Intervention de Nassif Hitti

Réunion du mercredi 10 juin 2020 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Nassif Hitti, ministre des affaires étrangères et des émigrés du Liban :

. C'est un problème auquel fait face toute la communauté étrangère au Liban ainsi que les Libanais, le corps diplomatique et professoral. Nous sommes en train de faire de notre mieux pour pousser les banques à agir. Je connais très bien la situation du volume de devise des banques mais c'est la responsabilité première des banques d'essayer de régler ce problème. Nous sommes tout à fait conscients de ce problème, de ces répercussions sur les individus mais aussi sur l'image du pays. Je peux vous assurer d'une chose : nous travaillons sérieusement sur cette question qui touche tout le monde.

Concernant la situation économique et financière, le modèle libanais est un modèle économique libéral auquel nous tenons et auquel nous tiendrons toujours. Cependant, il y a eu une sur-financiarisation de ce modèle et nous allons revenir vers un modèle beaucoup plus équilibré. Ce sera toujours un modèle économiquement libéral mais un modèle qui échappe à ce qu'on appelle « la logique de l'état de rente » pour créer un certain équilibre en mettant plus l'accent sur les secteurs productifs tels que le secteur agricole, le secteur des petites industries et le secteur des nouvelles technologies et non sur le secteur des services. Le secteur de l'agro‑économie ici est très important. C'est donc une des priorités du plan du gouvernement. Cela peut permettre, au-delà de la réduction des importations et de l'augmentation des exportations, de créer un équilibre écologique, géographique, régional, sectoriel en encourageant les petites et moyennes entreprises. Si je travaille dans une ville dans la périphérie du Liban, je vivrais et dépenserais là-bas, donc je contribuerais au développement de ma région. Quand on parle de cette sur-financiarisation, elle appartient désormais au passé car nous allons nous attaquer au système bancaire. Nous restons toujours ancrés dans une économie libérale, que nous avons adopté avant beaucoup de pays dans le monde, et nous resterons dans cette perspective-là.

Concernant les relations avec la Chine et la Russie, nous avons de très bons rapports avec ces deux pays. Nous n'avons jamais fait partie d'un bloc et nous ne sommes plus dans un système bipolaire de guerre froide à l'échelle mondiale.

Concernant la francophonie, la puissance douce du Liban, qui a fait ce qu'a été le pays, réside dans la diversité culturelle, intellectuelle, universitaire, et scolaire. Personnellement, j'ai fréquenté le Collège des frères des écoles chrétiennes puis je suis allé à l'Université américaine et je suis fier de dire que j'ai aussi une très bonne culture arabe. Ce n'est pas un cas unique mais un cas répandu au Liban. Nous tenons beaucoup à la francophonie et nous sommes engagés dans la voie de son encouragement, nous allons notamment accueillir l'Agence pour la francophonie. Nous tenons beaucoup à la culture française et il ne faut pas le voir comme un choix entre deux cultures mais comme un élargissement des perspectives culturelles libanaises. Il faut investir dans l'école française au Liban, et par là j'entends l'école libanaise qui enseigne en français, qu'elle soit publique ou privée.

Concernant le pacte national libanais, celui-ci a en effet été renouvelé avec les accords de Taëf qui sont devenus une partie de la constitution libanaise. C'est un système que les politologues appellent « démocratie consociative », de consensus entre différentes communautés politiques. Ce n'est pas une organisation idéale mais elle fonctionne bien, elle a besoin d'être revisitée de temps à autre. En fin de compte, je serais personnellement favorable à ce qu'on tende vers un État civil et laïc mais cela prend du temps, surtout avec le retour de ce qu'Amin Maalouf appelle « les identités meurtrières ». Il faut cependant aller dans ce sens et nous y travaillons. Notre système est un système représentatif basé sur la diversité et le dialogue. Il y a bien sûr de temps en temps des tensions ici et là, qui sont aussi le fruit de l'influence des politiques régionales. L'impact des conflits régionaux crée des difficultés pour faire évoluer ce système mais cela fonctionne.

On m'a posé une question sur le rôle du Hezbollah. Le Hezbollah représente une part importante de la société libanaise et il est représenté au parlement. Le parti est d'abord considéré comme un parti de résistance nationale et il respecte les engagements de l'État libanais. Comme je venais de le dire, au Liban du Sud la réalité est la suivante : il y a l'armée libanaise et la FINUL et nous faisons en fonction de cette diversité. Il n'est pas nécessaire que tout le monde soit d'accord avec tout le monde mais c'est ce régime qui fonctionne, qui avance, jusqu'au jour où nous pourrons développer une stratégie de défense commune totale.

Concernant la région, le danger provient de cette annexion qui pourrait mettre fin à toute perspective de paix dans la région, une paix basée sur les résolutions onusiennes sur le droit des Palestiniens à disposer de leur État. C'est pourquoi j'en reviens à ce que je juge être l'initiative la plus courageuse, et je ne dis pas ça en tant que Libanais mais en tant qu'observateur de l'initiative de paix arabe adoptée au sommet arabe de Beyrouth de 2002, qui présente une approche globale et totale de manière à permettre de tourner la page. Désormais, il est très important de faire respecter le droit international et les résolutions onusiennes et d'agir contre la politique israélienne. Il faut revenir à la table des négociations, j'appelle le Quartet et les Nations unies qui en font partie à reprendre les choses en main pour que nous puissions aller de l'avant. Vous pouvez me croire, c'est du réalisme et non l'inverse, c'est du réalisme mais avec de la moralité et des principes afin de réinstaurer la paix au Moyen-Orient.

Comme je vous l'ai dit, la lutte contre la corruption est un des objectifs principaux de notre plan de redressement et de notre politique gouvernementale. Celle-ci est considérée par certains comme structurelle et c'est le cas, il s'agit d'un système qui reproduit cette corruption. Nous voulons promouvoir beaucoup plus de transparence et bien plus d'institutionnalisation du système. Ce n'est pas chose facile, je le dis, je l'admets et je le crie sur tous les toits mais nous n'avons pas d'autres choix que d'avancer sur ce chemin, c'est un des objectifs majeurs de notre plan d'action gouvernemental.

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