Cela interroge : près de 1 000 amendements ont ainsi été considérés comme des cavaliers législatifs, alors qu'une grande majorité d'entre eux présentaient un lien, même indirect, avec le texte. Quant aux amendements qui, selon leurs auteurs ou l'appartenance politique de ces derniers, ont passé ou non la censure, c'est encore une autre question. Durant les débats en commission, ceux qui étaient passés ont été écartés, même s'ils étaient de bon sens. Faut-il donc appartenir à la majorité pour pouvoir légiférer ?
Après son examen en commission, le texte reste à peu près inchangé, avec ses écueils et ses insuffisances, dont mon collègue François-Michel Lambert a évoqué un certain nombre. J'ajouterai à cette longue liste le manque de vision globale sur ce qu'est le développement durable. À trop vous concentrer sur les émissions de gaz à effet de serre, il semble que vous en ayez oublié la protection de la biodiversité. Pourtant, « tout est lié ». L'Agenda 2030, exposé sur les grilles de l'Assemblée nationale en janvier dernier, nous le rappelle.
Certes, l'article 19 inscrit dans le code de l'environnement l'importance de la préservation et de la restauration des milieux naturels aquatiques et l'article 56 traite de la stratégie nationale des aires protégées, mais ils relèvent avant tout des grands principes et ont un caractère incantatoire.
Quant à la forêt française, qui absorbe pourtant chaque année près de 20 % des émissions nationales de CO2, elle est aux abonnés absents. Les citoyens avaient pourtant fait des propositions intéressantes, comme celles d'interdire les coupes rases, de minimiser la replantation des résineux ou de veiller au mélange des variétés.
Je regrette, en outre, le recours important aux ordonnances, et d'autant plus sur des sujets clés. C'est notamment le cas pour la réforme du code minier. Issue d'un ancien bassin minier, le Valenciennois, et ancienne rapporteure pour avis sur la question de l'après-mine, je sais les enjeux sociaux, environnementaux et stratégiques qu'emportent avec eux ces projets. J'aurais souhaité en débattre au-delà d'une simple habilitation à légiférer par ordonnance et des trois articles ajoutés en commission.
La place importante laissée aux décrets sur un sujet tel que l'artificialisation m'interroge également. Comme nous l'avons vu en commission, la définition posée par le texte est déjà contestée et devra être précisée par le pouvoir réglementaire, sans que nous ayons, à ce jour, de perspectives satisfaisantes sur ses contours.
Comprenez mes réticences : les dispositions législatives votées au cours de ce quinquennat ont trop souvent été contournées. Derrière les discours et les éléments de langage, je prendrai un exemple concret : la loi ÉGALIM prévoyait qu'à compter de 2022, 50 % des produits servis dans la restauration collective seraient bio ou durables. Depuis un arrêté du 25 janvier 2021, la charte EVA a obtenu la certification environnementale de niveau 2 par le ministère de l'agriculture. Cette charte, sorte de socle minimum, comporte de nombreuses limites : pas de critère environnemental, rien sur la provenance des aliments et aucun critère de bien-être animal. Tous les élevages intensifs de poulets peuvent donc désormais bénéficier d'un accès protégé au marché de la restauration collective de qualité en se targuant d'être durables. Sur le terrain, concrètement, cela se traduit par l'autorisation, dans ma circonscription, à Steenwerck, d'un premier projet d'élevage industriel de 117 000 poulets, malgré l'opposition de 91 % de la population, qui se sent évidemment flouée et à laquelle je renouvelle mon soutien.
Mettons fin aux slogans, pour concrétiser, à l'échelle nationale, l'ambition portée avec tant de vigueur par le Président de la République au niveau européen. Qui sait ? Peut-être parviendrons-nous, à l'issue de l'examen de ce texte, à répondre à l'objectif de la Commission européenne de réduction de 55 % des émissions d'ici à 2030.
Nous sommes députés, élus, adultes et responsables devant la nation. Chacun de nos votes, chacune de nos décisions nous engage. Faisons en sorte d'en être fiers.