Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du mardi 18 juillet 2017 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2016 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie :

L'exercice 2016 a donc été marqué par un léger recul du déficit public, qui est passé de 3,6 % à 3,4 % du PIB, soit une baisse de 0,2 point par rapport à 2015, après une baisse de 0,4 en 2015. Or cette faible réduction du déficit budgétaire doit en plus être nettement relativisée.

Non seulement le déficit est plus élevé que prévu puisque la loi de finances initiale pour 2016 et la loi de finances rectificative prévoyaient toutes deux un déficit public de 3,3 %. Mais le déficit public est également supérieur à l'objectif communiqué à la Commission européenne à l'occasion de la transmission des programmes de stabilité.

Surtout, l'État porte l'essentiel du déficit public – Gilles Carrez l'a rappelé. A contrario, la réduction du déficit a été permise par l'amélioration du solde des collectivités territoriales – nous ne l'avons pas suffisamment rappelé –, situation qui a elle-même découlé de l'affaissement de l'investissement local, ce qui a permis aux collectivités d'enregistrer un excédent de 3 milliards d'euros en 2016. Il était important de rappeler ce point capital.

La part de l'État dans le déficit public est ainsi passée de 90 % en 2010 à près de 98 % en 2016 ! Encore une fois, notre pays se trouve dans une situation très dégradée par rapport à nos voisins européens. C'est une image déplorable que donne la France, qui reste un des seuls pays européens dont le déficit ne respecte toujours pas le seuil de 3 points de PIB fixé par le traité de Maastricht !

L'année 2016 a également été marquée par des recettes fiscales inférieures de 3,8 milliards d'euros au montant prévu en loi de finances initiale. Il convient de noter aussi la baisse importante des recettes de l'impôt sur les sociétés, qui doit nous interpeller, car elle traduit la situation des entreprises elles-mêmes.

Ces mauvaises rentrées fiscales auraient pu être bien plus dégradées encore si le précédent gouvernement n'avait pas bénéficié opportunément de facteurs exceptionnels, qui ont permis aux recettes d'être proches des prévisions.

Parmi ces facteurs, il y a d'abord l'encaissement de deux années de redevances d'usage des fréquences hertziennes, pour 1,3 milliard d'euros, et un prélèvement particulièrement élevé de 2,4 milliards d'euros sur la COFACE. Il convient d'ajouter une réduction des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l'Union européenne.

Le revers de la médaille pour la nouvelle majorité est que rien ne permet aujourd'hui d'anticiper la reconduction en 2017 d'éléments aussi favorables, qui n'agissent que comme des fusils à un coup. Il convient également de noter 3,5 milliards de reports de dépenses de 2016 sur 2017 – reports qui sont en progression.

La maîtrise de la dépense publique avancée est totalement artificielle. En effet, en 2016, la décélération de la dépense a, pour l'essentiel, découlé de la baisse de l'investissement local et d'une économie massive sur la charge de la dette. Selon la Cour des comptes, hors charge d'intérêts de la dette, les dépenses du budget général dépassent les autorisations de la loi de finances initiale d'1,6 milliard d'euros.

Là encore, la France décroche par rapport à ses voisins. En 2016, notre pays est passé au premier rang de l'Union européenne pour le niveau de ses dépenses publiques, alors même que leur efficacité est éminemment discutable. L'efficacité et l'efficience de l'action publique constituent un véritable sujet pour l'avenir car les crédits peuvent augmenter sans que l'action publique ne s'accompagne de résultats à la hauteur des efforts consentis et attendus.

Nous faisons ainsi partie des pays qui dépensent le plus pour soutenir l'emploi alors que nous enregistrons un niveau de chômage parmi les plus élevés. Je plaide pour qu'à l'avenir la représentation nationale et le Gouvernement s'intéressent davantage aux suivis et résultats des politiques publiques mises en oeuvre.

Je m'arrêterai également sur des mécanismes extrabudgétaires qui ont pu, d'une certaine manière, priver l'autorisation parlementaire de sa signification. La précédente majorité a ainsi décidé de procéder à de très nombreux mouvements de crédits en cours de gestion dont l'ampleur interroge. L'utilisation de la mise en réserve à hauteur de 13,7 milliards à des fins de financement de sous-budgétisations illustre cette mauvaise habitude, régulièrement dénoncée par la Cour des comptes. Nous pouvons, hélas, constater qu'elle se poursuit en 2017. Je tiens de nouveau à regretter l'absence d'un projet de loi rectificative pour procéder à un examen, à ce jour, de l'ensemble de la situation de 2017.

Enfin, la dette publique a atteint, en 2016, le niveau record de 2 147 milliards d'euros, soit une dette moyenne de 35 000 euros par habitant – dette qui n'a jamais cessé de croître depuis le milieu des années soixante-dix, en dépit du caractère anesthésiant de la baisse des taux d'intérêt et de la procédure des primes d'émission. Et, malgré la faiblesse des taux, la charge de la dette de l'ensemble des administrations s'élève tout de même à 46 milliards d'euros en 2016, un montant supérieur aux dépenses consacrées à la défense et au produit net de l'impôt sur les sociétés.

L'absence d'efforts budgétaires au cours des années à venir conduirait à une véritable dérive de la dette publique. Dans ces conditions, l'enjeu de souveraineté budgétaire associé à l'endettement est immense, quand on sait que notre dette est détenue aux deux tiers par des étrangers.

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