Intervention de Clémentine Autain

Séance en hémicycle du mardi 28 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClémentine Autain :

Je vous l'ai dit : c'est un exemple, et les exemples sont importants pour faire comprendre les effets de vos choix politiques. La T2A est un problème dans de très nombreux domaines, dont celui que je citais.

Le virage ambulatoire, censé désengorger les hôpitaux – parce qu'il ne faut pas en créer de nouveaux : non, il faut désengorger ceux qui existent – , ne fera qu'aggraver les inégalités de traitement entre les citoyens, qui ne bénéficieront pas d'un accès de même qualité aux soins postopératoires. Le suivi des patients dépendra de leurs propres ressources, et ils seront une nouvelle fois les victimes de cette stratégie qui ne répond pas aux besoins et aux préoccupations de nos concitoyens en matière de santé – car il n'est pas vrai, ni dans notre pays ni ailleurs dans le monde, que l'on soigne mieux en soignant plus vite.

Votre politique ne permet pas aux hôpitaux d'assurer une prise en charge efficace de tous les patients, et ce d'autant plus que certaines filières sont sous tension. C'est le cas de la psychiatrie. Les personnels de l'hôpital Robert-Ballanger, qui compte une antenne psychiatrique, me racontaient récemment que les patients qu'ils font sortir reviennent souvent, mais qu'il faut les renvoyer, au nom d'une logique de sortie. Un jour, un patient est revenu ; il n'y avait pas de place ; il s'est suicidé. Il s'est suicidé dans l'hôpital, parce qu'il n'y avait pas de place. Voilà la réalité de cette politique qui vise à faire sortir les gens et non à les accueillir.

Nous estimons, tout simplement, que, pour répondre à de tels besoins, il ne faut pas intensifier le travail, ni faire sortir les gens de l'hôpital, mais soigner correctement, donc investir humainement et financièrement dans nos hôpitaux. Or ce n'est certainement pas en augmentant de 2 euros le forfait hospitalier que l'on va y arriver. D'abord parce que cette mesure ne rapporte pas tant que cela : le gain estimé est de 83 millions d'euros. Ensuite, et surtout, parce qu'elle est injuste socialement, et qu'elle n'a donc pas sa place parmi des dispositions censées permettre de relever les défis auxquels notre système de santé est confronté.

« Et en même temps », le président Macron continue de charger l'hôpital de nouvelles missions, par exemple en annonçant, comme il l'a fait ce week-end, la création d'unités spécifiques pour la prise en charge des violences faites aux femmes. Oui, il faudrait de telles unités à l'hôpital, pour accompagner les femmes victimes de violences. Mais comment déployer de nouveaux services quand l'hôpital n'arrive pas à faire vivre ceux qui existent ? Dans un contexte aussi contraint, comment garantir un suivi suffisant à toutes ces femmes ?

Cette promesse, qui nous paraît malheureusement intenable, vient s'ajouter à celles qui n'ont pas été tenues, comme celle, faite par le candidat Macron, du remboursement à 100 % des lunettes et des prothèses dentaires et auditives, dont la mise en place a été repoussée à 2022. Mme la ministre est partie ; je le regrette, car j'aurais aimé lui dire qu'en effet elle n'est pas là « pour offrir des montures Chanel à tout le monde » : ce n'est pas cela qu'on lui demande. Le peuple ne demande pas des montures Chanel, il veut pouvoir s'acheter une paire de lunettes quand la vue baisse. Ce n'est pas la même chose, et il serait bon de l'entendre, parce que nous en avons assez de vos potions libérales et de cette vision du peuple. Notre régime de santé ne fonctionne pas bien, et il a besoin de mesures qui le soustraient à la logique comptable et d'austérité.

Je le dis sincèrement et sérieusement : il y a de l'argent dans ce pays. Vous le savez : chaque année, 60 à 80 milliards d'euros partent en fumée à cause de l'évasion fiscale. On peut trouver de l'argent : tout dépend où on va le chercher. Fait-on les poches de ceux qui ont besoin de se soigner ou bien fait-on en sorte que, dans notre République, le mot de justice ait un sens ?

Je terminerai en citant Ambroise Croizat, l'un des pères fondateurs de la Sécurité sociale : « Ne parlez pas d'acquis sociaux, parlez de conquis sociaux, parce que le patronat ne désarme jamais. » Jamais nous ne voterons un budget qui est au service des possédants : nous, à La France insoumise, nous avons résolument l'esprit de conquête.

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