Intervention de Amadou Sall

Réunion du mercredi 27 mai 2020 à 10h30
Commission des affaires étrangères

Amadou Sall, directeur de l'Institut Pasteur de Dakar :

Concernant la coopération scientifique et le modèle de gouvernance, nous sommes passés en 2010 d'un institut qui était plutôt une filiale de l'Institut Pasteur de Paris à un institut qui est devenu une fondation avec une personnalité juridique propre. C'est un organe très équilibré du point de vue des pouvoirs. Les deux membres fondateurs sont représentés au conseil d'administration, l'Institut Pasteur de Paris est représenté par son directeur général et son directeur des affaires internationales qui a demandé l'implication de l'ambassade de France au Sénégal car il connaît certaines méthodes de coopération les concernant. Au niveau sénégalais, le ministère de la santé, qui est notre ministère de tutelle, le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et enfin le ministère des finances sont présents. Au-delà de ces deux membres fondateurs, il a été choisi des personnalités qualifiées qui apportent leur expertise. Enfin, il y a une représentation du personnel qui concerne à la fois le personnel scientifique et non scientifique. Ce conseil d'administration est composé de dix membres qui se réunissent au moins deux fois par an en fonction des besoins. On arrive donc à avoir une politique qui est régulièrement évaluée et qui permet que les orientations soient données au mieux au regard des besoins de l'institution et du pays dans lequel elle se trouve. Je pense que c'est ce qui a permis, jusqu'à présent, d'avoir une bonne approche des choses et nous en sommes très contents. Nous passons en revue les dossiers importants et l'avenir de l'institut. Le conseil d'administration fait régulièrement état des orientations prises et étudie l'état des finances. Il n'existait pas dans ce format auparavant et celui-ci permet d'entrer dans une logique de partenariat.

Au-delà de cette gouvernance qui concerne les orientations majeures, il y a un deuxième organe qui est le conseil scientifique. Il est dirigé par des scientifiques de très bon niveau et nous avons la chance d'avoir le professeur Peter Karel Piot, directeur de la London School of Hygiene and Tropical Medecine, pour diriger ce conseil scientifique. Il a notamment été secrétaire général adjoint des Nations unies. Nous avons également la chance d'avoir Marie-Paule Kieny qui a été numéro trois de l'OMS et qui connaît très bien les questions liées à l'innovation, à la recherche et à la santé publique. Nous avons donc un groupe de neuf personnes, parmi lesquelles des scientifiques étrangers et des scientifiques sénégalais qui, à travers leurs compétences, permettent de jouer ce rôle de recommandation vis-à-vis de la fondation et de la politique scientifique suivie par l'institut.

Ces deux organes, présents au niveau le plus élevé, donnent un certain nombre d'orientations politiques qui sont mises en œuvre par une direction qui comprend un directeur général, un directeur scientifique, directeur financier et un directeur des ressources humaines. L'évolution de l'organisation de l'Institut Pasteur a vraiment permis, car c'est une organisation sénégalaise, d'avoir accès à des organismes de développement avec lesquels ils peuvent converser comme l'AFD qui n'aurait pas pu financer l'Institut Pasteur de Dakar dans sa configuration initiale. C'est une bonne évolution et le fait que cela permette à une expertise locale d'avoir une expertise au niveau le plus élevé me paraît extrêmement important et intéressant. C'est une initiative à encourager de manière générale.

Je me permets d'insister sur l'aspect partenariats. À l'Institut Pasteur, nous avons douze nationalités. La science et la recherche internationale sont une affaire de coopération internationale dans laquelle le fait d'avoir une seule nationalité ne me paraît pas être une bonne chose. Il est absolument essentiel qu'il y ait une ouverture, qu'il y ait la capacité d'intégrer, dans les domaines où la compétence est moindre, une expertise technique internationale comme celle que nous avons avec le ministère des affaires étrangères français. Aujourd'hui, au sein de la direction scientifique, nous avons un expert technique international. Dans le domaine de la recherche clinique nous disposons d'un expert international que l'Institut à Paris à bien voulu mettre à notre disposition. De même dans le domaine de l'immunologie, etc. C'est un équilibre entre un socle local important qui permet de pouvoir recevoir la diaspora locale et la coopération internationale.

Concernant l'écosystème et le rôle du facteur social, je suis tout à fait d'accord avec Mme Clapot pour dire que le facteur social est extrêmement important dans la gestion de cette épidémie. On peut le voir à travers au moins deux ou trois points importants. Le premier c'est qu'aujourd'hui, la lutte doit être communautaire. Plus les communautés sont engagées dans le suivi des mesures de prévention et dans le suivi des mesures à prendre, plus les chances de réussite sont grandes. L'adhésion des communautés à cette stratégie dépend beaucoup de la façon dont on leur parle et de la façon dont on les écoute. Il faut savoir qu'en tant que scientifiques, nous avons souvent une approche qui ne colle pas avec ce que veulent les communautés. Nous l'avons constaté avec Ebola où les communautés ont été amenées à brûler les centres de traitement. Par conséquent, le fait de pouvoir écouter les communautés et de bien comprendre comment leurs membres ressentent ces mesures et de les traduire dans un contexte qui permet de favoriser leur adhésion nous paraît extrêmement important pour gagner cette lutte.

Le deuxième élément, c'est que les mesures prises ont souvent des conséquences sociales qu'il faut prendre en compte. Je donne l'exemple du confinement dont il est question au Sénégal et dans plusieurs pays d'Afrique et où on peut voir fréquemment vingt à vingt-cinq personnes vivre dans une même maison. Cela signifie que dans un contexte de confinement, il peut quand même exister une transmission intra-domiciliaire engendrant lors du déconfinement, un très grand nombre d'infections à l'échelle de la population. Ces éléments de stratégie doivent être réfléchis socialement par rapport à la structure du pays.

Le dernier élément concerne l'impact de toutes ces mesures, notamment sur l'emploi. Je vous donne l'exemple du Sénégal mais il en est question dans un certain nombre de pays d'Afrique où une large partie de la population travaille dans ce qu'on appelle le secteur informel. Cela veut dire que ces hommes et femmes exerçant un travail dans la vente de fruits, de marchandises, etc., possédant de toutes petites entreprises qui ne sont pas forcément déclarées et qui ne payent pas impôts, jouent un rôle social important. Et le fait que ce commerce informel ne soit plus possible à l'heure actuelle peut engendrer des problèmes sociaux, notamment à long terme car ces personnes ne disposent plus de revenu.

En ce qui concerne les tests rapides et les difficultés d'approvisionnement, un point essentiel selon moi est que tous les pays ayant pu mettre en place des politiques de test extrêmement agressives, qui ont apparemment bien fonctionné, disposaient souvent une industrie locale permettant d'en produire. Je pense notamment à l'Allemagne et à la Corée du Sud qui disposaient de capacités importantes à générer ces tests. Cela signifie que si l'on ne promeut pas en Afrique le développement d'une industrie locale dans le domaine de la santé et dans le domaine biopharmaceutique, il faudra faire face à des difficultés futures, car je reste persuadé que les épidémies vont devenir un mode de vie. En juillet dernier déjà, le virus Ebola avait été classé « urgence de santé publique de portée internationale ». Le covid-19 l'a également été en janvier. Le monde étant très connecté, il y aura beaucoup plus d'épidémies à l'avenir. Être autonome dans le domaine des diagnostics, des vaccins et des traitements me paraît essentiel et s'il y a une stratégie à recommander qu'elle soit régionale, bilatérale ou multilatérale, elle serait de promouvoir la mise en place de ces industries à travers des mesures médicales et non-médicales.

À propos des tests rapides, la situation est la suivante : nous avons remarqué que le parent pauvre dans le système de santé africain est le laboratoire, car il ne dispose souvent pas de réactifs ou de personnel en quantité suffisante. Nous avons pensé qu'en mettant à disposition des tests et une technologie simple, pouvant être facilement décentralisée à l'intérieur des différents pays, nous avions un début de solution pour améliorer à la fois la surveillance et la prise en charge. Cependant, les tests rapides connaissent un certain nombre de limites. La première en termes de performance. La seconde dans la capacité à les effectuer. Nous avons décidé, pour améliorer l'accès aux laboratoires, de mettre en place cette initiative et la rendre la plus accessible possible sur le plan financier. Il était nécessaire de mettre en œuvre un modèle économique permettant de mutualiser les charges liées à la plateforme, de manière à ce que toutes les personnes qui vont acquérir ces technologies n'aient qu'à payer le coût, pas les intrants. C'est ainsi que l'on peut produire des tests à un dollar ou moins, mais cela implique un partenariat. Nous l'avons bâti autour de personnes qui sont intéressées par la possibilité de faciliter l'accès au diagnostic et nous avons donc travaillé avec la Foundation For Innovative New Diagnostics (FIND) située à Genève, dont le rôle est de promouvoir l'accès au diagnostic. Nous avons également travaillé avec la fondation Mérieux qui a un track record important dans le domaine de la santé mondiale, qui travaille en Afrique et qui, avec l'expérience de la famille Mérieux, possède une grosse expertise technique qu'elle peut mettre à notre disposition, notamment à travers bioMérieux. C'est notre deuxième partenaire à but non lucratif. Le troisième partenaire a été l'IRD qui à travers sa mission de recherche dans les pays en voie de développement, a développé une expertise dans l'élaboration de ces tests. Il a pensé qu'en s'associant à cette initiative, il avait la possibilité de préparer les tests futurs pour les maladies épidémiques ou négligées, et ainsi d'étendre son activité en laboratoire à une action plus concrète à développer sur le terrain. À travers ces partenariats, nous avons jugé utile de faire venir des experts dans ce domaine et nous avons choisi une petite société de biotechnologie, Mologic qui a développé, grâce aux appuis de la fondation Bill-et-Melinda-Gates, une expertise importante dans le domaine des tests rapides. Un deuxième volet d'expertise a été apporté par la fondation Mérieux dont une partie importante de l'activité se situe dans les tests rapides et qui a décidé de nous en faire profiter. La leçon qu'il faut retenir de ces partenariats selon moi, est qu'il est d'abord nécessaire qu'existe une volonté commune de faciliter l'accès, ensuite qu'il y ait une expertise technique pour le mettre en œuvre, et enfin un récepteur qui était dans ce contexte l'Institut Pasteur de Dakar, qui, à travers son écosystème, est toujours confronté à des problèmes de santé publique et collabore avec le ministère de la santé.

Au sujet des différences de situation entre les pays d'Afrique. Je pense que ces différences sont liées à au moins deux choses. La première est la stratégie adoptée par les pays : il y a des pays qui ont eu très tôt une approche très agressive avec confinement, fermeture des écoles et interdiction des rassemblements, et il y a des pays qui ont mis plus de temps à mettre en place ces stratégies-là. Il existe une différence importante de situation entre les pays qui l'ont fait et les pays qui ne l'ont pas fait. La deuxième chose est la capacité des différents pays à adapter leur stratégie et à la rendre opérationnelle. Par exemple, certains pays ont dû arrêter de faire des tests car ils n'avaient plus de tests disponibles. D'autres n'ont pas pu déployer un certain nombre d'activités du fait de la taille du pays. Le fait d'avoir une stratégie techniquement valable et de pouvoir la déployer me paraît être un des éléments importants qui a fait la différence entre les situations.

À propos du débat sur l'hydroxycholoroquine, je l'ai un peu suivi en France et dans le monde ainsi que les avis de l'OMS. Au Sénégal, c'est une question au sujet de laquelle nous nous sommes fiés aux recommandations de nos experts, qui, dès le début, nous ont dit que compte tenu de la situation, il fallait adopter une approche qui semblait avoir des résultats en France, celle du professeur Raoult. Ainsi, nous avons mis en place ce type de traitement et nous n'enregistrons pas beaucoup de mortalités associées au covid-19. Nos équipes spécialisées en recherche clinique ont collecté, et collectent encore, l'ensemble des informations pour réaliser une évaluation, de façon à ce que l'on puisse documenter correctement ce traitement. Une première évaluation a permis de montrer des résultats allant dans le bon sens. Elle montre une réduction du taux d'hospitalisation et une amélioration selon que l'on administrait l'hydroxychloroquine seule ou l'hydroxycloroquine avec l'azithromycine. Cette première évaluation a été menée sur un échantillon de 185 patients. Nous nous acheminons vers une deuxième évaluation. Mon point de vue en tant que scientifique est qu'il faut faire les choses sur la base d'éléments et de preuves scientifiques. L'évaluation qui sera réalisée avec plus de 350 patients permettra de dire si les résultats préliminaires se confirment ou pas et, en fonction de cela, nous ajusterons notre façon de faire. Je pense qu'il ne faut pas faire preuve d'idéologie dans ce domaine mais qu'il faut être extrêmement pragmatique et se fonder sur ce que la science indique.

Au sujet de l'OMS, je n'ai pas beaucoup de commentaires à faire si ce n'est qu'effectivement, The Lancet a formulé un certain nombre de réserves sur l'hydroxychloroquine et parle de surmortalité. Il y a beaucoup de biais dans ce type d'étude, qu'a identifiés le Lancet lui-même, ce qui a pu entraîner à mon avis le que l'OMS, dans une démarche prudente, ait demandé un arrêt des essais cliniques. D'autres pays d'Afrique ont-ils suivi cette décision ? Je ne sais pas. Les autorités et experts sénégalais sont en train d'en discuter et une décision devrait être prise prochainement.

En ce qui concerne la crise en cascade et les aspects économiques et sociaux qu'elle peut avoir, une collaboration doit être mise en place, notamment au niveau communautaire. À son stade actuel, cette épidémie, à l'instar des autres, s'affronte au niveau de la communauté. De ce point de vue-là, nous devrions dès à présent avoir une approche communautaire et faire de la santé communautaire un aspect central de notre démarche, compte-tenu de notre système de santé. Cela signifie qu'un point important, qu'on a tendance à oublier, est qu'on n'écoute pas assez les communautés. Dans certaines communautés, il est important d'écouter les femmes. Dans d'autres, les personnes âgées ou les religieux. Cela fait toute la différence en termes de perception du message et d'adhésion des populations. Cet effort est nécessaire selon moi. Cet aspect n'était pas privilégié jusqu'alors et il nous a rattrapés avec le virus Ebola. Nous faisons à présent de plus en plus attention à cela. L'expérience nous a montré que nous avons tort de penser que des mesures qui ont marché quelque part marcheront pour une autre communauté. Si l'on y prête plus attention, la solution vient parfois de la communauté qui permet un ajustement de certaines mesures pour les rendre plus efficace et pour susciter l'adhésion. C'est ce qui sera le plus efficace aujourd'hui selon moi.

Concernant le partenariat en termes de personnel de santé, il existe effectivement un besoin important en ressources humaines dans le domaine de la santé. Pour remédier à cela, une démarche est menée actuellement au Sénégal à travers la mise en place d'un campus franco-sénégalais. Il s'agit d'un projet du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche français et du gouvernement du Sénégal. L'Institut Pasteur en est partenaire. Il est apparu que dans le domaine des épidémies, il est important de bénéficier d'une formation dédiée, une formation spécifique.

À propos des relations entre la Chine et de l'Afrique. Concernant l'Union africaine, la Chine, à travers la fondation Jack Ma, a pu aider beaucoup de pays en mettant à disposition des tests, des respirateurs ainsi qu'un certain nombre d'équipements et de matériels pour améliorer la situation et lutter contre le covid-19. En ce sens, il est important de noter que l'Union africaine à travers les CDC a joué un rôle assez important puisqu'elle a mis en place une mission qui permet, avec la compagnie aérienne Ethiopian Airlines, de visiter régulièrement les pays pour mettre à leur disposition les équipements dont ils ont besoin. Au Sénégal deux ou trois vagues ont déjà eu lieu pour déposer du matériel. Selon moi, cette aide est une opportunité. Cela va-t-il influer globalement sur les rapports entre la Chine à l'Afrique ? J'aurais du mal à répondre à cette question. Ce que je remarque c'est que dans ce domaine, une relation s'installe, s'améliore avec certains pays et qu'avec l'Union africaine des discussions ont lieu à très haut niveau. Mais il me serait difficile de connaître le devenir de ces relations.

En ce qui concerne l'accès équitable au vaccin, les manières de le mettre à disposition et les accords qui existent actuellement, je ne sais pas s'il y a un accord formalisé et écrit. Ce que je sais, c'est que de grandes initiatives sont prises par la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI) dont le but est de mettre à disposition des vaccins et de les développer. La CEPI a l'objectif de mettre à disposition deux milliards de vaccins contre le covid-19 dans le monde en s'assurant que les pays en voie de développement y aient accès. À travers un certain nombre d'études, elle essaye d'installer en Afrique au moins un ou deux producteurs pour distribuer des vaccins et travailler à les rendre accessibles. Il y a également l'Alliance globale pour les vaccins et liImmunisation (GAVI) qui travaille à des programmes élargis de vaccination. Ce sont les deux bras sur lesquels il faudrait s'appuyer pour permettre un accès équitable et une disponibilité des vaccins. Je ne pourrais pas vous dire quels sont les accords formels qui existent. Cependant, une mobilisation est nécessaire dans ce domaine-là parce qu'il est arrivé, notamment lors de la pandémie du virus H1N1, que certains pays d'Afrique n'aient pas d'accès au vaccin car toute la production mondiale était mobilisée dans les pays du Nord.

En ce qui concerne la structuration de l'enseignement supérieur, dans la stratégie de l'Institut Pasteur de Dakar avec le pôle universitaire, se trouve le campus franco-sénégalais qui est train de se mettre en place au sein du nouveau pôle de Diamniadio au Sénégal. Les situations épidémiques récentes ont été prises en compte dans la constitution de son curriculum. De plus, l'Institut Pasteur de Dakar, grâce à un appui encore en discussion de l'Union européenne, est en train de constituer un centre d'excellence dédié essentiellement à la formation aux épidémies. De nouvelles disciplines y seront enseignées telles que les biomathématiques, la modélisation ou un certain nombre d'éléments de bioingénierie pour développer des tests sur les malades, qui sont autant de domaines dont l'expertise n'existe pas aujourd'hui et pour lesquels l'Afrique doit disposer de ressources. Notre approche est donc de nous inscrire dans la dynamique gouvernementale avec le campus franco-sénégalais mais aussi de mettre en place des initiatives régionales à travers Africa CDC et l'OOAS pour créer ces centres régionaux d'excellence.

À propos des facteurs protecteurs contre le covid-19, et notamment le rôle de la vitamine, nous ne possédons pas d'études spécifiques à ce sujet. En revanche, dans le cadre des programmes de recherche clinique que nous sommes en train de mener, nous avons des détails assez précis sur l'ensemble des traitements qui ont pu être pris par les malades dans le cadre du covid-19. Étant donné qu'au Sénégal, aussi bien les asymptomatiques que les symptomatiques et que les personnes hospitalisées sont mis sous traitement, nous pourrons à travers une analyse détaillée voir si le fait de prendre de la vitamine a pu avoir un effet favorable.

Concernant le rôle de l'hydroxychloroquine, je partage le fait que l'étude du Lancet a des biais : cela a été dit et compris par les auteurs. Je ne reviens pas sur la position de l'OMS et je ne connais pas la position des autres pays. Au Sénégal, une réflexion est en cours pour décider de ce qu'il faut faire à ce sujet.

À propos de savoir si l'Afrique est au début de l'épidémie, c'est le cas puisqu'elle ne s'est propagée que depuis environ deux mois et demi, suivant les pays. On a pu constater qu'il y a pour l'instant une résistance liée au fait qu'il existait un certain niveau de préparation avant l'arrivée du covid-19. Aussi ont été mises en place un certain nombre de bonnes mesures, parfois agressives qui ont eu des résultats importants. Les chiffres sont-ils fiables ? Je le pense, dans la mesure où un travail sérieux est réalisé dans la plupart des pays. Il existe toute une série de partenaires et de gouvernements locaux qui placent beaucoup d'énergie dans l'obtention de chiffres fiables et ce n'est qu'avec cela que l'on peut avoir un pilotage réellement efficace de la réponse.

Sur la capacité à changer le regard que l'on porte sur l'Afrique, il peut selon moi être modifié naturellement. Il n'existe aucune raison à ce qu'il y ait un rapport compassionnel à l'Afrique et une dynamique de partenariat doit plutôt être favorisée car je pense que c'est là où se situe l'avenir des relations entre l'Europe et l'Afrique. Pour cela, il est absolument essentiel que d'une part au niveau de l'Afrique, et d'autre part au niveau de l'Europe, il y ait une évolution significative des mentalités puisque le monde actuel est globalisé et que la créativité est partout. Les possibilités d'échanges sur la capacité des uns et des autres à bâtir une résilience constituent selon moi le chemin du futur. Certaines initiatives africaines ont constitué un apport au niveau mondial, il peut y en avoir d'autres. De la même manière, de très bonnes idées peuvent venir du Nord et s'appliquer en Afrique. Construire autour de cela me paraît extrêmement important.

À propos de la prise de nivaquine dans le traitement covid-19, je ne suis pas convaincu du fait la prise de nivaquine dans le passé puisse encore avoir un effet maintenant, car je ne suis pas certain qu'elle reste dans le corps aussi longtemps. Mais il faudra le confirmer. Je ne sais pas si nous avons eu des cas de Kawasaki chez les enfants. Tout ce que j'ai pu voir à ce sujet a été mené dans d'autres pays. Quand nous aurons au Sénégal une analyse un peu plus détaillée de nos cas, je saurais peut-être vous répondre.

Je suis tout à fait d'accord avec Martine Leguille-Balloy sur les difficultés des études sérologiques. Notre recherche montre les mêmes résultats que l'Institut Pasteur de Paris, c'est-à-dire une difficulté qui existe en termes de sérologie. Les chercheurs au Sénégal ont choisi plusieurs cibles. Pour être très concret, toutes les cibles disponibles ont été sélectionnées au début, mais au fur et à mesure, nous nous sommes focalisées sur deux cibles importantes en matière de réaction en chaîne par polymérase (PCR). En termes de sérologie, la difficulté est surtout d'avoir les bons outils, au bon moment. Le premier outil qui permet de détecter les protéines du virus que sont les antigènes, n'est pas aujourd'hui suffisamment performant. Nous faisons donc avec ce qu'il y a et nous sommes en train d'en développer. En revanche, les outils sérologiques de tests rapides de détection des anticorps sont de mieux en mieux et on pense que d'ici quelques semaines, nous devrions avoir des outils très performants, qui permettraient de décentraliser plus rapidement la lutte stratégique contre le virus.

Existe-il des régions qui n'ont pas été touchées ? Oui, cela existe encore mais il est important de poursuivre la surveillance à ces endroits car des importations sont possibles dans ces régions, et à partir de ces importations, peut se développer un foyer.

À propos de la polémique autour des propos de Jean-Paul Mira, il est important de rappeler que l'Afrique ne peut pas être un endroit où l'on mène des recherches en toute impunité et de manière sauvage. Un certain nombre de structures existent pour évaluer l'approche éthique des recherches et les différents pays sont dotés d'un certain nombre d'organes qui permettent de s'assurer que l'on ne puisse pas mener n'importe quelle étude en Afrique. Je ne pense pas qu'il existe un sentiment anti-français. Je n'en ai pas fait l'expérience. Il peut exister des personnes qui ne sont pas d'accord avec certains aspects de la politique française. Certains peuvent malheureusement l'utiliser à des fins politiques et sociales. Je n'ai pas l'impression que cela concerne une majorité de la population, cela reste encore une minorité mais cela peut être exploité. Lors d'épidémies, se découvre ce qu'il y a de mieux chez les gens, en termes de solidarité et d'engagement mais aussi ce qu'il y a de pire, la cupidité, l'opportunisme, etc. C'est dommage. Il faut juste se concentrer sur l'objectif à atteindre.

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