L'agence est déjà une agence très africaine. À vrai dire, les 50 % de l'activité sur l'Afrique fixés dans le projet de COM, nous y sommes déjà. Pourquoi l'État a souhaité reprendre ce seuil de 50 % ? Parce que c'est l'objectif qui est fixé à l'AFD. Cela sera donc un objectif commun à l'AFD et à Expertise France. Nous devrions, de fait, être plutôt contributeur dans le groupe AFD sur notre action sur l'Afrique, puisqu'aujourd'hui nous sommes déjà un peu au-delà de 50 %. Nous avons une présence assez forte dans les pays fragiles, qui représentent autour d'un tiers de notre activité. Là aussi, l'objectif d'activité est plutôt celui de la consolidation de ce seuil plus que d'un progrès très important. Cela reste évidemment dans l'ADN d'Expertise France d'être présent en Afrique et dans les pays fragiles. Quand je dis l'Afrique, je vise essentiellement les pays prioritaires pour la France.
Il y a eu beaucoup de questions sur la santé et les conséquences de la crise du covid. Peut-être, d'abord vais-je répondre à la question de Jean François Mbaye sur le mécanisme de plateforme d'appui technique et de son fonctionnement. J'avais indiqué dans mon propos introductif que nous avions évidemment pris soin, en très étroite collaboration avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, de faire en sorte que nous mobilisions nos experts sur un bon positionnement. Quand je dis « un bon positionnement », j'évoque la nécessité d'être présent en appui des efforts faits par les gouvernements et par le multilatéral, en premier lieu l'OMS. Il s'agit donc de bien faire en sorte que nous soyons présents d'abord là où nous avons une capacité de réponse et ensuite que nous ne nous surajoutions pas là où il n'y avait pas forcément à se situer ou là où il y avait déjà beaucoup d'acteurs. En pratique, nos experts étaient déjà positionnés avant la crise au sein des ministères de la santé ou de leur cabinet. C'est le cas par exemple au Mali, en Centrafrique et au Burkina Faso. En Côte d'Ivoire, nos experts participaient déjà à un certain nombre de réunions de coordination nationale. Nous veillons donc à ce que notre appui soit véritablement efficace et qu'il ne vienne pas complexifier la donne, alors qu'il y a déjà beaucoup d'acteurs sur le terrain. Encore une fois, la priorité de la France est bien de faire en sorte que les acteurs multilatéraux puissent jouer leur rôle. Quand je dis « les acteurs multilatéraux », c'est évidemment l'OMS mais ce sont aussi les bailleurs de fonds, en particulier le Fonds mondial qui a consacré deux enveloppes de 500 millions d'euros pour appuyer les pays en développement dans leur réponse au covid-19. Notre rôle est de faire en sorte que les pays dans lesquels nous sommes aient accès à ces ressources et à ces fonds. C'est la clé et c'est à cela que nos équipes travaillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Elles le font dans un contexte où, bien sûr, nous n'oublions pas les autres pandémies. Comme je le rappelais, nous sommes l'agence qui gère l'initiative dite « 5% ». Cette initiative vise à appuyer les efforts en matière de réponses contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Nous avons une capacité d'adapter à hauteur de 10 à 15 % nos programmes pour faire en sorte d'inclure le covid-19 mais il n'est pas question de détourner l'effort fait sur ces pandémies qui continuent et d'ailleurs il y a, si je puis dire, des bénéfices croisés. Le renforcement du système de santé sur un certain nombre de problématiques bénéficie à l'ensemble des maladies. C'est aussi ce à quoi nous sommes très vigilants, de faire en sorte que l'action ciblée en matière par exemple de sida ou de paludisme serve aussi à renforcer un système de santé qui sera plus résilient pour d'autres maladies. C'est évidemment très important qu'on le fasse.
Pour répondre à la question sur la santé, bien-sûr nous veillons à ce que, sur le volet sanitaire, la coordination sur le terrain sous la houlette notamment de l'OMS soit bien faite. Est-ce qu'il y aura des besoins supplémentaires en termes de financement sur la santé par la suite ? Je dirais qu'il faudra voir. La santé est un champ sur lequel les ressources au niveau mondial sont essentiellement gérées par des gros acteurs multilatéraux. L'Union européenne consacre assez peu de ressources à la santé. La France en bilatéral en consacre via l'AFD, via notre initiative « 5% », mais c'est à peu près tout. Le reste, je pense que 80 % des crédits que la France consacre à la santé sur le plan mondial sont dirigés vers des acteurs multilatéraux, donc encore une fois notre objectif est bien que nous nous coordonnions avec eux.
Pour répondre aussi à la question sur le multilatéralisme, c'est évidemment crucial, et là je pense qu'Expertise France a un rôle très important à jouer, si on croit au multilatéralisme et si l'on veut éviter un émiettement demain encore plus grand du monde dans lequel on vit, il est extrêmement important que l'on assure le lien entre le niveau bilatéral et le niveau multilatéral. Des acteurs comme nous, des agences de coopérations qui sommes en contact avec ce monde des bailleurs multilatéraux et bilatéraux, ont justement pour mission de faire en sorte d'essayer de coordonner tout cela sur le terrain, sur la santé mais aussi sur les autres sujets du développement.
Nous collaborons bien-sûr avec l'Institut Pasteur, de plusieurs manières. Nous avons un certain nombre de nos experts techniques internationaux qui travaillent dans les instituts. Une partie est portée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et une autre partie par Expertise France. Nous avons aussi un certain nombre de projets de coopération sur le terrain que cela soit en Asie ou en Afrique avec l'Institut Pasteur qui est un établissement extrêmement important en matière de santé et de santé publique pour la France.
Le genre est un axe fort d'Expertise France. Nous gérons plusieurs gros programmes, notamment un très gros programme pour le compte de l'Union européenne sur le genre. D'ailleurs nous étions l'un des partenaires-clés du sommet qui devait s'organiser en France, qui le sera sans doute un peu plus tard. Cet axe passe par la prise en compte de beaucoup de sujets « genre », qu'il s'agisse des sujets de bonne gouvernance, de lutte contre les violences faites aux femmes ou d'autres. Nous avons d'ailleurs pour ambition, vous l'avez sans doute vu dans notre projet de COM, de réactualiser cette stratégie « genre » et surtout de mieux suivre, dans toutes nos actions, les différentes composantes qui peuvent avoir un impact sur le genre.
Nous avons quelques projets de coopération avec la Chine, assez peu à vrai dire. Nous coopérons en Chine essentiellement sur des sujets de protection sociale au niveau régional. Des régions chinoises mobilisent ainsi notre expertise pour les aider sur des thématiques de vieillissement de la population et de prise en charge de la dépendance. Nous n'avons pas d'actions de coopération avec les autorités chinoises en Afrique. Je pense que le sujet est, à vrai dire, complexe. En tant qu'agence française et européenne qui porte un renforcement de capacité, il n'est pas interdit de travailler avec les Chinois mais cela serait certainement compliqué sur un certain nombre de thématiques. Notre volonté est, d'abord et avant tout, d'appuyer le dialogue politique, parce que c'est cela, au fond, la coopération technique : permettre d'appuyer le dialogue politique sur des questions très concrètes et donc appuyer le dialogue que notre gouvernement et plus généralement les institutions européennes ont sur un certain nombre de sujets. Il se peut toutefois qu'il y ait un rapprochement avec les autorités chinoises sur des problématiques telles que la biodiversité. Par exemple, le fait, pour nous, de participer à l'organisation de la COP15 peut intéresser les autorités chinoises qui ont une réelle volonté d'avancer sur ces sujets-là. Dans ce cas-là, cela pourrait être envisageable.
Au Sahel, la menace liée à la présence de groupes terroristes n'a pas disparu, bien au contraire, malgré des avancées sur le terrain, notamment après le sommet de Pau, des avancées assez tangibles d'ailleurs. Les difficultés sont réelles et la crise du covid en rajoute une couche supplémentaire, notamment pour l'approvisionnement d'un certain nombre de programmes. Pour autant, nous étions déjà présents dans la zone et un certain nombre de nos projets apportent des réponses à la fois à la menace sécuritaire et à la menace sanitaire. J'en veux pour preuve notre plan d'appui au développement Santé au Mali qui vise à rénover des infirmeries de garnison des forces armées maliennes dans le centre et le nord du pays pour les ouvrir aux civils avec un double volet – renforcement sanitaire et du lien avec les populations, en particulier les populations les plus vulnérables. Ces projets-là continuent. Nous avons livré, la semaine dernière, un bel hôpital de garnison. Les choses avancent malgré tout et il est très important dans cette période de ne pas abandonner les zones les plus fragiles. Je pense à la Somalie mais on peut penser au Burkina Faso ou au Niger ou à d'autres pays de ce type.
Le climat et la biodiversité sont évidemment des sujets très importants pour nous. C'est l'activité qui a connu la progression la plus forte depuis 2015. Pour vous donner un exemple de programme important d'adaptation aux changements climatiques, nous avons mis en place un programme dans la zone Caraïbes pour rénover les plans de sécurité civile et de résilience face aux risques de changement climatique mais également face à un certain nombre de problèmes de biodiversité que connaît la région, programme que nous allons sans doute élargir à d'autres pays et territoires ultramarins de l'Union européenne. Nous avons la volonté de rester très actifs dans un domaine où les voix française et européenne restent fortes.