Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du jeudi 8 avril 2021 à 9h00
Protection patrimoniale et promotion des langues régionales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Les travaux de Pierre Boquel le montrent clairement. Savez-vous qu'au Canada les communautés ayant perdu leur langue connaissent en moyenne six fois plus de suicides que celles qui la parlent encore ? Il en va de même des Aborigènes d'Australie, des Amérindiens du Canada et des Maoris de Nouvelle-Zélande. En Bretagne, les mauvais indicateurs en matière de morbidité ont été reliés à la perte soudaine d'identité linguistique.

Le français est bien notre langue commune : personne ne demande qu'il en soit autrement. Mais il ne doit pas être exclusif des autres langues de France métropolitaine et d'outre-mer. La citoyenneté française peut s'exprimer pleinement dans une identité qui ne se vit pas exclusivement dans une langue unique, comme elle ne se vit d'ailleurs pas dans une religion ou une identité personnelle uniques. Pourquoi des personnes aux langues, aux origines et aux croyances diverses seraient-elles constamment mises en demeure de choisir l'une ou l'autre de leurs identités ? Sans doute, comme l'a magnifiquement écrit Amin Maalouf, de l'Académie française, « à cause [… ] de ces habitudes de pensée et d'expression si ancrées en nous tous, à cause de cette conception étroite, exclusive, bigote, simpliste qui réduit l'identité entière à une seule appartenance, proclamée avec rage ».

L'identité n'est pas donnée une fois pour toutes : elle se construit et se transforme tout au long de l'existence. En somme, elle ne peut se segmenter. Il s'agit d'un tout que l'on forge toute sa vie par ses expériences multiples. Amin Maalouf corrobore les études du docteur Pierre Boquel et du neuropsychiatre Boris Cyrulnik quand il note : « Rien n'est plus dangereux que de chercher à rompre le cordon maternel qui relie un homme à sa langue. Lorsqu'il est rompu, ou gravement perturbé, cela se répercute désastreusement sur l'ensemble de la personnalité. »

Moi qui ne suis ni linguiste, ni neuropsychiatre, j'ajoute modestement qu'il convient de redonner toute leur place aux langues régionales et j'affirme que toutes les langues méritent d'être sauvées, car elles portent en elles une part inestimable de la diversité humaine. Les langues ne s'opposent pas, ne s'excluent pas, mais s'ajoutent et se confortent.

1 commentaire :

Le 13/04/2021 à 19:32, Laïc1 a dit :

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"Savez-vous qu'au Canada les communautés ayant perdu leur langue connaissent en moyenne six fois plus de suicides que celles qui la parlent encore ?"

Raison de plus pour défendre le français au Canada. C'est une mesure humanitaire.

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