Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du mercredi 20 mai 2020 à 15h00
Commission des affaires étrangères

Jean-Yves le Drian, ministre :

Les autorités marocaines et algériennes ont décidé, le 13 mars dernier, de fermer leurs frontières et leurs aéroports, et de suspendre les vols de leurs compagnies nationales.

Au Maroc, 30 000 de nos compatriotes ont pu être ramenés très rapidement, des autorisations ayant été nécessaires pour chaque vol. Nous n'attendions pas la nouvelle vague, constituée en effet de binationaux. Nous devons les rapatrier, mais nous sommes contraints par la réglementation sanitaire sur place. Nous nous employons à organiser davantage de vols, mais sachez que, au Maroc, une autorisation est requise pour chaque passager. Par ailleurs, en phase de déconfinement, on ne peut pas déroger aux règles de distanciation définies par le Haut Conseil de la santé publique, ni dans le métro ni dans les transports aériens.

Nous travaillons avec Air France pour que soient désormais assurés, non plus seulement sept vols hebdomadaires Alger-Paris, mais trois liaisons quotidiennes. La compagnie ASL, qui a racheté les droits d'Aigle Azur, étudie également un programme de vols pour l'Algérie.

Au Maroc, nous faisons en sorte d'avoir davantage de vols au départ de Marrakech et de Casablanca. Air France étudie le renforcement de ses vols sur le pays, et nous travaillons avec ASL à la possibilité d'organiser des vols à partir d'autres villes du royaume. Pour compenser la fermeture de l'aéroport d'Oujda, nous avons mis en place un service de cars gratuits vers Marrakech, mais ils ne sont pas pleins. Avec nos agents consulaires, nous faisons ce que nous pouvons, et nos compatriotes, à qui nous avions tout de même demandé de s'identifier, doivent les respecter.

Nos compatriotes voyageant en camping-car sont rapatriés par voie maritime à partir d'Agadir : deux traversées ont déjà eu lieu, une troisième se déroulera fin mai, d'autres, assurées par une autre compagnie maritime espagnole, devant intervenir ensuite.

Manifester de façon intempestive devant les consulats ne constitue pas, à mon sens, la meilleure attitude quand il s'agit de lutter contre la pandémie, d'autant que nous avons, dans le reste du monde, rapatrié la plupart de nos compatriotes, qu'ils aient été en haut de la Cordillère des Andes ou dans les îles perdues des Philippines.

Nos agents, auxquels je rends un hommage particulier, ont beaucoup souffert, je le sais, de leurs conditions de travail, de la perte de proches, se sentant parfois en danger. Nous avons cherché à renforcer le dialogue social, mis en service une cellule de soutien psychologique, et des plans de reprise d'activité différenciés leur sont dédiés.

J'ai indiqué aux parlementaires des Français résidant hors de France que, s'agissant des entrepreneurs français établis à l'étranger, je m'apprêtais à saisir Proparco, qui, consciente des engagements qui doivent être pris à cet égard, peut les appuyer, soit en les informant des dispositifs locaux de soutien, soit en les faisant bénéficier de certains dispositifs financiers.

En Iran, notre compatriote Roland Marchal a été libéré le 23 mars à la suite de beaucoup de pressions. Nous avons fait savoir aux autorités iraniennes que la condamnation à six ans de prison de Mme Fariba Adelkhah ne se fondait sur aucun élément sérieux ni fait établi, qu'elle revêtait donc un caractère politique et était parfaitement inacceptable. Le Président de la République a adressé un message particulier au président Hassan Rohani en ce sens.

S'agissant des activités nucléaires, l'Iran continue de violer le Plan d'action global commun, ou JCPoA. Notre priorité reste d'éviter qu'une crise de prolifération nucléaire ne vienne ajouter à l'instabilité de la région ainsi qu'à la crise sanitaire. Sur la même ligne que les Allemands et les Britanniques, nous travaillons avec nos partenaires russes et chinois à la préservation de l'accord de Vienne. Nous avons mobilisé le mécanisme de règlement des différends le 14 janvier dernier, pour faire comprendre à l'Iran, par le dialogue, que dans son intérêt, comme dans celui de la communauté internationale, il doit revenir à ses engagements.

Nous ferons tout pour que l'Alliance française de Siem Reap, proche du site touristique d'Angkor, demeure ouverte, la difficulté résidant dans la défaillance de son mécène, le groupe privé hôtelier Thalias. Je m'y implique personnellement. Consigne a été donnée à notre ambassadeur pour que sa pérennité soit assurée en attendant que la reprise de l'activité touristique permette soit que le groupe hôtelier reprenne sa place, soit de trouver d'autres partenaires.

Nous sommes favorables à ce que Taïwan redevienne membre observateur de l'Assemblée mondiale de la santé, ne serait-ce que pour éviter un vide sanitaire territorial. Dans un contexte de renforcement de la conflictualité entre la Chine et les États-Unis, nous avons obtenu, en manière de compromis, que la question de son statut soit discutée en fin de session.

D'une façon plus générale, la position de la France sur Taïwan reste immuable depuis 1964 et la reconnaissance de la République populaire de Chine : elle considère qu'il n'existe qu'une seule Chine et qu'un rapprochement doit intervenir entre les deux rives du détroit, tout en se gardant de toute provocation. N'ayant pas reconnu Taïwan, et même si nos relations économiques sont, à l'instar de celles que l'île entretient avec la Chine continentale, importantes, notre pays n'était logiquement pas représenté lors de l'investiture de Mme Tsai Ing-wen.

Pour ce qui est du Haut Conseil, ce n'est pas une question d'argent : il s'agit qu'une instance scientifique indépendante puisse donner l'alerte en matière de santé. Nous souhaitons également une réforme de l'OMS, s'inscrivant dans le cadre d'une refonte du système sanitaire mondial et permettant une plus grande indépendance financière de l'organisation qui, à l'heure actuelle, perçoit de chaque État à la fois une contribution obligatoire et une contribution complémentaire, liée à des opérations – c'est cette seconde que les États-Unis ne veulent plus verser, faisant preuve d'une réticence malvenue.

L'installation du nouveau gouvernement israélien met un terme à une crise politique qui dure depuis décembre 2018. La France s'en félicite, et je vais rapidement prendre contact avec mon homologue israélien. Cela dit, avec cette investiture, la menace d'une annexion partielle de la Cisjordanie à brève échéance se trouve renforcée, puisque, selon l'accord de coalition, le Premier ministre peut soumettre cette décision à l'approbation du Gouvernement et de la Knesset dès le 1er juillet, sous réserve d'avoir obtenu l'assentiment des États-Unis. Outre que cela constituerait une violation grave de l'un des principes fondamentaux du droit international et permettrait de justifier l'occupation de territoires par la force, ce qui n'est pas acceptable, cela remettrait en cause de manière irréversible la solution des deux États et la recherche d'une paix durable. Nous travaillons avec plusieurs États européens, notamment l'Italie, l'Allemagne et l'Espagne, en vue de mener une action commune de prévention et éventuellement de riposte. Parallèlement, nous avons des contacts avec la Jordanie et l'Égypte, signataires des accords de paix avec Israël, afin qu'ils passent des messages au gouvernement israélien. Nous en avons aussi avec les autorités palestiniennes, sans lesquelles aucune initiative ne pourrait être prise, et qui ont fait connaître leur intention de rompre certains accords internationaux portant sur la sécurité dans les territoires occupés. Nous voulons que tout le monde revienne à la table des négociations.

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