Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les députés, nous allons procéder à l'examen en nouvelle lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
L'examen par le Sénat du texte adopté par l'Assemblée nationale a été l'occasion de constater des points de convergence et même de consensus sur certaines orientations majeures de ce PLFSS.
Le texte qui vous est présenté remet toutefois en cause l'équilibre d'une disposition centrale de ce projet : la baisse des cotisations sociales en contrepartie de la hausse de la CSG – la contribution sociale généralisée. Or cet équilibre conditionne les choix faits dans ce PLFSS. Le Gouvernement vous propose donc de le rétablir.
Ce PLFSS engage la transformation du système de santé que je souhaite conduire. Il vient soutenir la stratégie nationale de santé, dont j'arrêterai les orientations dans quelques semaines, à l'issue de la concertation publique lancée début novembre. Comme je l'ai indiqué, cette stratégie privilégie quatre axes : la prévention ; l'égal accès aux soins ; l'innovation ; la pertinence et la qualité des soins. Je constate une très forte adhésion à chacun de ces axes.
C'est le cas, en premier lieu, du primat donné à la prévention. Les dispositions relatives à la vaccination obligatoire des jeunes enfants ont fait l'objet, au Sénat comme dans cet hémicycle, d'un large consensus. Il en est de même de la priorité donnée à la lutte contre le tabac en portant à 10 euros le prix du paquet de cigarettes. Je réaffirme à cet égard la détermination du Gouvernement à agir, à l'échelon national et à l'échelon européen, pour lutter contre les trafics et la contrebande.
La reconfiguration de la taxe sur les boissons sucrées a également été validée comme un outil pertinent de la lutte contre le surpoids, notamment chez les jeunes. Comme le Gouvernement s'y était engagé, les travaux d'expertise avec les industriels du secteur ont été poursuivis de façon que le barème proposé corresponde au souhait partagé sur ces bancs d'une mesure incitative pour les producteurs mais ne pesant pas fortement sur les ménages.
Ces trois mesures, auxquelles s'ajoute la prise en charge d'une consultation de prévention des cancers du sein et du col de l'utérus pour les femmes de vingt-cinq ans, sont les marqueurs d'une volonté politique forte et transpartisane d'agir en profondeur sur les déterminants de santé. Ce mandat très clair donné par le Parlement confortera la construction du plan national et des projets régionaux de santé qui seront élaborés au cours du semestre à venir.
Je constate en outre une très large adhésion du Parlement aux orientations et aux outils proposés pour faire évoluer notre système de santé. L'article 35 de ce projet de loi permettra d'expérimenter, de financer et d'évaluer des organisations différentes, dépassant les clivages sectoriels de l'hôpital et de la ville, du soin et de la prévention, et incitant à la pertinence des soins.
Je veux revenir sur un constat qui a pu étonner : une part substantielle des soins pratiqués dans les pays comparables à la France – car ce n'est pas propre à notre pays – n'est pas pertinente ; la littérature évoque un taux de 25 à 30 % d'actes ou de prescriptions non pertinentes. Les causes en sont variées : elles peuvent tenir au défaut de formation initiale ou continue, à la routine ou au mode de rémunération, et sont souvent liées également à un défaut d'organisation ou de partage de l'information. Il n'est bien sûr pas envisageable de réduire à rien cette déperdition de qualité et d'efficience, mais je confirme ma ferme volonté d'ouvrir le chantier de la pertinence des soins, sereinement, avec l'ensemble des professionnels de santé.
Un consensus s'est également exprimé autour de la volonté du Gouvernement de lever les obstacles au développement de la télémédecine. C'est l'un des volets du virage numérique que le système de santé doit prendre et que j'entends impulser dans les prochains mois.
Au-delà des orientations relatives au système de santé, des points d'accord ont pu également se dégager quant à la nécessité de conduire la réforme du RSI – le régime social des indépendants – que le Gouvernement a proposé. Je veux redire que celui-ci entend donner le temps et les moyens nécessaires à cette transformation de grande ampleur. Au 1er janvier 2018, une période de transition de deux ans sera ouverte, afin de faire évoluer progressivement les organisations de travail et de mener un dialogue social de qualité avec les salariés et leurs représentants. Cette période de transition, nécessaire, sera même un peu plus longue pour la reprise de l'activité des organismes conventionnés, qui n'interviendra qu'en 2020, mais elle ne doit pas être prolongée au-delà, de façon à donner aux organisations et aux personnels un cadre de travail pérenne. En revanche, elle n'impose pas de date butoir s'agissant de l'évolution des systèmes d'information, mais le Gouvernement est particulièrement attentif à ce que l'organisation mise en place permette une évolution graduée et maîtrisée de ces systèmes, dans des conditions de sécurité garanties. Il est également attaché à ce que, au sein du régime général, la spécificité de la situation des travailleurs indépendants soit reconnue, de façon à adapter le service qui leur est rendu.
Ces points de convergence significatifs ne peuvent masquer les désaccords sur des dispositions essentielles du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
Le principal point de désaccord porte sur la baisse des cotisations salariales, en contrepartie d'une hausse de la CSG. Le texte issu de l'examen par le Sénat présente une version tronquée et donc incohérente de cette réforme. Nous avons déjà beaucoup échangé à ce sujet en première lecture mais, je veux le rappeler, cette mesure, qui conforte l'assiette du financement de notre protection sociale, est profondément en phase avec l'évolution de notre modèle social et, dans son intégrité, elle est l'expression légitime d'une solidarité entre les générations, fondement même de la Sécurité sociale : les pensions versées et les dépenses d'assurance maladie remboursées le sont également au nom de cette solidarité entre générations. Il s'agit d'une mesure juste, qui n'a pas d'incidence sur les plus petites retraites. Enfin, elle va accroître de façon substantielle le pouvoir d'achat des salariés et alléger les charges pour les trois quarts des travailleurs indépendants. Renoncer à la cohérence d'ensemble de la réforme, ce serait renoncer à la réforme elle-même et renoncer à améliorer la situation de 20 millions de travailleurs.
Le deuxième point de désaccord a trait aux dispositions relatives à la PAJE, la prestation d'accueil du jeune enfant. Nous en avons également beaucoup débattu en première lecture. J'ai annoncé que, dans la construction de ce premier PLFSS, j'avais fait des choix. Ces choix, en faveur des familles les plus pauvres, notamment des familles monoparentales, conduisent globalement à augmenter de plus de 70 millions d'euros la dépense en faveur des familles en 2018. Ces choix sont cohérents au regard de la finalité des différentes prestations et marquent une orientation de mon action que j'assume résolument : considérer que la politique familiale a une place essentielle dans la stratégie de lutte contre la pauvreté des familles et des enfants. Mais ces choix ne résument pas pour autant l'ensemble de l'action que j'entends conduire pour redonner sens et vitalité à une politique familiale en perte de repères ; une réflexion en profondeur doit s'ouvrir sur ce sujet et je me félicite, encore une fois, de l'initiative prise par votre commission des affaires sociales à ce sujet.
Après avoir évoqué ces deux points de désaccord, je devrais mentionner également l'adoption de plusieurs dispositions relatives aux recettes qui, considérées dans leur ensemble, ont contribué à dégrader nettement le solde prévisionnel des comptes de la Sécurité sociale après le passage du texte au Sénat. Car le dernier désaccord est bien là : nous avons bâti un PLFSS de responsabilité, qui permet de conjuguer le retour vers l'équilibre des comptes et le progrès social, au bénéfice des salariés, des familles les plus en difficulté et des retraités les plus pauvres. Or, en débutant cette deuxième lecture, nous avons la perspective de comptes publics dégradés de près de 7 milliards d'euros. Dans cette situation, pas de progrès social possible. Dans cette situation, pas de respect possible de nos engagements européens et pas de crédibilité retrouvée pour notre pays.
C'est pourquoi, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement vous propose, au cours de cette nouvelle lecture, de retrouver la voie de la cohérence et de l'équilibre, qui est aussi la voie du progrès pour nos concitoyens et pour notre pays.