale, consistant à étendre, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, le champ du DPI-A. Ce sujet est complexe et sensible, et chacun ici peut douter. Cependant, la science permet de savoir, par le biais d'une analyse chromosomique, si les embryons sont viables ou s'il y a un risque de fausse couche. Or, la loi ne permet pas, en l'état, de procéder à ces examens : même si seulement un embryon prélevé sur dix est viable, ils ont tous vocation à être implantés. Lors des auditions auxquelles nous avons procédé, la communauté médicale et scientifique nous a longuement alertés quant aux souffrances que rencontrent certains couples. Actuellemen...
Monsieur Berta, je tiens à vous remercier pour les éléments et les éclairages que vous nous avez apportés. Pour être honnête, j'avoue qu'en entrant dans l'hémicycle pour la première lecture du texte, je pensais soutenir le DPI-A et que je me suis finalement abstenue. Comme beaucoup l'ont dit, en effet, le sujet est complexe. Le DPI-A permettrait de détecter les embryons non viables, ce qui ne relève pas de l'eugénisme. Par ailleurs, les familles et les femmes s'en verraient toujours laisser le choix, ce qui est très important. N'oublions pas, en effet, qu'une PMA ou une FIV s'accompagne de traitements hormonaux très lourds et de procédures longues et compliquées. Quand on se lance dans une telle aventure et qu'on rencontre plusieurs échecs, il est important de ...
...tage n'est pas systématique, mais il est très fréquent. Ensuite, en 2016, après avoir analysé plus de 50 000 dossiers de grossesse, les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal, les CPDPN, ont rendu leur rapport d'activité. Il apparaît que plus de 7 000 interruptions volontaires de grossesse ont été réalisées pour motif foetal et 40 % d'entre elles pour des anomalies chromosomiques. Des embryons présentant des anomalies chromosomiques ont donc été implantés et, le diagnostic de ces aneuploïdies n'ayant été réalisé que pendant la grossesse, ce qui a abouti à une interruption volontaire de grossesse ou à une fausse couche. Lorsque les couples concernés avaient encore le coeur à ça, ils lançaient une nouvelle procédure d'AMP, recommençant tout depuis le début : imaginez le temps perdu – de...
Je souscris pleinement aux arguments brillamment exposés par M. Berta et je m'inscris en faux, d'une part contre l'usage impropre et quasiment mensonger du terme d'« eugénisme », et d'autre part contre la présentation de certains résultats tronqués. L'eugénisme qualifie les méthodes visant à améliorer génétiquement l'espèce humaine. Écarter les embryons non viables n'est pas de l'eugénisme, car les embryons éliminés n'auraient pas été susceptibles de se reproduire. Même les trisomies 18, rapidement mortelles, et les autres trisomies ne permettent pas la naissance d'enfants aptes à se reproduire. L'eugénisme, c'est donc autre chose. Négativement, ce sont les erreurs que nous avons connues au XXe siècle, …
...recherche d'un nombre anormal de chromosomes, encore plus fréquent lorsque la mère a plus de 35 ans, a prouvé son efficacité pour réduire les échecs de fécondation in vitro chez les femmes de cet âge. Les aneuploïdies sont même la première cause de l'augmentation de la prévalence des échecs – qui atteint plus de 85 % – chez ces femmes. Certains craignent que l'on ne s'oriente ainsi vers un tri d'embryons. En vérité, un double tri est déjà pratiqué lors du DPI : premièrement, sur critères morphologiques ; deuxièmement, sur les gènes de maladies génétiques connues dans la famille. Je vous suggère donc de ne pas voter les amendements de suppression de l'article 19 bis, suivant ainsi l'avis de la commission spéciale.
... d'un projet familial singulier, respectable, mais aussi de la société dans son ensemble, et dans le temps long. S'agissant très précisément du DPI-A, comme l'ont dit différents collègues, le choix intime et libre d'un couple éclairé ou non par la science doit être opéré en toute conscience de ce qu'il produit pour les autres. Lorsque nous déclarons, quelle qu'en soit la raison, qu'un enfant, un embryon, le début de la vie peuvent être considérés comme un déchet, toutes les personnes porteuses de la pathologie écartée, éliminée, pourraient se sentir humiliées plus qu'on ne peut le dire par la société et en éprouver une profonde blessure. Nous ne sommes pas des poissons isolés dans l'océan, nous nageons en banc : chaque fois que l'un de nous agit, cela retentit jusqu'au bout du monde et sur l'en...
...rne aujourd'hui près de 200 familles, comme l'a dit M. Berta ; étendu aux aneuploïdies, il touchera l'ensemble des personnes engagées dans un parcours de PMA. Quelle sera donc la prochaine étape ? Au nom de l'égalité face aux techniques de procréation, il est parfaitement concevable que les personnes ayant normalement recours à la procréation naturelle demandent l'accès à cette méthode de tri des embryons – de double tri, ainsi que cela a été formulé. En outre, quel message souhaitons-nous adresser à l'ensemble de nos concitoyens atteints de trisomie 21 ? Certaines vies ne vaudraient-elles pas d'être vécues ? Qu'adviendra-t-il ensuite ? Le choix du sexe, de la couleur des yeux, de la taille ? Nous déplorons cette dérive qui laisse pointer le mythe d'un enfant sain. Ainsi, le DPI-A nous interrog...
Ce débat est profond, utile, important. Chacun, ici, respecte la parole de l'autre ; je ne voudrais pas qu'hors de ces murs il soit caricaturalement réduit à un débat entre ceux qui défendraient le tri des embryons et souhaiteraient empêcher la naissance d'enfants trisomiques, et ceux qui accepteraient le mystère de la vie même quand celle-ci nous apporte le différent, qui est aussi une chance. Aucun parlementaire ne souhaite conduire la représentation nationale et notre pays à empêcher que n'existent des enfants différents, des Français différents, des familles différentes. De même, personne ici ne veut ...
...éralisation ne risque-t-elle pas à terme de conduire à la systématisation ? Comment faire pour que cette technique ne soit pas proposée, après-demain, à tous les couples en démarche de FIV, passant des 250 couples évoqués à 150 000, et donc indépendamment de toute maladie génétique antérieure ? L'auteur de cette disposition a dit qu'il s'agirait de sélectionner sur le critère de la viabilité de l'embryon. Nous connaissons tous dans notre entourage des femmes qui ont vécu des fausses couches – un sujet peu évoqué dans le débat public, un événement souvent très difficile à vivre pour la femme et pour son conjoint. Mais un DPI-A ne garantit aucunement qu'il n'y aura pas de fausse couche !
Il est important de le souligner, parce qu'en réalité, l'argument avancé par les partisans du DPI-A n'est pas uniquement celui de la viabilité de l'embryon. Le rapporteur Eliaou l'a bien dit : le DPI-A ne permet pas seulement de s'assurer de la viabilité de l'embryon, mais donne accès à bien d'autres informations – c'est déjà le cas en l'état actuel des connaissances, mais peut-être seront-elles encore plus nombreuses à l'avenir – , qu'on ne saurait demander d'ignorer au médecin qui est face au couple. Peut-être sera-t-il d'ailleurs encore plus faci...
...e veux vous faire part de mes doutes. Nous avons eu la chance d'auditionner, depuis maintenant un peu plus d'un an, des spécialistes de ces questions. Évidemment – nous l'avons encore constaté ce soir – , des points de vue différents s'expriment, précisément parce qu'il n'y a pas de certitudes. Le doute tient au fait que tout se joue dans une formulation et dans le sens que l'on donne au terme « embryon viable ». J'ai été fortement marqué par le témoignage du professeur Jean-Paul Bonnefont, médecin à l'hôpital Necker-Enfants malades, qui, lorsqu'il a évoqué cette question, a tenu à nous alerter sur des formes d'inefficacité du DPI-A. Dans le cadre de la mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, il a ajouté – de manière d'ailleurs assez troublante pour qui ne conna...
Les députés doivent toujours légiférer en responsabilité et en conscience, notamment lorsqu'il s'agit de bioéthique. Un DPI consiste à prélever cinq à dix cellules de la couche externe d'un embryon de cinq à sept jours, pour en observer les caractéristiques. Il permet de tout détecter : les aneuploïdies, les trisomies 13, 18 ou 21, mais aussi de nombreuses anomalies génétiques fréquentes qui ne s'exprimeront pas forcément. Le médecin ne pourra pas faire comme s'il n'en avait pas connaissance : il en informera les parents. Nous sommes nombreux dans cet hémicycle. Peut-être certains d'entre ...