Après le succès de la commission mixte paritaire, qui s'est tenue le mardi 23 mars au Sénat, nous sommes réunis cet après-midi pour adopter définitivement la proposition de loi tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention.
Déposé par notre collègue sénateur François-Noël Buffet et largement cosigné, ce texte répond à un impératif fixé et exprimé avec clarté par la Cour européenne des droits de l'homme lorsqu'elle a condamné la France, le 30 janvier 2020, à indemniser trente-deux personnes incarcérées dans plusieurs établissements pénitentiaires du pays. Recommandant à la France de prendre des mesures visant à résorber la surpopulation carcérale, les juges de Strasbourg ont également enjoint à notre pays de mettre en place une voie de recours effectif pour faire cesser les conditions de détention indignes lorsque celles-ci existent. C'est ce dernier aspect que traite la présente proposition de loi, dans un article unique qui tend à insérer dans le code de procédure pénale un article 803-8 qui prévoit dans quelles conditions et selon quelles modalités un détenu pourra, demain, saisir le juge judiciaire lorsqu'il estimera subir des conditions indignes de détention afin qu'il y soit mis fin.
La navette parlementaire a fait son oeuvre et la commission mixte paritaire a traduit l'équilibre progressivement atteint ; le groupe Les Républicains s'en réjouit. Les conditions d'un large rassemblement autour de cette proposition de loi étant réunies, nous restons attachés aux engagements européens de la France et au respect de la Constitution française ; c'est en ce sens que les députés de notre groupe voteront ce texte.
Cependant, cette proposition de loi et le vote de ce jour ne constituent pas la fin d'un processus, bien au contraire. Ils exigent pour l'avenir l'octroi des moyens indispensables à l'amélioration des conditions de détention, de telle sorte que le recours aux dispositions adoptées aujourd'hui soit le plus limité possible ; tout autre résultat serait un échec.
En effet, après le vote de ce jour, le problème de fond soulevé par la Cour de Strasbourg demeurera entier, comme l'attestent les chiffres publiés récemment par votre ministère, monsieur le garde des sceaux. Au 1er mars 2021, 64 405 détenus étaient incarcérés dans les 188 prisons françaises ; la densité carcérale s'établissait à 106 % de manière globale, mais à 123,8 % dans les maisons d'arrêt prises isolément. Après la forte baisse consécutive aux mesures de libération anticipée décidées par votre gouvernement face à la crise sanitaire, le nombre de détenus augmente donc à nouveau de façon régulière, alors que nos capacités demeurent limitées.
En créant une nouvelle voie de recours, nous ne réglons pas ce problème de fond, défi qui devrait être au coeur de nos préoccupations. En 2017, il était déjà urgent que la France engage la mise en oeuvre d'un vaste plan de construction de places de prison nouvelles ; depuis lors, cette urgence n'a fait que s'accroître.
Cet effort, la France le doit non seulement aux détenus lorsque leurs conditions de détention ne sont pas dignes, mais également à toutes les femmes et à tous les hommes de l'administration pénitentiaire. On ne parle pas suffisamment de cette formidable administration et de l'abnégation des agents qui travaillent chaque jour dans ses établissements. Qu'il me soit ici permis de rendre un hommage appuyé à leur engagement, si précieux pour notre pays.