En matière de résilience de l'environnement, il y a des entrées et des sorties. Ces dernières sont les fameuses émissions de carbone liées à l'activité humaine, qui se sont considérablement renforcées au cours de la période industrielle et postindustrielle. Il est difficile de réduire ces émissions tout en maintenant un modèle économique viable et durable, comme nous avons pu le constater pendant la crise soudaine du covid-19 : le trafic aérien et de nombreux trafics liés au moteur à explosion se sont effondrés. Dans des pays qui ne suivent pas nos modèles, il est difficile de faire diminuer ces émissions. Pour ma part, je reste sceptique sur notre capacité globale humaine à ramener ces émissions à un niveau inférieur à leur niveau actuel.
Quant aux entrées, elles tiennent à la capacité de l'environnement à absorber le carbone produit par l'activité humaine, notamment grâce aux forêts, aux mers et aux océans. Comme on a pu le voir dernièrement lors d'un reportage télévisé, la forêt est menacée par les désastres que sont les coupes rases. La forêt, on la palpe, on la voit, on la sent, on vit parfois au milieu d'elle. En revanche, le rôle des mers et des océans est moins connu. La France possède pourtant le deuxième domaine maritime du monde, grâce à ses zones économiques exclusives, ce qui nous donne une lourde responsabilité.
Globalement, nous ne sommes pas assez conscients de l'enjeu. Au début de la législature, j'ai travaillé pendant deux ans avec Jean-Luc Mélenchon dans le cadre d'une mission d'information qui a donné lieu à un rapport intitulé « Mers et Océans, quelle stratégie pour la France ? » Nous avons pu prendre conscience du désastre en cours, qui est probablement non réversible à certains égards.
Pour lutter contre la fameuse pollution due au plastique, certains font des effets de manche en proposant de filtrer la surface des océans. Ce plastique, qui envahit toute la colonne d'eau, provient des fameuses pailles et plastiques à usage unique, que le Gouvernement a été fier d'interdire – en fait, il s'agit d'une mesure européenne que nous devons appliquer. Ce plastique provient aussi du textile, de l'habillement, des pneumatiques et de nombreuses autres sources, et nous n'agissons pas assez pour empêcher qu'il ne se déverse dans les océans. Notons que l'on retrouve plus de 1 000 espèces bactériennes – dont les espèces de type Vibrio, qui provoquent le choléra et des infections gastro-intestinales – sur ces plastiques qui dérivent partout dans nos mers et océans, ce qui pose également un problème de santé publique. Il n'est pas exclu que cette pollution, créée depuis les années 1970 par la génération irresponsable des baby-boomers, soit à l'origine de la prochaine crise sanitaire.
Pis encore : même si nous parvenions à réduire les émissions de carbone, l'océan décidera peut-être de ne plus être résilient. Ce pourrait être le cas de l'océan Austral, doté de fonds marins particuliers et d'une biomasse vivante qui contribue à l'absorption du carbone, que nous attaquons sans cesse. Les objectifs de développement d'aires marines protégées sont peu tenus, pour diverses raisons : manque de sens des responsabilités de la part des autorités françaises depuis des années ; incapacité de notre marine à exercer la coercition ; irresponsabilité de certains États, tels que la Chine, qui pratiquent la surpêche comme des prédateurs en utilisant des navires usines menaçant les fonds marins et la biomasse vivante, alors que celle-ci est capitale pour l'absorption du carbone humain.
Dans ce projet de loi, un article vise à décréter l'existence de 10 % d'aires marines fortement protégées. Le diable se cache dans les détails : le terme n'est pas assez clair. Il existe déjà des aires marines protégées, que nous affichons comme bannières et qui sont exploitées. Il en existe certaines qui sont dites pédagogiques, d'autres où l'on pêche et même surpêche. Ces mots apparemment forts ne suscitent que peu d'espoir quant à la capacité de réellement sanctuariser ces zones. S'il décide de contrecarrer la volonté de l'humain, l'océan pourra décider de relarguer du carbone et de nous faire un pied de nez. Nous pourrons alors diminuer toutes les émissions que nous voudrons, il sera trop tard. C'est pourquoi je vous demande une chose : prenons conscience de la nécessaire protection des mers et des océans, et agissons maintenant.