Les propos de François Hollande et de Michel Sapin ont toujours été teintés de cet optimisme, madame Rabault, qui ne résiste pas un instant à un examen approfondi de la situation financière de notre pays. Vous qui avez été rapporteure générale du budget, je sais que vous serez attentive à ce qui vient.
Les chiffres sont têtus ! Le déficit public est de 76 milliards d'euros en 2016, soit 3,4 points de PIB. C'est seulement 0,2 point de mieux qu'en 2015 : faut-il que l'on plastronne sur ces 3 milliards d'euros d'économies ? La dette publique atteint des niveaux jamais égalés – 96,3 % du PIB et près de 2 150 milliards d'euros. On imagine ce que les générations futures auront à rembourser ! Gilles Carrez l'a très bien rappelé tout à l'heure, la croissance est de 1,2 % en 2016, moins que dans la zone euro – 1,7 % – et qu'en Allemagne, notre voisin et premier partenaire.
La Cour des comptes, d'ailleurs, ne s'y est pas trompée et a porté un regard très sévère sur la gestion des deniers publics de 2012 à 2016. Pour 2017-2018, période qui n'est pas l'objet du débat d'aujourd'hui, elle a pointé ces dérapages que vous connaissez, monsieur le ministre, et pour lesquels le Premier ministre a eu des mots très durs – 8 milliards pour 2017, 18 milliards pour 2018, avec la perspective d'un budget de la défense passant à 2 % du PIB –, allant jusqu'à parler de « budget insincère ».
Michel Sapin a expliqué que seul le Conseil constitutionnel avait le droit de déclarer insincère le budget. Je ne savais pas que le Conseil constitutionnel avec le monopole de ce mot. Pour autant, Didier Migaud est un homme suffisamment prudent et connaisseur du budget de la France et des finances publiques en général.
L'oratrice qui m'a précédé a évoqué sa volonté de travailler pour 2018. Mais il faut savoir d'où l'on part pour savoir où l'on va. Au plus fort de la crise financière, en 2009, quinze pays faisaient l'objet d'une procédure pour déficit excessif. Aujourd'hui, comme l'a rappelé le président de la commission des finances, la France partage seule avec l'Espagne ce triste privilège. Plus encore, le retard par rapport à nos partenaires dans le rééquilibrage de nos comptes publics se traduit par le fait que la France est, avec le Portugal, le pays européen qui a passé depuis 2002 le plus grand nombre d'années en procédure de déficit excessif.
Un délai nous avait été accordé en 2013 par l'Union européenne, un autre en 2015, un autre encore en 2017. La porte-parole du Mouvement démocrate le rappelait à l'instant : nous devons tenir nos engagements européens. Où en sommes-nous en 2017 ?
Sur la seule période 2012-2016, le déficit public est passé de 4,8 à 3,4 % du PIB, ce qui correspond à une baisse de 0,3 % par an. Il n'y a pas matière à forfanterie !
Ce n'est pourtant pas faute d'avoir rappelé, à chaque projet de loi de finances, par la voix de Charles de Courson ou la mienne, la dérive des comptes publics.
Alors que la dette publique de l'ensemble des pays de la zone euro a baissé de 1,1 point de PIB, comme l'a rappelé Gilles Carrez, et de 1,4 point pour les pays de l'Union européenne entre 2015 et 2016, elle a augmenté de 0,7 point en France pour atteindre 96,3 points, ce qui est énorme.
La comparaison avec l'Allemagne, notre principal partenaire commercial, est édifiante. La dette publique française est aujourd'hui supérieure de plus de trente points de PIB à la dette publique allemande. Avec la zone euro, l'écart est actuellement de sept points de PIB.
Cette situation, qui dure depuis trop longtemps, discrédite la parole de la France vis-à-vis de ses partenaires européens.
Joël Giraud, notre rapporteur général, a essayé de poser les deux questions les plus fondamentales : oui ou non, la situation des finances publiques s'est-elle améliorée ? Si je devais donner une note, je mettrais sept sur vingt.
Oui ou non, les objectifs ont-ils été atteints ? Rappelons qu'une loi de finance initiale et une loi de finances rectificative donnent un cap mais que la vraie photographie du compte administratif s'impose à tous.
On lit également dans son rapport que les effectifs de la fonction publique sont repartis à la hausse et que la dette de l'État a encore augmenté de 45 milliards d'euros.
Certains se sont émus de nos propos concernant les primes d'émission mais, Madame Rabault, vous ne pouvez pas contester qu'elles ont porté sur quelque 20 milliards d'euros en 2015 et en 2016, …