Intervention de Albane Gaillot

Séance en hémicycle du lundi 29 mars 2021 à 21h00
Lutte contre le dérèglement climatique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlbane Gaillot :

Beaucoup de choses ont déjà été dites. Néanmoins, la gravité de nos débats justifie que l'on répète inlassablement ce qui nous réunit ce soir. Je salue ceux qui nous suivent sur les réseaux sociaux, notamment sur Twitch.

Le climat se réchauffe. La biodiversité s'effondre à une vitesse effrayante. Les ressources naturelles sont épuisées, ou en passe de l'être. Le développement des maladies chroniques dans le monde entier – pathologies cardiovasculaires, cancers, obésité, etc. – est lié aux conditions de vie, de travail, d'alimentation.

C'est précisément cet état de fait glaçant qui doit guider nos débats ces prochaines semaines. Pourtant, et en dépit de l'extrême urgence qu'appelle cet état de fait, le projet de loi ne permet pas à la France de tenir ses engagements. Il n'est pas non plus fidèle aux conclusions de la Convention citoyenne pour le climat.

Le changement climatique est l'affaire du siècle, et la France peut relever les défis de cette urgence. Oui, il est possible de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, en garantissant la justice sociale et en améliorant la qualité de vie de toutes et tous. Transformer nos façons de produire, de consommer, d'habiter, de se déplacer est à portée de main. Les solutions existent. Elles appellent des politiques publiques puissantes pour se déployer. Elles supposent du volontarisme, de la cohérence, de la constance.

Mais où est la volonté politique, quand on pense, comme d'autres, aux jokers opposés par le Président de la République ou aux dizaines de filtres brandis pour écarter les propositions les plus efficaces visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre ou les plus en rupture avec la fuite en avant consumériste ?

Beaucoup de choses ont été dites, c'est vrai, mais pas toutes. Malgré la prise de conscience récente de l'urgence climatique, la question du genre est rarement abordée dans les discussions sur le climat. Du reste, jusqu'à présent, elle ne l'a pas non plus été dans nos débats.

Il ne s'agit nullement de chercher dans la biologie les raisons des différences de conduites ou de pratiques sociales, mais simplement de reconnaître, comme un énième état de fait, que les effets du changement climatique ont des conséquences différentes sur les hommes et les femmes.

D'abord, parce que les effets du changement climatique touchent principalement les populations précaires et que les femmes représentent 70 % des personnes vivant avec moins de 1 dollar par jour dans le monde.

Ensuite, parce que du fait des rapports sociaux de sexe, des stéréotypes sexués, les femmes sont encore en grande partie responsables des tâches ménagères et des soins de la famille.

La prise en considération de la question du genre dans nos réflexions sur l'urgence climatique doit permettre d'assurer le succès des mesures que nous votons, et surtout d'éviter qu'elles ne reposent de façon disproportionnée sur les femmes. De nombreuses études ont montré que le comportement et la consommation ne sont pas les mêmes en fonction du genre. C'est le cas des déplacements et des moyens de transport utilisés, les femmes ayant davantage recours aux transports en commun et à la marche, de la consommation d'énergie – chauffage, climatisation – , de la technologie ou encore des habitudes alimentaires.

Prenons un exemple rapide. Le titre II du projet de loi « Produire et travailler » porte sur l'accompagnement des salariés et des entreprises dans la transition énergétique. On connaît le potentiel de création d'emplois que les grands travaux écologiques suscitent : l'ADEME l'évalue à 900 000. À titre d'exemple, la rénovation thermique des bâtiments crée quinze emplois par million d'euros investi.

Toutefois, ces métiers sont quasiment tous non mixtes : les femmes ne représentent que 15 % des employés dans les métiers dits verts. Et elles sont aussi peu nombreuses dans les secteurs à fort potentiel « verdissant » : elles représentent 10 % de la main d'oeuvre dans la construction et 25 % dans les transports. Sans politique volontariste de féminisation de ces emplois, il est fort à parier que les femmes n'en bénéficieront pas.

Pour conclure, je voudrais citer quelques mots de ma collègue Delphine Batho – elle aurait dû être ici ce soir mais la magie du tourniquet fait que j'y suis à sa place – , dont je veux saluer l'engagement et le travail sans relâche sur ce sujet : « Le rôle moteur des femmes dans la transformation écologique doit enfin être reconnu. Il n'est pas lié à une quelconque différence de tempérament ou à une prédisposition qui serait le fait de leur genre, mais à leur expérience concrète de la domination. Exclues du pouvoir, les femmes ont été reléguées à tout un ensemble de tâches matérielles qui a paradoxalement construit leur science de la relation à la nature. [… ]L'expérience commune des femmes de la mise à l'écart du pouvoir dans tous les domaines, alors qu'elles sont majoritaires dans la société, les rend plus promptes à vouloir transformer ce pouvoir et à réinventer une relation positive de tous – hommes et femmes – au vivant. »

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